Campagne de vaccination des 16-24 ans contre le méningocoque B à Chambéry et dans l'Est lyonnais

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Alors que le nombre de cas de méningites et d'autres infections graves à méningocoque B a diminué au niveau national au cours de la pandémie de covid 19, la fréquence de ces affections est au contraire en augmentation en Auvergne-Rhône-Alpes. L'émergence d'un nouveau clone bactérien a justifié la mise en place de mesures de prévention spécifiques, en particulier la vaccination contre le méningocoque B des personnes appartenant aux groupes d'âge les plus à risque.

1. Rappel sur les infections à méningocoque

Les méningocoques sont des bactéries responsables d'infections graves, notamment des méningites et des septicémies.

Le méningocoque (Neisseria meningitidis) est une bactérie très fragile qui ne survit pas dans le milieu extérieur ; il est exclusivement retrouvé chez l'Homme, notamment au niveau de la gorge (rhinopharynx), qui est à la fois la porte d'entrée, le lieu de vie et la voie d'élimination de cette bactérie.

Le méningocoque est entouré d'une capsule composée de sucres (polyoside). La capsule est un facteur de virulence important du méningocoque car elle lui permet de résister aux défenses immunitaires de l'être humain. Sa composition détermine le sérogroupe du méningocoque, qui est désigné par une lettre majuscule. Parmi les douze sérogroupes décrits, les méningocoques A, B, C, W et Y sont les plus souvent responsables d'infections graves. Le polyoside capsulaire est utilisé comme antigène vaccinal pour les méningocoques A, C W et Y. Pour le méningocoque B, d'autres antigènes sont utilisés pour fabriquer le vaccin.

Le méningocoque est transmis de personne à personne par l'intermédiaire de gouttelettes de salive émises lors de la toux ou de la parole : celles-ci sont projetées à courte distance, et on estime que le risque de recevoir des méningocoques n'existe que pour des contacts proches (moins d'un mètre de distance).

Parfois, le méningocoque traverse la gorge, atteint la circulation sanguine et cause une infection dite "invasive", c'est-à-dire une septicémie ou une méningite (infection des membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière). Ces infections sont graves puisqu'elles entrainent le décès dans 10 % des cas en moyenne, avec des variations importantes selon la bactérie en cause et les personnes atteintes. Le_purpura fulminans_ est une forme clinique particulièrement grave ; décrit dans près d'un cas d'infection invasive à méningocoque sur quatre, il est mortel dans 25 % des cas. Il s'agit d'un choc septique accompagné de taches rouges ou violacées qui s'étendent rapidement. Les infections à méningocoque sont également responsables de séquelles (amputation des membres, séquelles neurologiques, surdité).

En France, globalement, 459 cas d'infection invasive à méningocoque ont été signalés en 2019 (dont 53 % dus au sérogroupe B) et 219 en 2020 (dont 60 % dus au sérogroupe B). Dans l'Union européenne, le sérogroupe B a causé 45 % des cas dans tous les groupes d'âge de moins de 65 ans en 2020. La distribution des sérogroupes varie selon les régions du monde. Le méningocoque B est à l'origine du plus grand nombre de cas d'infection grave à méningocoque en Europe, suivi par les méningocoques C, W et Y. Le méningocoque B est prédominant dans tous les groupes d'âge de moins de 65 ans. Ces dernières années, on a constaté une augmentation du méningocoque W.

L'analyse du génome des méningocoques permet de dresser une carte d'identité des souches de méningocoque isolées et de les relier à des caractéristiques épidémiologiques (par exemple une capacité plus élevée de diffusion dans une collectivité) ou cliniques (par exemple une pathogénicité plus élevée).

La carte d'identité du méningocoque est résumée par une succession de lettres et de chiffres qui apparait bien mystérieuse pour le non initié. Prenons l'exemple de la souche de méningocoque B récemment apparue en Auvergne-Rhône-Alpes :

B: P1.7-2,4 : F1-5 :cc41/44

La carte d'identité du génotype du méningocoque comprend 4 blocs, que nous avons visualisés ici avec un fond coloré, correspondant à 4 types de composants de la bactéries. Chaque bloc est séparé par deux points (":").

