Vaccins contre variants : qui peut l'emporter ?

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L'évolution de l'épidémie de covid 19, qui a débuté voici près de deux ans, est marquée par l'apparition de variants viraux associés à des rebonds épidémiques. Ces variants, produits par les mutations incessantes du virus, font craindre une perte d'efficacité des mesures de protection mises en œuvre partout dans le monde et l'apparition de nouvelles formes de la maladie, peut-être plus contagieuses, plus graves, ou affectant des catégories d'individus jusqu'ici majoritairement épargnées. Les vaccins utilisés depuis fin 2020 sont les outils sur lesquels reposent le plus d'espoirs de développer une protection, individuelle et collective, capable de mettre les populations à l'abri de ses formes graves mais aussi, dans une moindre mesure, de l'infection par le SARS-CoV-2. Ils ont été mis au point dans des délais exceptionnellement courts, sur les caractéristiques de souches virales isolées tôt dans l'épidémie, et les essais d'efficacité effectués avant leur commercialisation les ont confrontés à ces mêmes souches, alors majoritaires.

Alors que des millions d'individus sont à présent immunisés contre le SARS-CoV-2, soit par une infection, soit par les vaccins, la question de l'efficacité de cette immunité contre les différents variants viraux recensés se pose. Si l'immunité acquise est inadaptée et manque d'efficacité face à des variants aux propriétés trop différentes de celles des souches historiques, le risque de voir se répéter des épidémies de grande ampleur est réel et pourrait rendre nécessaire des revaccinations régulières, utilisant des vaccins constamment adaptés. Trois ou quatre variants sont considérés comme "préoccupants". Le variant Alpha d'abord détecté au Royaume Uni et qui s'est rapidement répandu grâce à ses capacités de transmission accrues, laisse de plus en plus la place, selon les régions, à des variants Bêta ("sud-africain") et Delta ("indien"), encore plus transmissibles et porteurs de mutations de leur protéine de surface (S) qui altèrent la reconnaissance par des anticorps produits contre le SARS-CoV-2 original. Les études de séroneutralisation, dans lesquelles les différents virus sont mis en présence des anticorps produits chez les individus précédemment infectés ou vaccinés, montrent toutes une réduction du pouvoir de neutralisation des anticorps contre les principaux variants par rapport à la souche originelle après une dose unique de vaccin, quel qu'il soit (1). Le pouvoir neutralisant des sérums prélevés chez les personnes ayant reçu 2 doses de vaccins (Vaxzevria ou Comirnaty) est également réduit vis-à-vis des variants Bêta et Delta, par rapport au variant Alpha. On observe même des échappements complets du variant Bêta à la neutralisation par les anticorps de sujets vaccinés par Vaxzevria. Toutefois, ces tests, qui portent sur une composante unique de l'immunité, ne rendent pas compte de l'efficacité de protection "en vie réelle" et d'autres études sont nécessaires.

On dispose à présent d'un certain recul sur l'apparition et la dissémination de ces variants majeurs qui sont devenus en quelques mois responsables de la plupart des infections, en France et dans de nombreux pays. Depuis octobre 2020, une étude nationale menée par l’Institut Pasteur, la Caisse nationale de l’Assurance Maladie, l’institut Ipsos et Santé publique France, analyse les facteurs sociodémographiques, comportements et pratiques associés à l’infection par le SARS-CoV-2 (2). En février 2021, son protocole a été adapté pour inclure des données relatives à la vaccination, à l'existence d'infections antérieures par le SARS-CoV-2, et à la nature des variants responsables d'infection. Ces données recueillies sur 67 760 Français entre février et mai 2021 (7 288 personnes infectées par la souche d’origine, 31 313 personnes infectées par le variant Alpha, 2 550 par le variant Bêta ou Gamma et 3 644 témoins non infectés) ont permis d'évaluer l'efficacité des vaccins à ARN contre les variants Alpha et Bêta et la protection laissée par une première infection par le SARS-CoV-2. Les résultats sont rassurants. Sept jours après la deuxième dose de vaccin Comirnaty ou Spikevax, l'efficacité de protection est de 88 % contre le SARS-CoV-2 d'origine, de 86 % contre le variant Alpha et de 77 % contre les variants Bêta ou Gamma ("brésilien"). Ces niveaux d'efficacité sont maintenus quel que soit l'âge, le sexe ou l'exposition. Pour Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’Épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur, ils "confirment l'efficacité des vaccins contre la covid 19, et le rôle central qu'ils occupent dans la lutte contre l'épidémie". L'étude montre par ailleurs qu'une infection par le SARS-CoV-2 laisse une protection de même niveau que la vaccination pendant environ 6 mois, et que cette protection a tendance à décroître passé ce délai.

L'étude française s'intéresse à présent au variant Delta, qui devient majoritaire sur le territoire national et dans plusieurs pays, où il est associé à de nouvelles vagues épidémiques. En France, du 21-au 27 juin, il a été détecté dans 20,5 % des PCR de criblage interprétables, contre 10,5 % dans la semaine du 14-20 juin. Des résultats sur la protection apportée par les vaccins contre ce variant commencent à être publiés (voir notre actualité du 25 juin). D'après l'étude menée par Santé Publique Angleterre (Public Health England), cette protection apparaît assez fortement diminuée après une seule dose de vaccin, et particulièrement contre les formes symptomatiques d'infection par le virus Delta : dans ce cas, l'efficacité des deux vaccins Vaxzevria et Comirnaty n'est que de 33 %. Elle est par contre de respectivement 60 et 88 % après une deuxième dose, et s'élève à 92 % et 96 % lorsqu'il s'agit de protection contre les formes graves de l'infection. L'étude qui vient d'être publiée dans le New England Journal of Medicine rapporte des résultats très concordants (3). On observe un niveau d'efficacité comparable avec un schéma de vaccination dit hétérologue (voir l'actualité du 22 mai), fait d'une première dose de Vaxzevria et d'une deuxième dose de vaccin à ARN, Comirnaty ou Spikevax (1).

On dispose encore de trop peu de données sur l'efficacité du vaccin Janssen COVID-19 Vaccine contre le variant Delta.

On peut donc être raisonnablement optimiste quant à la capacité des vaccins disponibles à nous protéger de l'infection par les variants du SARS-CoV-2. Les vaccins à ARN montrent des efficacités mieux préservées contre le variant Delta et devraient donc être privilégiés. Ils ont également un intérêt dans le cadre d'un schéma de vaccination hétérologue. Leurs fabricants travaillent déjà sur de nouvelles formules, adaptées aux nouvelles souches virales, pour le cas où une meilleure spécificité des vaccins serait requise.

Il convient de se rappeler que si les variants ont acquis des propriétés qui leur permettent de supplanter les souches antérieures, c'est surtout la non utilisation des mesures de protection (vaccination et mesures barrières) qui fait leur succès. L'extension des populations virales, partout où l'épidémie se poursuit ou se relance, augmente la probabilité d'apparition de nouveaux variants porteurs de risques imprévisibles et doit être enrayée.

Références

  1. Avis n° 2021.0047/AC/SEESP du 8 juillet 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à l’adaptation de la stratégie vaccinale devant l’émergence de variants du SARS-CoV-2.
  2. Étude ComCor : analyse de l’efficacité des vaccins à ARN messager sur les variants alpha et bêta du SARS-CoV-2 en France.
  3. J.L. Bernal, N. Andrews et coll. Effectiveness of Covid-19 Vaccines against the B.1.617.2 (Delta) Variant.https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2108891?query=featured_home

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