Les vaccins utilisés contre la grippe saisonnière pourraient conférer une certaine protection croisée contre l'infection et la maladie causées par le virus de a grippe aviaire hautement pathogène H5N1
Depuis la première infection humaine documentée par le virus de la grippe aviaire hautement pathogène (IAHP) A(H5N1) signalée en Chine et à Hong Kong en 1997, ce sous-type de virus demeure une préoccupation majeure de santé publique en raison de sa capacité à franchir les barrières inter-espèces et à infecter les humains. Les virus H5N1 de l'IAHP ont connu une évolution importante et d'innombrables réassortiments, donnant naissance à de nombreux clades différents. Le clade 2.3.4.4b est apparu comme le plus répandu ces dernières années. En 2021, les virus H5N1 de clade 2.3.4.4b ont commencé à se propager largement à travers les Amériques. En 2024 et 2025, les virus de la clade 2.3.4.4b des génotypes B3.13, D1.1 et D1.3 ont causé des infections chez les vaches laitières et les volailles en Amérique du Nord. Au 10 avril 2025, 70 infections humaines en général relativement bénigne par le virus H5N1 de ces clades ont été signalées, dont un décès. Les virus de la grippe aviaire hautement pathogène H5N1 représentent un risque de pandémie humaine.
La revue Emerging Infectious Diseases vient de publier les résultats d’une étude qui a consisté à immuniser trois lots de furets, un modèle animal utilisé pour l'infection humaine par le virus de la grippe saisonnière, avec trois vaccins utilisés au cours de la saison grippale 2024-25 dans l'hémisphère Nord : le vaccin antigrippal trivalent inactivé FLUARIX, le vaccin antigrippal vivant atténué FLUMIST et le vaccin anti-hémagglutinine recombinante (FLUBLOK). Les doses humaines recommandées de ces vaccins ont été administrées à des furets mâles de six mois respectivement par voir IM, intranasale et IM. Un lot de furet témoin n’a pas été immunisé. Trois semaines et demies après la dernière immunisation, les furets ont été testés avec une souche de virus de clade 2.3.4.4b, génotype B3.13, isolé chez un humain, par inoculation intranasale.
Réponse vaccinale sérologique :
- Tests d'inhibition de l'hémagglutination (IAH) : Les vaccins FLUMIST et FLUBLOK ont induit des titres d’anticorps élevés contre le virus H1N1, tandis que le groupe vacciné par FLUARIX présentait des titres beaucoup plus faibles. Les titres d'anticorps contre le virus H3N2 étaient généralement inférieurs à ceux contre le virus H1N1, et le lot FLUARIX ne présentait pas d'anticorps anti-hémagglutinine détectables contre le virus H3N2.
- Anticorps inhibiteurs de la neuraminidase : Les furets immunisés avec FLUMIST avaient développés des anticorps contre N1 du virus H1N1 et N2 de H3N2. Les titres contre N1 du H5N1 ont été détecté chez seulement 1 animal immunisé avec le FLUMIST sur 6. Le vaccins FLUARIX n’ont pas entraîné de réponse détectable vis-à-vis de N1 du virus H1N1 ou de N2 du virus H3N2. Les furets immunisés avec FLUARIX avaient des réponses détectables à N1 du H5N1. Étant donné que le NA n’est pas présent dans FLUBLOK, aucune réponse anti-NA n’a été détectée chez les furets immunisés avec ce vaccin.
- Test multiplex de détection des anticorps antigrippaux (antigènes cibles : antigènes de la tête globulaire HA, de l'ectodomaine HA, de la tige HA, de l'ectodomaine NA et de la nucléoprotéine (NP) des virus de la grippe A ainsi que la tête globulaire HA des virus de la grippe B). Les furets vaccinés avec FLUMIST possédaient des anticorps se liant à la tête globulaire de l'HA H1 et H3 et aux ectodomaines NA N1 et N2. Les furets immunisés avec FLUBLOK présentaient des anticorps ciblant l'HA H1 et H3. Les groupes FLUMIST et FLUBLOK possédaient des anticorps de liaison détectables ciblant H1, mais pas H3 et les régions de la tige HA. Ces anticorps n'ont pas été détectés dans le groupe FLUARIX. Trois des 6 furets immunisés avec FLUMIST et 2 des 6 immunisés avec FLUARIX présentaient des niveaux détectables d'anticorps de liaison à réactivité croisée contre N1 du H5N1. Les furets immunisés avec FLUMIST et FLUARIX possédaient également des anticorps de liaison NP détectables avant immunisation, qui ont nettement augmenté après la provocation. Comme prévu, les animaux immunisés par le FLUBLOK n'ont pas développé d'anticorps contre les NP ni d'anticorps anti-NA H5N1 à réactivité croisée avant l'infection.
Protection vaccinale contre la maladie H5N1
Les furets témoin ont présenté des signes modérés de la maladie. Les furets immunisés avec le FLUMIST ont présenté des symptômes plus légers, de même que ceux vaccinés avec FLUBLOK et FLUARIX. Chaque groupe vacciné a récupéré significativement plus de poids que le groupe témoin.
Protection vaccinale contre la réplication et l'excrétion du virus H5N1
Les furets du groupe témoin ont excrété le virus infectieux en grande quantité jusqu'à 4 jours après l'infection (J4) et du virus était détecté jusqu’à 6 jours après l'infection (J6). Les furets vaccinés par le FLUMIST présentaient un taux de virus infectieux significativement plus faible dans le lavage nasal à J4, et ont éliminé le virus à J6. Les furets vaccinés par FLUARIX et FLUBLOK ont excrété des quantités comparables de virus jusqu'à J4 ; les deux groupes ont montré une réduction majeure de l'excrétion virale à J6, sans présence de virus détectable à J8.
Comparés au groupe témoin, les 3 groupes vaccinés ont présenté des niveaux similaires de réplication virale dans le cornet ethmoïdal, le palais mou, le bulbe olfactif et les tissus cérébraux 3 jours après l’infection. Les furets du groupe FLUMIST présentaient des niveaux de virus infectieux significativement réduits dans les cornets nasaux, la trachée et les poumons. En revanche, ni la vaccination par le FLUARIX ni la vaccination par le FLUBLOK n'ont eu d'effet significatif sur la réplication virale ni sur la fréquence de détection dans les voies respiratoires et les tissus extra-pulmonaires.
Les auteurs concluent que l'immunisation de furets naïfs avec des vaccins commerciaux contre la grippe saisonnière humaine confère une certaine protection croisée contre l'infection et la maladie causées par le virus IAHP H5N1. Cette preuve de protection croisée est cohérente avec des observations antérieures selon lesquelles une infection antérieure des furets par le virus pandémique A(H1N1)pdm09 confère une certaine protection croisée contre une infection ultérieure par le virus IAHP H5N1.