  • Le premier bloc B désigne le sérogroupe du méningocoque, déterminé par sa capsule. Il s'agit donc ici d'un méningocoque B.
  • Le deuxième bloc P1.7-2,4 correspond aux caractéristiques de la protéine PorA (porine de membrane externe permettant le passage de molécules dans la bactérie), désignée par le préfixe "P1.", qui comprend des informations sur les protéines de deux régions variables (VR1 et VR2) de PorA. Ces deux régions sont particulièrement importantes car elles suscitent des anticorps bactéricides chez l'Homme.
  • Les protéines correspondant à VR1 ( 7-2 ) et VR2 ( 4 ) sont séparées par une virgule. Pourquoi 7-2? Le premier chiffre ( 7 ) identifie la famille de la protéine de la région variable 1 (VR1), tandis que le deuxième chiffre ( 2 ), séparé du premier par un "-", identifie le sous-variant de cette protéine.
  • Le chiffre 4 identifie la famille de la protéine de la région variable 2 (VR2) : dans ce cas il n'y pas de sous-variant (pas d'autre chiffre après un "-" comme pour VR1).
  • Le troisième bloc identifie la protéine FetA, désignée par la lettre F , qui est une protéine de membrane externe régulée par le fer. Cette protéine est également un facteur de virulence de la bactérie. Dans F1-5 , on reconnaitra 1 , qui caractérise la famille de cette protéine FetA, et 5 , qui représente le sous-variant identifié.
  • Le quatrième bloc cc41/44 désigne le complexe clonal identifié par la technique de MLST (Multi-Locus Sequence Typing). Cette technique consister à séquencer différents gènes codant des protéines essentielles au métabolisme de la bactérie. Ces séquences ont la particularité de présenter un polymorphisme stable dans le temps et suffisant pour distinguer des souches entre elles. La méthode permet de déterminer un type de séquence (en anglais sequence-type ou "ST") ; un complexe clonal (cc) regroupe des types de séquence proches. Le type de séquence responsable des cas récemment identifiés en Auvergne-Rhône-Alpes est le ST-3753.

2. La situation épidémiologique en Auvergne-Rhône-Alpes

Les infections à méningocoque étant transmises de personne à personne, il est important de détecter les augmentations inhabituelles du nombre de cas. En effet, en l'absence de vaccination généralisée, la détection de ces situations permet de déclencher une campagne de vaccination capable de protéger les personnes les plus à risque et de freiner ou stopper le développement d'un méningocoque particulièrement transmissible ou pathogène.

On distingue trois situations épidémiologiques de cas groupés : la grappe de cas, l'épidémie et l'hyperendémie (1).

Grappe de cas : survenue d'au moins deux cas causés par la même souche de méningocoque (ayant la même "carte d'identité", telle que définie ci-dessus), anormalement rapprochés dans le temps, dans une même collectivité ou groupe social (collectivité d’enfants ou d’adultes, population restreinte).

Epidémie : survenue dans la zone géographique couvrant la plus petite population incluant tous les cas (arrondissement, regroupement de communes, commune, quartier...) d’au moins trois cas en moins de trois mois, sans contact direct entre eux, rattachés à la même souche de méningocoque, avec un taux d'attaque au moins égal à 10 cas/100 000 habitants en moins de trois mois. Un taux d'attaque est un taux d'incidence au cours d'une épidémie, c'est-à-dire un nombre de cas rapporté à la population et survenus pendant une période définie.

Hyperendémie : augmentation durable de l’incidence (nombre de nouveaux cas) pour un sérogroupe donné par rapport à l’incidence habituellement observée dans un secteur géographique.

Deux situations conduisent à organiser rapidement la vaccination contre le méningocoque B, après avis de Santé publique France et du Centre national de référence (CNR) des méningocoques :

  • Grappe d’au moins deux cas d'infection invasive à méningocoque B survenus dans un intervalle inférieur ou égal à 4 semaines, si la souche est couverte par le vaccin.
  • Epidémie clonale, si la souche est couverte par le vaccin.

Les autres situations nécessitent un avis complémentaire d’experts.

  • Grappe de cas, si le délai entre les deux premiers cas est supérieur à 4 semaines.
  • Emergence d’un foyer d’hyperendémie. Par exemple, un taux d’incidence de 3 cas d'infection invasive à méningocoque B pour 100 000 personnes et par an, avec au moins 4 cas dus à la même souche, justifie une campagne de vaccination.

Le nombre de cas d'infections invasives à méningocoque de sérogroupe B a augmenté en Auvergne-Rhône-Alpes depuis l'été 2021. Du 1er août 2021 au 31 juillet 2022, l'incidence des infections invasives à méningocoque B dans cette région (0,34/100 000 habitants) était deux fois plus élevée que dans le reste de la France (0,16/100 000 habitants). Différentes souches de méningocoque B ont été identifiées, dont une souche appartenant au nouveau type de séquence ST-3753, de génotype "B:P1.7-2,4:F1-5:cc41/44" (décrit ci-dessus), qui a émergé en 2021 et semble s'implanter dans la région. Les études réalisées à l'Institut Pasteur ont également montré que la souche en cause est combattue de manière efficace par les anticorps neutralisants suscités par le vaccin Bexsero.

Depuis juin 2022, 12 cas sont survenus dans le secteur de Chambéry et dans l'Est lyonnais.

