Quelles sont les maladies à transmission vectorielle importées en Europe par les voyageurs en provenance d’Afrique ?

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La revue Eurosurveillance a publié récemment un article faisant le bilan des maladies à transmission vectorielles importées en Europe par les voyageurs en provenance d'Afrique entre 2015 et 2019.

Cette étude a pris en compte les cas de chikungunya, fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC), dengue, paludisme, peste, fièvre de la vallée du Rift (FVR), encéphalite à tiques (TBE), infection par le virus du Nil occidental (VNO), fièvre jaune (FJ) et Zika (MZV) déclarés dans le système européen de surveillance (TESSy) auquel participent les 27 pays de l'union européenne, ainsi que l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège et le Royaume-Uni.

Le nombre de cas de chaque infection a été rapporté au nombre de voyageurs arrivés d'Afrique par avion pendant la période de l'étude (données de l'Association internationale du transport aérien) et exprimé en taux d'infection pour 100 000 voyageurs (TI). Les pays de provenance ont été identifiés et regroupés en 5 zones (Afrique de l'Ouest, Australe, du Nord, Centrale, et de l'Est).

Au total, environ 125 millions de personnes sont arrivées par avion commercial d'Afrique en Europe de 2015 à 2019. Ces voyageurs arrivaient d'Afrique du Nord (79,3 millions, principalement du Maroc (31,1 millions)), d'Afrique de l'Est (16,4 millions), d'Afrique de l'Ouest (15,4 millions) d'Afrique Australe (9,6 millions, principalement d'Afrique du Sud) et d'Afrique Centrale (4,2 millions).

1. Paludisme

Le paludisme est de loin la maladie à transmission vectorielle la plus fréquente chez les voyageurs en provenance d'Afrique, avec # 34 235 cas

(TI : 28,8). Sur la période d'étude le nombre de cas a constamment augmenté alors que le TI diminuait.

Les cas arrivent essentiellement d'Afrique de l'Ouest (20 657 cas ; TI : 140) dont 5 822 cas en provenance du Nigeria (TI : 202,7) et 4 550 de Côte d'Ivoire (TI : 404,7), d'Afrique Centrale (9 151 cas ; TI : 140) dont 4 056 cas en provenance du Cameroun (TI : 425,9) et d'Afrique de l'Est (3 877 cas ; TI : 24,3) dont 852 cas en provenance d'Ouganda (TI : 129,5) et 633 en provenance d'Erythrée (TI : 464,7).

Les TI les plus importants concernent les voyageurs en provenance de République Centrafricaine (TI : 1608,5), du Sierra Leone (TI : 712,2), de Guinée Equatoriale (TI : 655,7), de Guinée (TI : 648,4), d'Erythrée (TI : 464,7), de Côte d'Ivoire (TI : 404,7) et de la République du Congo (TI : 252,6).

L'espèce en cause est précisée dans # 31 456 cas.

  • Plasmodium falciparum représente 89% des cas (n=28 070), ce taux variant de 75% pour l'Afrique de l'Est à 92% pour l'Afrique de l'Ouest. Le nombre de cas a augmenté au cours de la période d'étude (5 015 en 2015 contre 6 140 en 2019).
  • P. ovale représente 5,8% des cas (n=1817), le nombre de cas étant resté stable sur 5 ans. L'infection a été contractée essentiellement en Afrique de l'Ouest (1 035 cas) et Centrale (573 cas).
  • P. vivax représente 2,3% des cas (n=719). Le nombre de cas a décru passant de 249 en 2015 à 60 en 2019. L'infection était contractée en Afrique de l'Est (472 cas) et de l'Ouest (144 cas).
  • P. malariae représente 2,5% des cas (n=798), le nombre de cas étant resté stable dans le temps. L'infection a été contractée essentiellement en Afrique de l'Ouest (363 cas) et Centrale (310 cas).

Au cours des 5 années, en Afrique de l'Est, le nombre de cas d'infections P. vivax a diminué de 83 %, passant de 198 à 33 cas, alors que les infections à P. falciparum ont augmenté de 74%, passant de 377 cas en 2015 à 657 cas en 2019. Pour l'Afrique du Nord, avec 93% des cas originaires du Soudan, un changement comparable dans la distribution des espèces de Plasmodium a été noté.

Soixante-cinq pour cent des cas étaient des hommes et l'âge moyen au moment de l'infection était de 37 ans. Parmi les cas dont l'issue a été précisée (47 %), le taux de létalité était inférieur à 1 %. Parmi les cas pour lesquels le pays de résidence était précisé (57 %), 88 % étaient des résidents européens et 11 % des résidents africains, principalement d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale.

Géographiquement, la variation des TI dans les régions correspond à l'incidence de la maladie estimée par l'Organisation mondiale de la santé. Sur la période étudiée, si le nombre de cas a augmenté, la probabilité d'infection a diminué. Cette évolution peut s'expliquer par les efforts de luttes déployés dans les pays africains en particulier dans les zones les plus développées qui sont préférentiellement fréquentées par les touristes, et une meilleure adhésion à la prophylaxie. Le paludisme est l'infection qui touche proportionnellement le plus de résidents africains, probablement du fait d'un moindre respect des règles de prophylaxie. Les données disponibles ne permettaient pas d'évaluer la chimioprophylaxie.

