Vaccin anti-covid 19 Ad26.COV2.S de Janssen : les résultats prometteurs de la phase 1/2 sont publiés

Publié le 21 jan. 2021 à 15h13

Biographie

MD, PhD, ancien directeur scientifique de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), Brétigny sur Orge, France.

Habilitation à diriger les recherches.

Enseignant à l’Ecole du Val-de-Grâce, à l’université d’Aix-Marseille, à l’Institut de formation en soins infirmiers Saint Joseph, Marseille.

Expert auprès de Santé publique France, de la Haute autorité de santé (HAS) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).

Membre du Comité de protection des personnes (CPP) Sud-Ouest et Outre-mer II.

Liens d'intérêt

Absence de lien avec l’industrie pharmaceutique.

Aucune participation à des études cliniques de médicaments ou vaccins.

Déclaration établie le 2 janvier 2012, mise à jour le 21 septembre 2021.

Le 28 septembre, nous rendions compte des résultats intermédiaires des premiers essais réalisés avec le candidat vaccin Ad26.COV2.S mis au point par le laboratoire Janssen. Ces résultats sont à présent publiés dans le New England Journal of Medicine (NEJM).

Commencé le 22 juillet 2020 dans 12 centres répartis en Belgique et aux Etats Unis, l'essai de phase 1/2a devrait inclure plus de 800 participants répartis en 4 cohortes : des volontaires "jeunes", âgés de 18 à 55 ans (cohorte 1a), un petit groupe de 25 volontaires jeunes soumis à une analyse fine de leur immunité (cohorte 1b), des volontaires âgés de 56 à 64 ans (cohorte 2), et des volontaires de 65 ans et plus (cohorte 3).

Les résultats publiés sont ceux de l'analyse intermédiaire qui a concerné les cohortes 1 et 3. Ces résultats avaient été pour l'essentiel annoncés dès le 25 septembre, mais ils n'avaient pas alors été encore soumis à l'évaluation rigoureuse par les pairs ("peer review") nécessaire pour une publication. Le vaccin Ad26.COV2.S utilise un vecteur développé à partir de l'adénovirus humain 26 (Ad26) peu répandu et sans pouvoir pathogène connu, rendu incapable de se répliquer par délétion de protéines essentielles, dans le génome duquel a été insérée une séquence d'ADN codant une forme stabilisée de la protéine S du SARS-CoV-2. Le vecteur Ad26 a déjà été utilisé pour mettre au point un vaccin anti-Ebola récemment autorisé par l'agence européenne du médicament, et des candidats vaccins contre le VIH, le virus Zika ou le virus respiratoire syncytial. Il est connu pour favoriser une réponse immunitaire de type Th1, protectrice et dépourvue des effets délétères de la réponse Th2, y compris chez les rares personnes qui ont pu se trouver infectées par Ad26 au cours de leur vie. La forme choisie de la protéine S du SARS-CoV-2 est celle qui s'est révélée la plus immunogène et capable d'induire des anticorps neutralisants, susceptibles de protéger contre le virus, parmi les formes que les chercheurs ont testées.

Les participants à l'essai ont reçu une ou deux doses de vaccin ou de placebo, à 56 jours d'intervalle. Pour le vaccin, la quantité de particules virales Ad26 recombinant inoculé avec chaque dose était de 5x1010 ("faible dose") ou de 1x1011 ("forte dose").

Les résultats encourageants présentés dans la pré-publication du 25 septembre sont retrouvés dans la publication. Afin de recueillir le maximum d'information, les investigateurs ont réparti l'ensemble des participants de chaque cohorte en 5 groupes équivalents en nombre : faible dose suivie de faible dose, faible dose suivie de placebo, forte dose suivie de forte dose, forte dose suivie de placebo et placebo suivi de placebo. Les résultats publiés sont ceux qui ont été observés chez les participants ayant reçu 2 doses (vaccin et /ou placebo) dans la cohorte 1a et ceux qui ont reçu 1 dose dans la cohorte 3. Des visites et des analyses ont été effectuées 7, 28 et 71 jours après la "vaccination" pour évaluer la tolérance, la sécurité et l'immunogénicité des injections. Les anticorps anti-protéine S ont été recherchés par ELISA avant toute inoculation puis aux jours 15, 29, 57 et 71. Des tests de neutralisation du SARS-CoV-2 ont été effectués sur un lot de sérums tirés au sort dans tous les groupes.

Les données sur les événements indésirables ont pu être recueillies chez 99 % des participants, 402 dans la cohorte 1 et 403 dans la cohorte 3. Il s'agissait majoritairement d'événements localisés et d'intensité faible (douleur au point d'injection), rapportés chez 64 % des participants de la cohorte 1 ayant reçu la faible dose de vaccin, 78 % de ceux qui avaient reçu la forte dose, et 9 % de ceux qui avaient reçu le placebo. Chez les participants plus âgés de la cohorte 3, ces proportions étaient respectivement de 41, 42 et 14 %. Des effets systémiques, eux aussi d'intensité modérée, tels que céphalées, myalgies et fatigue, ont été également plus fréquents chez les sujets jeunes. Des effets plus intenses (grade 3), tels qu'une fièvre supérieure à 39 °C, n'ont été observés que dans les groupes vaccinés, là encore plus fréquemment chez les jeunes que chez les plus âgés, et jamais dans les groupes placebo. La fièvre s'est manifestée dans les 48 heures suivant les injections et a toujours cédé en 1 ou 2 jours. Aucun événement de grade 4 (pronostic vital directement engagé) n'a été observé, dans aucun groupe.

