Maintien ou levée de l’obligation vaccinale ? La position de l'Académie de médecine

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Le 10 septembre 2014, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publiait un avis daté du 6 mars 2014 relatif à la politique vaccinale et à l'obligation vaccinale en population générale (hors milieu professionnel et règlement sanitaire international) et à la levée des obstacles financiers à la vaccination. Cet avis a été commenté dans cet article.

Ce avis comporte notamment les points suivants :

  • le maintien ou non de l'obligation vaccinale en population générale relève d'un choix sociétal méritant un débat que les autorités doivent d'organiser ;
  • si ce principe est maintenu, la liste des vaccins obligatoires doit être révisée et faire l'objet d'un avis du HCSP ;
  • les autorités compétentes devraient définir un statut juridique pour toutes les vaccinations inscrites au calendrier vaccinal ;
  • toute modification du régime des obligations devra s'accompagner d'une forte communication des autorités de santé mettant en exergue l'intérêt à vacciner et les risques de la non‑vaccination.

Dans un communiqué publié aujourd'hui 4 novembre 2015, l'Académie nationale de médecine fournit son analyse et ses conclusions sur ce sujet délicat, que nous rapportons ci-après [1].

En France, trois vaccins relèvent encore d'un régime obligatoire : ce sont les vaccins contre le tétanos, la diphtérie et la poliomyélite. Avec le temps, cette situation est devenue paradoxale puisque les trois maladies ciblées par la vaccination obligatoire ne sont plus à l'avant-scène des risques infectieux encourus par la population française alors que d'autres maladies infectieuses dont l'impact en santé publique est considérable (coqueluche, hépatite B, rougeole, rubéole, oreillons, infections invasives à méningocoque ou à Haemophilus influenzae de type b) ne font l'objet que de recommandations vaccinales. En outre, les vaccins disponibles sur le marché pour l'immunisation des enfants sont des formulations combinées qui associent des valences obligatoires et des valences recommandées. Un tel paradoxe rend le calendrier vaccinal difficile à comprendre par le grand public, difficile à appliquer par les médecins et difficile à justifier par les autorités de santé [2, 3].

Ces dispositions devraient donc être modifiées.

Le concept d'obligation vaccinale est-il désuet? Faut-il l'abandonner ?

La réponse est clairement non. Abolir l'obligation vaccinale serait interprété comme l'aveu implicite que les vaccins ont une efficacité et une innocuité discutables. Devenue facultative, la vaccination deviendrait un moyen de prévention comme un autre dont le caractère optionnel serait rapidement exploité par ses détracteurs. La perception du bénéfice collectif en serait aussi probablement altérée. L'exemple des pays européens qui ont supprimé l'obligation vaccinale ne doit en aucun cas être imposé comme un modèle en France où la tradition de la vaccination obligatoire demeure profondément ancrée dans la mémoire collective et où le terme "recommandé" n'a pas la même force que dans les pays anglo-saxons [4].

Vers quelles nouvelles conceptions faut-il se diriger ?

  1. Reconsidérer le terme "obligatoire" : il faut évoluer d'une obligation de principe, jusqu'ici invariablement limitée à trois valences vaccinales, vers une exigibilité des preuves de la vaccination dans un certain nombre de circonstances de la vie telles que :
  • l'entrée en collectivité : crèches, garderies, écoles, jusqu'à l'université ;
  • des professions exposées : métiers de la santé, militaires…
  • les cas particuliers : voyageurs, migrants, missions à l'étranger…
  • un contexte épidémique.

Toutes ces conditions nécessiteront des mesures réglementaires adaptées.

  1. Réévaluer le caractère immuable et intangible de ces dispositions : la liste des vaccinations exigibles devrait être révisée chaque année par le HCSP lors de l'édition du nouveau calendrier vaccinal, en tenant compte de l'actualité de l'épidémiologie des maladies-cibles, des progrès de la vaccinologie et de la balance des avantages et inconvénients.

Comment faire accepter un tel changement ?

Pour être consenties, les modifications préconisées doivent être précédées d'un programme national d'information de grande ampleur, adapté pour un large public (parents, enseignants, par exemple) et pour les professionnels de la santé (médecins, pharmaciens). Cette campagne pédagogique ne peut se concevoir sans un engagement formel de la part de l'autorité politique et sans le soutien actif du Ministère de la santé. Elle doit impliquer les différents organismes en charge de recommandations de santé publique et d'éducation pour la santé, tels que le HCSP et l'Agence nationale de santé publique, et devrait aussi bénéficier de la participation de l'Académie nationale de médecine.

Références

  1. Yves Buisson et Pierre Bégué, au nom de la commission VII (maladies infectieuses et maladies tropicales) de l'Académie de médecine.
  2. Floret D, Bourdillon F. Vaccination : entre recommandation et obligation (2013). Actualité et dossier en santé publique, N° 83 : 54-56.
  3. Truchet D. L'avenir de l'obligation vaccinale : aspects juridiques (2010). Bull. Acad. Natle Méd., 194, Nos 4 et 5 : 733-740.
  4. Bégué P. Le refus des vaccinations. Aspects actuels en 2012 et solutions en santé publique (2012). Bull. Acad. Natle Méd., 196, N° 3 : 603-618.