De profondes modifications à venir pour la vaccination pneumococcique de l’adulte

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Un avis récent de la Haute Autorité de Santé [1] devrait, dans les mois qui viennent, modifier radicalement la pratique de la vaccination pneumococcique de l’adulte.

Un nouveau vaccin contre les infections invasives à pneumocoque.

Le vaccin Apexxnar (Laboratoire Pfizer) ou VPC 20 (vaccin pneumococcique conjugué 20-valent) a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne [2] pour l’immunisation active pour la prévention des maladies invasives et des pneumonies causées par Streptococcus pneumoniae chez les personnes âgées de 18 ans et plus. Ce vaccin est conjugué comme le Prevenar 13 (VPC 13) à la protéine CRM 197, comporte un adjuvant aluminique et 7 sérotypes additionnels (8, 10A, 11A, 12F, 15B/C, 22F et 33F) du vaccin VPC 13.

L’évaluation de ce vaccin sur de simples données d’immunogénicité (capacité à induire une réponse immunitaire productrice), selon les critères de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’évaluation des vaccins pneumococciques, a permis de montrer :

  • La non infériorité de ce vaccin vis-à-vis du VPC 13 pour les 13 sérotypes communs.
  • Chez les personnes de plus de 60 ans, la non-infériorité du vaccin VPC 20 comparativement au schéma VPC 13/VPP 23 (VPP 23 : vaccin pneumococcique polysaccharidique non conjugué 23-valent, qui correspond à la dénomination commerciale actuelle Pneumovax) pour 6 des 7 sérotypes communs aux deux vaccins VPC 20 et VPP 23 et non couverts par VPC 13. La non infériorité n’a pas été établie pour le sérotype 8 (qui représente en 2021 17,1 % des infections à pneumocoque tous âges confondus). Toutefois, en l’absence de corrélat de protection la relative réduction de la réponse immunitaire observée ne permet pas de conclure à une moindre protection.
  • Un profil de tolérance du VPC 20 similaire à celui du VPC 13.

La détermination de la place de ce nouveau vaccin dans la stratégie française de prévention des infections à pneumocoque chez l’adulte se situe dans un contexte de résurgence des infections à pneumocoques et de basse couverture vaccinale.

Augmentation des cas d'infection invasive à pneumocoque.

L’épidémiologie des infections à pneumocoque[3] est en effet marquée par une tendance à la hausse de l’incidence des infections invasives, principalement liée à l’augmentation de l’incidence des sérotypes non couverts par le vaccin conjugué VPC 13 (notamment les sérotypes 8, 12F, 22F inclus dans les VPC 20 et le VPP 23) et au sérotype 3 inclus dans le VPC 13, du fait d’une moindre protection du vaccin VPC 13 contre ce sérotype. La couverture sérotypique du vaccin VPC 20 en 2020 concerne chez les 65 ans et plus 59 % des méningites (contre respectivement 24 % et 67 % pour les VPC 13 et VPP 23) et 60 % des bactériémies (contre respectivement 23 % et 68 % pour les VPC 13 et VPP 23). Toutefois, la relative meilleure couverture du VPP 23 doit être mise en balance avec la moindre efficacité des vaccins pneumococciques non conjugués par rapport aux conjugués.

Une stratégie vaccinale compliquée.

Les adultes concernés par cette vaccination sont les personnes à risque élevé d’infection grave à pneumocoque, qui se répartissent entre personnes immunodéprimées et porteuses de maladies chroniques identifiées comme favorisant la survenue d’infections invasives à pneumocoques, dûment listées dans le calendrier vaccinal [4]. Depuis 2017 [5] la vaccination comporte un schéma séquentiel comprenant l’administration du vaccin conjugué VPC 13 et du vaccin pneumococcique polyosidique non conjugué 23-valent VPP 23, ainsi qu’une revaccination par VPP 23 en respectant un délai de cinq ans après la précédente injection de ce même vaccin.

Une couverture vaccinale catastrophique.