Parmi les 27 cas survenus pendant cette période dans la région, 12 étaient liés au nouveau type de séquence ST-3753 (soit 44 % des cas d'infection invasive à méningocoque B) :

  • 11 étaient âgés de 16 à 21 ans (92 %), avec un âge médian de 20 ans. L'évolution a été fatale pour un cas.
  • 11 étaient localisés dans le quart nord-est de la région.

L'émergence d'une nouvelle souche de méningocoque débute souvent dans une population d'adolescents et d'adulte jeunes, car cette communauté est plus souvent naïve de contacts antérieurs avec les méningocoques (conférant une immunité "naturelle" construite au gré des rencontres avec de nouvelles souches) et surtout parce que les contacts inter-humains étroits y sont plus fréquents. A partir d'un certain niveau de circulation de la bactérie dans la population, les victimes suivantes sont les nourrissons. il est donc important d'agir le plus tôt possible en protégeant les personnes à risque le plus tôt possible.

Des analyses épidémiologiques réalisées par recoupement des lieux d'exposition des cas ont permis de détecter des liens épidémiologiques indirects entre certains cas (fréquentation de lieux communs dont les boîtes de nuit).

Les analyses réalisées ont mis en évidence deux zones hyperendémiques (le secteur de Chambéry et un secteur à l'est de Lyon), avec des taux d'incidence supérieurs au seuil d'alerte de 3 cas pour 100 000 habitants défini pour les foyers hyperendémiques d'infection grave à méningocoque B en France.

3. la campagne de vaccination contre le méningocoque B

Les caractéristiques des foyers hyperendémiques identifiés ont justifié le déclenchement d'une campagne de vaccination, dont les modalités ont été publiées par l'Agence régionale de santé (ARS) de la région Auvergne-Rhône-Alpes (2).

Il existe actuellement deux vaccins contre le méningocoque B autorisés en France : le vaccin Bexsero et le vaccin Trumenba. Il faut noter que ces vaccins n'ont pas d'impact sur le portage du méningocoque et n'empêchent pas sa transmission : ils ne permettent donc pas d'obtenir une immunité de groupe. L'objectif de la vaccination est d'obtenir une protection individuelle contre le méningocoque B.

Le vaccin Bexsero peut être utilisé dès l'âge de 2 mois

  • De l'âge de 2 mois à 23 mois inclus : deux doses à au moins deux mois d'intervalle.
  • A partir de l'âge de 24 mois : deux doses à au moins un mois d'intervalle.

Le vaccin Trumenba peut être utilisé à partir de l'âge de 10 ans : deux schémas sont possibles

  • Deux doses à six mois d’intervalle.
  • Trois doses : deux doses à au moins un mois d’intervalle, suivies d’une troisième dose administrée au moins 4 mois après la deuxième dose.

Pour cette campagne de vaccination, c'est le vaccin Bexsero qui est utilisé.

Indépendamment de la situation épidémiologique actuelle en Auvergne-Rhône-Alpes, la vaccination contre le méningocoque B est recommandée depuis cette année chez tous les enfants âgés de moins de 2 ans (nouveau calendrier vaccinal). Cette recommandation de vaccination des nourrissons est évidemment renforcée dans le contexte actuel. La vaccination était également déjà recommandée auparavant pour les personnes à risque d'infection grave à méningocoque.

La campagne de vaccination s'adresse également aux jeunes âgés de 16 à 24 ans (56 000 jeunes ont été invités à se faire vacciner). L'analyse temporo-spatiale des cas a permis de définir précisément la liste des communes concernées pour le secteur de Chambéry et le secteur de l'Est lyonnais.

La vaccination est gratuite. Elle peut être pratiquée selon le lieu par le médecin, le pharmacien ou dans un centre de vaccination (centre de vaccination de l’Espace de santé publique du Centre hospitalier Métropole Savoie (CHMS, 04 79 96 51 52), centre d’examen de santé de la CPAM de Savoie (04 80 14 90 87) ou service de Protection maternelle infantile de Savoie (04 79 60 28 64). Une foire aux questions et un numéro vert (0 800 100 378) ont été mis en place.

Lorsqu'un cas est détecté, la recherche des contacts et l'administration d'une chimioprophylaxie (antibiotique permettant d'éliminer le méningocoque de la gorge) aux contacts étroits sont importantes pour réduire le risque de grappe de cas. En outre, des efforts doivent être faits pour s'assurer que toutes les personnes éligibles soient vaccinées. Les informations sur le statut vaccinal des cas doivent être recueillies.

Références

  1. INSTRUCTION N° DGS/SP/2018/163 du 27 juillet 2018 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque.
  2. Le méningocoque B : situation spécifique en cours en Auvergne-Rhône-Alpes.