Sécurité vaccinale : point de l'OMS sur les vaccins contre les rotavirus et la dengue, la vaccination en cours de grossesse et les réactions de stress post-vaccinales
Le Comité consultatif mondial pour la sécurité des vaccins a été créé en 1999 à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le but est de faire le point au niveau mondial sur les questions relatives à la sécurité des vaccins. Ce Comité se réunit 1 à 2 fois par an. Les conclusions de la 37ème réunion qui s'est déroulée en décembre 2017 viennent d'être publiées.
Trois sujets ont été examinés au cours de cette réunion : i) la surveillance des effets indésirables graves survenus après vaccination contre les rotavirus d'une part, et contre la dengue d'autre part, ii) la gestion des réactions de stress déclenchées par la vaccination et iii) la sécurité des vaccins au cours de la grossesse.
Par ailleurs, le site MesVaccins.net faisant partie du Réseau de Sécurité des Vaccins (Vaccine Safety Net) depuis 2017, il est de sa compétence de rapporter les conclusions du Comité consultatif mondial pour la sécurité des vaccins.
1. Surveillance des effets indésirables post-vaccinaux graves
1.1 Tolérance des vaccins contre les rotavirus : le bénéfice dans la prévention des gastro-entérites à rotavirus reste favorable
La vaccination contre les infections intestinales aiguës à rotavirus prévient les gastro-entérites chez les nourrissons. Le schéma vaccinal, qui débute chez le nourrisson âgé de 6 semaines, comporte 2 doses pour le vaccin Rotarix et 3 doses pour le vaccin Rotateq.
Les vaccins Rotateq et Rotarix sont associés à une augmentation du risque d'invagination intestinale aiguë, en particulier dans les 7 premiers jours suivant la première dose ; cette augmentation peut aller jusqu'à 6 cas additionnels pour 100.000 nourrissons vaccinés. Ce risque potentiel, indiqué dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP), justifie la mise en place d'une pharmacovigilance renforcée post-commercialisation des deux vaccins utilisés. Ces manifestations indésirables graves ont été observées dans des séries de cas (méthode épidémiologique où chaque cas est son propre témoin, niveau faible de preuve scientifique) et non au cours des essais cliniques contrôlés randomisés (niveau de preuve plus élevé) réalisés lors de l'évaluation de l'efficacité et de la tolérance des vaccins, c'est-à-dire avant leur commercialisation.
La disponibilité de nouvelles données de tolérance (décembre 2017) a été prise en compte par le Comité consultatif pour actualiser une revue systématique Cochrane de 2012 (niveau de preuve scientifique élevé) concernant l'efficacité et l'innocuité des vaccins contre les rotavirus.
Les données provenant des essais cliniques randomisés ont montré que l'incidence des manifestations indésirables graves après l'utilisation des vaccins Rotateq et Rotarix était comparable à celle liée au placebo. Les données d'une étude réalisée selon la méthode de séries de cas auto-contrôlées, conduite dans 7 pays dans le cadre du Réseau Africain de surveillance de l'invagination intestinale aiguë (28 hôpitaux sentinelles, 717 cas survenus chez des nourrissons âgés de 28 à 245 jours, période de suivi de 1 à 21 jours après l'administration de chaque dose vaccinale), n'a pas montré d'augmentation du risque d'invagination intestinale aiguë après la première et après la seconde dose. Selon la même méthode, une étude a été conduite en Afrique du Sud chez plus de 300 nourrissons vaccinés, avec un suivi post-vaccinal de 28 à 275 jours. Jusqu'à maintenant (l'étude n'est pas terminée),_aucun risque n'a été identifié après la première dose et un risque faible (d'un facteur 2, approximativement) a été décelé au cours des 7 premiers jours suivant la deuxième dose ; cependant, aucune augmentation globale du risque n'a été constatée de 1 à 21 jours après la deuxième dose._Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces différences observées dans les divers pays :
- l'âge auquel les enfants ont été vaccinés ;
- les différences dans l'efficacité des vaccins ;
- l'administration d'un vaccin inactivé ou oral contre la poliomyélite (le vaccin vivant atténué oral contre la poliomyélite peut réduire l'efficacité du vaccin contre les gastro-entérites à rotavirus et le risque d'invagination intestinale) ;
- l'effet déclencheur de la vaccination, c'est-à-dire qu'une invagination intestinale aiguë a été déclenchée chez un nourrisson dans les suites de la vaccination contre les rotavirus, alors que cet enfant aurait pu présenter une invagination intestinale aiguë plus tard, en l'absence de vaccination.
