La Haute Autorité de santé consulte sur la place à donner aux vaccins Bexsero et Trumenba dans la protection contre les infections graves à méningocoque B

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La Haute Autorité de santé (HAS) a lancé une consultation sur la place à donner aux vaccins Bexsero et Trumenba dans la protection contre les infections invasives à méningocoque du sérogroupe B (1, 2). Un formulaire de réponse est disponible pour le vaccin Bexsero et un autre pour le vaccin Trumenba.

1. Rappels sur les infections à méningocoque

Le méningocoque (Neisseria meningitidis) est une bactérie présente dans la gorge de certaines personnes appelées "porteurs du méningocoque".

Le méningocoque se transmet directement par voie aérienne par l'intermédiaire de gouttelettes de salive, d'un porteur à une autre personne. Dans les jours qui suivent son installation dans la gorge, le méningocoque peut traverser la muqueuse et atteindre la circulation sanguine, pouvant alors entraîner une méningite ou une septicémie dont l'évolution peut conduire au décès du malade. Le purpura fulminans est une complication redoutable de l'infection par le méningocoque, qui se traduit par des plaques hémorragiques cutanées et un choc septique foudroyant mortel une fois sur trois.

Il existe plusieurs sérogroupes, parmi lesquels les six suivants ont une importance particulière : A, B, C, W, X et Y.Les sérogroupes en cause peuvent être très différents d'une région du monde à l'autre.

Le taux d'incidence annuel (nombre de nouveaux cas survenus pendant un an rapporté à la population) des infections invasives à méningocoque oscille autour d'une valeur d'environ un cas pour 100 000 personnes.

En 2019, # 459 cas d'infection invasive à méningocoque

ont été déclarés en France, dont 449 avec un sérogroupe caractérisé :

  • 240 (53 %) cas de sérogroupe B,
  • 93 (21 %) cas de sérogroupe W,
  • 54 (12 %) cas de sérogroupe C,
  • 54 (12 %) cas de sérogroupe Y,
  • 8 (2 %) cas dus à un autre sérogroupe.

Avec 55 décès, la létalité (proportion de décès parmi les cas) était de 12 %, comparable aux années précédentes.

L’incidence se situe dans les fluctuations observées les années précédentes. Toutefois les tendances sont différentes selon le sérogroupe.

Depuis 5 ans environ, la fréquence des infections graves à méningocoque B n'augmente pas.

L'incidence de la maladie pour 100 000 habitants depuis 2014 est plus faible que l'incidence observée entre les années 2003 et 2011. Le sérogroupe B est resté toutefois majoritaire globalement et a continué à affecter plus particulièrement les jeunes enfants.

Un foyer d’hyperendémie d'infection invasive à méninogocoque B a été identifié en Vendée en 2019. Une étude réalisée par le Centre national de référence (CNR) méningocoques et Haemophilus influenzae a montré que le vaccin Bexsero n'était pas efficace contre toutes les souches en cause.

Le nombre de cas d'infection invasive à méningocoque C a chuté en 2019 dans toutes les tranches d’âge, notamment chez les nourrissons et les jeunes enfants, probablement en raison de l'introduction d'une dose à l'âge de 5 mois en 2017 puis de l’obligation vaccinale en 2018. On note également une diminution de la mortalité liée aux infections à méningocoque C (7 décès rapportés en 2019 contre 21 en 2017 et 11 en 2018).

L’année 2019 est également marquée par une augmentation des cas dus au méningocoque de sérogroupe W , qui devient le deuxième sérogroupe le plus fréquent en France. L’augmentation est particulièrement importante chez les enfants, les jeunes adultes et les personnes âgées de 65 ans et plus. La létalité associée au méningocoque W restait élevée en 2019 (25 décès, soit 27 %) et bien supérieure à celle observée pour les autres sérogroupes.

La fréquence des infections invasives à méningocoque Y , qui prédominent chez les personnes âgées, est restée stable.

Enfin, 7 cas d'infection grave à méningocoque X ont été rapportés en 2019 (contre 0 à 3 cas les années précédentes). Ce sérogroupe est assez rare en France mais est plus fréquent dans les pays d’Afrique subsaharienne où il peut entrainer des épidémies.

La HAS note que la diminution des infections graves à méningocoque en 2020 est probablement liée aux mesures de lutte contre l’épidémie de covid 19, qui réduisent la transmission des agents pathogènes transmis par voie respiratoire.

2. Objectifs de la consultation

La consultation vise à actualiser et affiner les recommandations d'utilisation des deux vaccins (1, 2), alors que l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du vaccin Bexsero a évolué et que celle du vaccin Trumenba a été accordée par l'Agence européenne des médicaments (EMA) en 2017. Par ce processus, la HAS entend recueillir très largement des avis et opinions complémentaires de ceux de ses propres experts. Il s’agit essentiellement "d'enrichir, compléter et finaliser le travail proposé à la consultation et de mesurer la lisibilité, l’acceptabilité et l’applicabilité du projet de recommandations". Ces projets font l'objet de deux documents accessibles sur le site de l'autorité, qui rappelle qu'ils sont encore à ce stade en cours d'élaboration et susceptibles d'être modifiés. La consultation est ouverte du 29 janvier 2021 au 28 février 2021 (à 23h59).