Dans la cohorte 1a, les événements indésirables ont été légèrement plus fréquents après la 2ème dose de vaccin qu'après la première (77 % après une faible dose, 80 % après une forte dose). Ils n'ont été observés que dans environ 30 % des cas si la 2ème dose était le placebo. Par contre, la fréquence des événements de grade 3 qui était de 9 % et 20 %, respectivement, après une première dose faible ou forte, n'était que de 1 % après une 2ème dose faible, de 7 % après une dose forte. Elle ne dépassait pas 2 % si la 2ème dose était le placebo. Sur l'ensemble des données prises en compte pour la publication, il y a eu 5 événements indésirables graves, dont 4 non reliés au vaccin (hypotension, lithiase rénale, pneumonie à légionelles et poussée de sclérose en plaque) et un cas de fièvre pour lequel on a évoqué une covid 19 avant de l'imputer au vaccin.

Concernant l'immunogénicité du vaccin, dans la cohorte 1a, une séroconversion (apparition d'anticorps, qui étaient indétectables auparavant) a été observé chez 99 % des participants de tous groupes 29 jours après inoculation d'une 1ère dose de vaccin. Les concentrations en anticorps étaient légèrement plus élevées chez ceux qui avaient reçu une forte dose. Ces concentrations ont augmenté dans tous les groupes au jour 57, et se sont encore élevées à J71 pour les participants ayant reçu du vaccin à J57. Pour la cohorte 3, seules les données recueillies après une unique dose de vaccin sont publiées. Une séroconversion a été obtenue chez 75 et 77 % des volontaires vaccinés, respectivement, 14 jours après inoculation de la dose faible ou forte de vaccin. Au 29ème jour, le taux de séroconversion est passé à 96 % pour les deux groupes, et les concentrations d'anticorps ont augmenté. En septembre, sur 6 personnes prises en compte dans la cohorte 3 à cette date, le taux de séroconversion avait été annoncé de 100 %. De façon remarquable, des anticorps neutralisants ont été détectés chez 88 à 96 % des volontaires de la cohorte 1a ayant reçu du vaccin dès J29, et chez 96 à 100 % à J57. Après la deuxième injection, tous les participants ayant reçu au moins une dose de vaccin (4 groupes sur 5) avaient des anticorps neutralisants.

Dans la cohorte 3, où une seule injection avait été réalisée au moment de l'analyse, des anticorps neutralisants étaient présents chez 96 et 88 % des participants ayant reçu la dose faible et la dose forte de vaccin, respectivement. Chez les personnes âgées, la dose la plus faible a donc paru plus efficace et par ailleurs, la relation entre concentration totale en anticorps et titre neutralisant a paru plus variable.

Après une première dose de vaccin, une réponse cellulaire CD4+ - Th1 est apparue chez 76 % (faible dose) et 83 % (forte dose) des participants testés dans la cohorte 1a. Les proportions correspondantes étaient de 60 et 67 % dans la cohorte 3. Un participant de chaque cohorte a présenté une réponse Th2, mais la réponse Th1, la plus favorable, est restée dominante. A J15 après la 1ère injection, 51 % et 64 %, respectivement, des participants "jeunes" et 36 % et 24 % des participants "âgés" ont présenté une réponse CD8+.

La publication confirme les propriétés très intéressantes du vaccin développé par Janssen. Le niveau de la réponse obtenue après une 1ère dose, y compris la plus faible testée, la réactogénicité réduite chez les personnes les plus âgées ou lors de la 2ème injection, la bonne orientation (Th1) de la réponse cellulaire sont mises en avant. Les résultats de cet essai 1/2 du suivi à long terme après administration de 2 doses de vaccin chez les volontaires d'âge intermédiaire (cohorte 2) ne sont pas encore communiqués. Prenant en compte l'ensemble des résultats disponibles et ceux des essais précliniques qui ont montré la capacité du vaccin à inhiber, chez le singe, la réplication du SARS-CoV-2 dans les poumons mais aussi dans le nez, le fabricant a décidé de mener deux essais de phase 3 pour évaluer l'efficacité du vaccin dans un schéma à 1 ou 2 doses, à la dose la plus faible de 5x1010 particules virales.

Les premiers résultats de l'étude à 1 dose (ENSEMBLE) sont annoncés pour fin janvier, alors que l'étude à 2 doses (ENSEMBLE 2) vient de recevoir un avis favorable et sera menée en France. Il s'agit du premier essai de phase 3 réalisé avec un vaccin anti-covid 19 mené en France. Cet essai clinique devrait commencer dans les tous prochains jours. Les volontaires souhaitant participer à cet essai clinique peuvent s'inscrire sur la plateforme Covireivac.

Référence

  1. J. Sadoff, M. Le Gars et coll. Interim Results of a Phase 1–2a Trial of Ad26.COV2.S Covid-19 Vaccine. NEJM, 13 janvier 2021.