Au total, le Comité souligne que le bénéfice de la vaccination antirotavirus dans la prévention des diarrhées graves excède largement le faible risque potentiel d'invagination.
Pour rappel, la France a suspendu en 2015 la recommandation de vacciner tous les nourrissons contre les rotavirus suite à l'évolution défavorable de rares cas d'invagination intestinale aiguë post-vaccinaux, liée à un retard dans leur prise en charge.
1.2. Le vaccin contre la dengue Dengvaxia : non recommandé chez les personnes non infectées par le virus de la dengue avant la vaccination
Le Comité a repris les données de tolérance du vaccin Dengvaxia (vaccin vivant recombinant tétravalent) en particulier vis-à-vis du risque majoré d'hospitalisation et de dengue grave chez des personnes vaccinées et infectées par le virus de la dengue après vaccination. Une étude de cohorte sérologique conduite par le laboratoire producteur du vaccin, Sanofi Pasteur, destinée à distinguer une infection naturelle antérieure (dengue sauvage) et la vaccination, montre que le risque d'hospitalisation et de dengue grave est majoré dans le groupe de personnes vaccinées mais non infectées par le virus de la dengue avant la vaccination. Au contraire, chez les personnes ayant été infectées par la dengue avant la vaccination, le risque de dengue grave était réduit. L'hypothèse est que pour les personnes non exposées au virus sauvage avant la vaccination, la réaction à la première infection naturelle post-vaccination s'apparente en fait à une seconde infection, laquelle est généralement associée à un risque accru de maladie grave.
Au vu de ces résultats, le Comité indique que le vaccin est sûr et efficace chez les personnes qui ont eu une infection primaire par la dengue avant vaccination, empêchant ainsi la survenue d'un deuxième épisode de dengue plus grave. Le Comité recommande également que le vaccin ne soit pas administré à des personnes non exposées au virus de la dengue avant vaccination (personnes séronégatives pour le virus de la dengue avant vaccination).
Ce vaccin est actuellement autorisé dans 19 pays, avec en particulier l'introduction dans les programmes de vaccination au Brésil et aux Philippines. Ce dernier, dans le contexte décrit ci-dessus, a suspendu ce programme de vaccination chez les enfants en décembre 2017. Le vaccin Dengvaxia ne possède pas actuellement d'autorisation de mise sur le marché en Europe. La France ne recommande pas ce vaccin dans les territoires ultramarins exposés au virus de la dengue.
2. Orientations pour la prévention et la prise en charge des réactions de stress déclenchées par la vaccination
La gestion des réactions anxieuses post-vaccinales est étudiée par le Comité depuis 2015. Le Comité propose le nouveau terme de « réaction de stress déclenchée par la vaccination » afin de prendre en compte l'ensemble des manifestations qui se produisent avant, pendant et après la vaccination. Ces réactions de stress ne concernent pas que les enfants, mais également les adolescents et les adultes. Des points restent à éclaircir : le lien entre les réactions de stress déclenchées par la vaccination et l'atténuation et la prise en charge de la douleur à la suite des injections, différencier une réaction de stress déclenchée par le vaccin d'une véritable réaction au vaccin, ainsi que l'impact de l'exploitation des réactions de stress par les anti-vaccinaux. A terme, l'objectif est de produire un manuel avec des supports de formation à l'usage des professionnels de santé.
3. Sécurité des vaccins au cours de la grossesse : harmoniser au niveau mondial l'évaluation de l'innocuité de la vaccination pendant la grossesse
Le nombre de vaccins administrés au cours de la grossesse ainsi que les vaccinations par inadvertance au cours de la grossesse augmentent régulièrement. Alors que les données provenant d'essais cliniques sur les femmes enceintes sont limitées, le Comité recommande que puisse être harmonisée à l'échelle mondiale l'évaluation de l'innocuité de la vaccination (disponibilité de données de qualité, méthodes de surveillance des maladies (Classification internationale des maladies, Réglementation des médicaments). Un groupe transversal interdépartemental sera créé au sein de l'Organisation mondiale de la santé afin d'améliorer les programmes pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant.
Source : Organisation mondiale de la santé.