Un des objectifs de la modification des recommandations vaccinales de 2017 était d’améliorer la couverture vaccinale de la population cible alors estimée à 20% [5]. Or d’après une étude portant sur les données collectées entre 2014 et 2018 chez plus de 4 millions d’adultes à risque [6], la couverture vaccinale serait de 4,5 % pour le schéma complet (2,9 % pour les porteurs de maladies chroniques et 18,8 % chez les immunodéprimés) et cette couverture vaccinale aurait chuté de 7,8 % en 2017 à 2,9 % en 2018, année de la mise en place des nouvelles recommandations.

Les nouvelles recommandations vont simplifier significativement la vaccination pneumococcique de l’adulte en espérant que cette simplification permette une amélioration de la couverture vaccinale.

La Haute autorité de santé (HAS) a bien entendu estimé que le vaccin VPC 20 pouvait être intégré dans la stratégie vaccinale française pour la prévention des maladies invasives et des pneumonies à pneumocoque chez les personnes à risque âgées de 18 ans et plus. En outre la HAS a estimé que les bénéfices supplémentaires conférés par l’ajout de sept sérotypes ainsi qu’une simplification du schéma vaccinal justifiait l’utilisation préférentielle du vaccin VPC 20 seul en remplacement du schéma VPC 13 - VPP 23 actuellement en vigueur. La HAS ne recommande donc plus l’utilisation des vaccins VPC 13 et VPP 23 chez l’adulte.

Au plan international, de nombreux pays (dont les USA, le Canada, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, la Suède, les Pays Bas et la Grèce) ont adopté un schéma vaccinal semblable à 1 dose.

La HAS ne recommande pas de campagne de rattrapage. Par contre, les vaccins pneumococciques conjugués et non conjugués étant estimés interchangeables, les adultes éligibles à la vaccination pneumococciques ayant déjà reçu un ou des vaccins avant la mise en place de ce schéma vaccinal poursuivront leur schéma de vaccination selon les schémas recommandés ci-dessous :

  • Les personnes ayant reçu une seule dose de VPC 13 ou une seule dose de VPP 23 reçoivent une dose de VPC 20 si la vaccination antérieure remonte à plus de 1 an.
  • Les personnes déjà vaccinées avec la séquence VPC 13 - VPP 23 pourront recevoir une injection de VPC 20 en respectant un délai de cinq ans après la précédente injection.

Comme pour les autres vaccins pneumococciques conjugués, aucune donnée ne permet d’établir la nécessité ou non de doses de rappel. Par ailleurs ce nouveau vaccin pneumococcique pourra être coadministré avec les vaccins contre la covid 19 et la grippe saisonnière.

Ces recommandations nouvelles ne peuvent être appliquées dans l’immédiat en l’absence de disponibilité du vaccin qui doit encore franchir plusieurs étapes administratives (Commission de la Transparence - Prix…). Il est souhaitable que ces nouvelles recommandations soient intégrées au calendrier vaccinal 2024.

A noter enfin que le vaccin Apexxnar est également en attente d’une AMM pour le nourrisson et l’enfant.

Références

  1. Stratégie de vaccination contre les infections à pneumocoque - Place du vaccin pneumococcique polyosidique conjugué (20-valent, adsorbé) chez l’adulte.
  2. Agence européenne des médicaments. Apexxnar, suspension injectable en seringue préremplie. Vaccin pneumococcique polyosidique conjugué (20-valent, adsorbé). Résumé des caractéristiques du produit. Amsterdam: AEM; 2022.
  3. Santé publique France. Infections à pneumocoque [En ligne]. Saint-Maurice: SPF; 2022.
  4. Ministère de la santé et de la prévention. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2023. Paris: Ministère de la santé et de la prévention; 2023.
  5. Haut conseil de la santé publique. Avis du 10 mars 2017 relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à pneumocoque pour les adultes. Paris: HCSP; 2017.
  6. Wyplosz B, Fernandes J, Sultan A, Roche N, Roubille F, Loubet P, et al. Pneumococcal and influenza vaccination coverage among at-risk adults: a 5-year French national observational study. Vaccine 2022;40:4911-21.