Les avis sollicités sont ceux des principaux organismes du champ de la vaccination, soit les associations de patients et d’usagers du système de santé, de professionnels de santé, les collèges nationaux professionnels et les sociétés savantes, les institutions publiques, syndicats, industriels, centres de vaccination (centres de protection maternelle et infantile, centres de vaccination internationale). Un seul avis sera pris en compte par association ou organisme. Toutes les contributions reçues auront valeur consultative, elles seront rendues publiques et analysées pour la rédaction de la version finale des recommandations.

Le vaccin Bexsero (laboratoire GSK) est indiqué à partir de l'âge de 2 mois. Le vaccin Trumenba (Pfizer) peut être utilisé à partir de l'âge de 10 ans, mais il n'est pas encore disponible en France.

3. Les principales recommandations proposées par la Haute Autorité de santé

3.1. Recommandations générales inchangées.

Prenant en compte l'absence d'augmentation de la fréquence des infections graves à méningocoque B, la HAS recommande de ne pas modifier les recommandations vaccinales générales (c'est-à-dire déterminées uniquement par l'âge ou le sexe) contre le méningocoque B.

Elle recommande simplement de tenir compte de l’évolution de l'autorisation européenne de mise sur le marché du vaccin Bexsero, modifiant des schémas de vaccination de la population (primovaccination du nourrisson âgé de 2 à 5 mois selon un schéma à deux doses espacées de deux mois).

3.2.Recommandations spécifiques précisées.

Les recommandations publiées par le Haut Conseil de la santé publique en 2013, précisées ou complétées par la HAS, sont les suivantes (le texte en gras correspond aux changements proposés) :

  • les personnels des laboratoires de recherche travaillant spécifiquement sur le méningocoque ;
  • les personnes porteuses d’un déficit en fraction terminale du complément ou qui reçoivent un traitement anti-C5, notamment les personnes qui reçoivent un traitement par eculizumab (SOLIRIS®) ou ravulizumab (ULTOMIRIS**®).**Ces traitements sont indiqués pour les personnes atteintes d'hémoglobinurie paroxystique nocturne ou d'un syndrome hémolytique et urémique atypique. Les personnes vaccinées dans le cadre d’une affection médiée par le complément doivent faire l’objet d’une surveillance post vaccinale du fait de la survenue possible d’une hémolyse ;
  • les personnes porteuses d’un déficit en properdine ;
  • les personnes ayant une asplénie (absence de rate) anatomique ou fonctionnelle ;
  • les personnes ayant reçu une greffe de cellules souches hématopoïétiques ;
  • l’entourage familial des personnes à risque élevée d’infection invasive à méningocoque ;
  • les enfants de plus de 2 ans, les adolescents et les adultes présentant un risque continu d’exposition à une infection méningococcique recevront une injection de rappel tous les 5 ans.

A noter que les personnes non éligibles selon les critères ci-dessus peuvent être vaccinées ou faire vacciner leurs enfants en respectant le protocole d'utilisation défini dans le résumé des caractéristiques du produit (Bexsero à partir de l'âge de 2 mois ou Trumenba à partir de l'âge de 10 ans, lorsque celui-ci sera disponible) ; mais dans les conditions actuelles le vaccin ne sera alors pas remboursé par l'assurance maladie.

4. Conclusion

Santé Publique France rapporte une baisse importante de l’incidence des infections invasives à méningocoque pour tous les sérogroupes en 2020. Cette baisse est probablement due aux mesures barrières prises en France pour prévenir la transmission de la covid 19, qui ont entrainé une diminution des infections causées par d’autres agents pathogènes transmis par voie respiratoire.

La reprise d’une vie sociale normale pourrait entrainer une augmentation des infections à méningocoque. Dans ce cas, la surveillance épidémiologique étroite et réactive effectuée par Santé publique France et le CNR permettra de mettre à jour rapidement ces recommandations si besoin.

Références

  1. Stratégie de vaccination pour la prévention des infections invasives à méningocoques : le sérogroupe B et la place de BEXSERO - Document de travail du 25 janvier 2021.
  2. Stratégie de vaccination pour la prévention des infections invasives à méningocoques : le sérogroupe B et la place de TRUMENBA - Document de travail du 25 janvier 2021.
  3. Instruction du 27 juillet 2018 relative à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque.
  4. Avis du 25 octobre 2013 du Haut Conseil de la santé publique relatif à l'utilisation du vaccin Bexsero.

Annexe : sur l’application mobile MesVaccins,exemple de diagnostic vaccinal intégrant une recommandation vaccinale contre les infections à méningocoque B (homme recevant un traitement par anti-C5)