Le vaccin anti-méningococcique B est efficace contre la gonorrhée (blennorragie ou « chaude-pisse »)

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Le méningocoque, Neisseria meningitidis, est la bactérie responsable de la méningite cérébrospinale et de septicémies, des affections redoutables regroupées sous le nom d’infections invasives à méningocoques (IIM), dont l’évolution peut être très rapide et le pronostic très sombre (voir les fiches méningocoque B et méningocoques ACWY). En raison d’une variabilité des antigènes présents à la surface des cellules bactériennes, on identifie actuellement 12 types (ou sérogroupes) de méningocoques. Parmi ceux-ci, les types A, B, C, W, X et Y sont les principaux responsables des IIM. Le type A était le plus souvent retrouvé dans les épidémies de méningite observées en Afrique, les types B et C sont plutôt associés à des cas sporadiques. Le type W est de plus en plus présent, partout dans le monde.

Des vaccins ont été mis au point et largement utilisés, d’abord des vaccins monovalents contre les types A et C, puis des vaccins tétravalents contre A, C, W et Y. Ces vaccins constitués de polyosides de la surface bactérienne se sont montrés très efficaces contre les IIM : le vaccin anti-méningocoque A a quasiment fait disparaitre ce sérogroupe en Afrique.

L’antigène polyosidique du type B étant peu immunogène, il a fallu utiliser de nouvelles stratégies pour mettre au point un vaccin contre ce sérogroupe. Cela a été réalisé en associant des protéines bactériennes et des adjuvants, et deux vaccins anti-B sont à présent disponibles et utilisés en France (Bexsero, Trumenba).

Très apparenté à N. meningitidis, Neisseria gonorrhoeae, ou gonocoque, est responsable de la gonorrhée, une infection génitale et urinaire aussi appelée blennorragie ou chaude-pisse. L’infection transmise lors de rapports sexuels génitaux, oraux ou anaux, se manifeste chez l’homme de façon souvent bruyante par une urétrite pouvant se compliquer de prostatite ou d’épididymite. Chez la femme, l’évolution est initialement plus discrète (75 % de cas asymptomatiques), et les complications sont tardives et potentiellement graves (infection pelvienne, possibles infections viscérales secondaires, risque de stérilité, infection oculaire congénitale du nouveau-né). L’incidence des infections à gonocoque augmente actuellement à peu près partout dans le monde, particulièrement chez les jeunes. D’après l’OMS, il y aurait eu plus de 82 millions de nouveaux cas d’infection en 2020 dans le monde, dont beaucoup devraient être évités par l’utilisation de préservatifs. Alors que le traitement par antibiotique a longtemps été simple et rapide (en dose unique dans les infections non compliquées, urétrites et cervicites), des résistances aux antibiotiques les plus utilisés (pénicillines, quinolones, aminosides) sont apparues et sont de plus en plus fréquentes.

La recherche d’un vaccin anti-gonocoque est donc justifiée. Elle a en fait commencé il y a plus d’un siècle, mais elle n’a toujours pas abouti. Des observations récentes pourraient toutefois permettre des avancées (1). L’une remonte à 2017, quand une équipe néo-zélandaise a mis en évidence un possible effet protecteur d’un vaccin anti-méningocoque B contre les infections gonococciques (cet effet avait été évoqué à Cuba dès 2009). L’étude, rétrospective, montrait que les jeunes gens âgés de 15 à 30 ans vaccinés contre le méningocoque étaient moins susceptibles de présenter par la suite une infection par un gonocoque que les non vaccinés (2). La comparaison était établie avec l’incidence des infections à chlamydia, qui sont d’autres germes à transmission sexuelle sans communauté antigénique avec le méningocoque. L’efficacité vaccinale était évaluée à 31 %. Partant de ce constat, d’autres équipes ont depuis cherché à confirmer l’observation. Deux études, l’une menée en Australie (3), l’autre aux USA (4), trouvent des résultats comparables : l’efficacité de protection d’un vaccin anti-méningocoque B à 4 composants (4CMenB, 2 doses, correspondant à Bexsero) contre la gonorrhée y est évaluée à 32,7 et 40 %, respectivement.

Récemment, une étude (DOXYVAC) était en cours en France pour évaluer l’efficacité d’une administration post-exposition de doxycycline sur les infections à transmission sexuelle (IST) chez les hommes ayant des rapports avec des hommes, recevant également la prophylaxie de pré-exposition contre le VIH (PrEP) (5). L’objectif étant de chercher à contrer l’augmentation de l’incidence des IST dans cette population, en relation avec une moindre utilisation du préservatif, l’effet d’une vaccination anti-méningococcique B a également été évalué. L’étude a mis en évidence une très bonne efficacité de l’antibiothérapie sur l’incidence de la syphilis et des infections à chlamydia, qui restent bien sensibles à la doxycycline, un peu moindre sur les gonococcies, dont les résistances sont de plus en plus fréquentes. Surtout, les chercheurs ont observé une réduction de l’incidence des infections à gonocoques évaluée à 50 % dans le groupe des sujets ayant reçu le vaccin Bexsero contre la méningite B. L’efficacité des mesures combinées a été jugée telle que l’étude a été interrompue en octobre 2022, afin que tous les participants puissent bénéficier de l’administration des traitements (les groupes témoins en étaient privés durant l’étude). Le suivi se poursuit et les résultats complets seront publiés prochainement.

Après des années de doute, ces résultats font considérer que des solutions pour l’obtention d’une immunité contre les infections à gonocoques sont à présent à la portée des chercheurs, soit avec l’utilisation optimisée de vaccins anti-méningocoques, soit avec des approches spécifiques du gonocoque (6). La durée de la protection qui peut être obtenue, qui n’a pas encore été mesurée, sera un paramètre important à considérer.

Références

  1. IST : le vaccin anti-méningo B protège contre le gonocoque.
  2. H. Petousis-Harris, J. Paynter et coll. Effectiveness of a group B outer membrane vesicle meningococcal vaccine against gonorrhoea in New Zealand: a retrospective case-control study - DOI: 10.1016/S0140-6736(17)31449-6.
  3. B. Wang, L. Giles et coll. Effectiveness and impact of the 4CMenB vaccine against invasive serogroup B meningococcal disease and gonorrhoea in an infant, child, and adolescent programme : an observational cohort and case-control study. Lancet Infectious Diseases – doi : 10.1016/S1473-3099(21)00754-4.
  4. W.E. Abara, K.T. Bernstein et coll. Effectiveness of a serogroup B outer membrane vesicle meningococcal vaccine against gonorrhoea: a retrospective observational study. Lancet Infectious Diseases - doi: 10.1016/S1473-3099(21)00812-4.
  5. Etude « Combined Prevention of Sexually Transmitted Infections (STIs) in Men Who Have Sex With Men and Using Oral Tenofovir Disoproxil Fumarate/ Emtricitabine (TDF/FTC) for HIV Pre-Exposure Prophylaxis (PrEP) (DOXYVAC) ».
  6. WHO preferred product characteristics for gonococcal vaccines.