2. Dengue, chikungunya et Zika

La dengue était la deuxième maladie à transmission vectorielle signalée avec 956 cas (TI : 0,8). Deux pics de cas et de TI ont été observés, en 2017 (n = 239 ; TI : 1,0) et en 2019 (n = 374 ; TIR : 1,4). Les voyageurs infectés sont arrivés de 41 pays africains, principalement d'Afrique de l'Est (n = 505 ; TIR : 3,2) dont la Réunion (156 cas ; TI : 5,2), les Seychelles (92 cas ; TI : 9,1) le Kenya (78 cas ; TI : 3,2) et la Tanzanie (68 cas ; TI : 4,5), et d'Afrique de l'Ouest (n = 311 ; TIR : 2,1) dont la Côte d'Ivoire (111 cas ; TI : 9,9). Malgré le faible nombre de cas en Afrique centrale, le TI était comparable à celui de l'Afrique de l'Ouest (TI : 2,3). Les TI les plus élevés concernaient le Lesotho (TIR : 107,9), mais l'intervalle de confiance du TI était large, la Somalie (TIR : 16,6) et le Burkina Faso (TIR : 14,8). Les TI pouvaient varier selon les années.

Entre 2015 et 2019, 161 cas (TIR : 0,1) de chikungunya ont été recensés. Le nombre annuel de cas et le TI étaient les plus élevés en 2016 (n = 35 ; TIR : 0,2), 2018 (n = 40 ; TIR = 0,2) et 2019 (n = 57 ; TIR : 0,2). Les voyageurs infectés sont arrivés de 20 pays africains, principalement d'Afrique de l'Est (n = 84 ; TI : 0,6) dont 34 cas du Kenya (TI : 1,4) et 29 de Somalie (TIR : 15,0), d'Afrique centrale (n = 48 ; TI : 1,2) dont 17 cas provenant de la République du Congo (TI : 4) et 12 de République Démocratique du Congo (RDC) (TI : 3,8) et 10 de Guinée Equatoriale (TI : 5,9), et d'Afrique de l'Ouest (n = 26 ; TI : 0,2). Les pics les plus importants du nombre de cas et des TI ont été observés en Somalie en 2016 (TI : 65,0), au Kenya en 2018 (TIR : 5,1), en République du Congo et en RDC en 2019 (TI : 22,6 et 15,6, respectivement). Parmi les cas dont le pays de résidence a été signalé (45/161), 98 % étaient des résidents européens.

Il y a eu 16 cas de Zika qui ont été infectés en Angola (n = 4), au Cameroun (n = 4), au Burkina Faso (n = 2), au Cap Vert (n = 2), en Côte d'Ivoire (n = 1), au Kenya (n = 1), au Nigeria (n = 1) et au Sénégal (n = 1). La moitié des cas (n = 8) étaient des femmes et l'âge moyen au moment de l'infection était de 42 ans. Aucun cas de Zika chez les femmes enceintes ou de décès n'a été signalé. Le lieu de résidence a été signalé pour 15 cas ; tous étaient des résidents européens.

Concernant la dengue et le chikungunya, le nombre de cas et les TI paraissent refléter la circulation de ces virus, notamment dans les zones touristiques (en effet, plusieurs épidémies décrites dans des pays en zones non touristiques n'ont pas été associées à une augmentation des cas importés). Les cas importés de Zika sont rares et ont été acquis dans des pays où le virus est connu comme circulant. Malgré sa rareté, compte tenu des risques liés à l'infection chez la femme enceinte, l'évaluation du risque Zika ne doit cependant pas être négligée chez le voyageur de rendant en Afrique.

3. Autres maladies à transmission vectorielle importées

Il y a eu neuf cas confirmés importés d'infection par le virus du Nil Occidental : cinq en provenance de Tunisie et un en provenance d'Algérie (2018), de Djibouti (2019), d'Égypte (2016) et d'Afrique du Sud (2017). Cinq des cas étaient des hommes et l'âge moyen au moment de l'infection était de 65 ans. Un cas mortel a été signalé. Le lieu de résidence a été signalé pour cinq cas et tous étaient des résidents européens. Ces cas sont tous liés à des pays où la circulation du virus a été identifiée et la moyenne d'âge élevée est en accord avec le fait que la maladie touche plus gravement les personnes âgées.

Il y avait quatre cas importés de fièvre de la vallée du Rift , tous originaires d'Afrique de l'Ouest : trois du Mali (dont 2 cas chez des militaires français) et un du Ghana. Tous les cas étaient des hommes et l'âge moyen au moment de l'infection était de 32 ans. Les quatre cas étaient des résidents européens. Aucun décès n'a été signalé.

En 2018, un cas confirmé de fièvre jaune a été signalé. Il concernait d'un homme de 26 ans non vacciné qui avait voyagé au Sénégal et en Gambie où la vaccination n'est pas obligatoire pour les voyageurs à l'entrée.

Pour la FHCC , la TBE et la peste , cette étude n'a trouvé aucun cas chez les voyageurs en provenance d'Afrique au cours de la période analysée.

4. Conclusions :

Le nombre de cas et donc les TI présentés dans cette étude sont probablement sous-estimés pour plusieurs raisons : un sous-diagnostic des formes bénignes, l'absence de prise en compte des infections déclarées au cours du voyage, une sous-déclaration en particulier des formes sans gravité, la non prise en compte des voyageurs utilisant un moyen de transport autre que l'avion.

Les points à retenir pour les voyageurs sont les suivants :

  • la protection personnelle anti-vectorielle est incontournable pour les voyageurs se rendant en Afrique ;
  • la mise en place d'une chimioprophylaxie du paludisme conforme aux recommandations doit être prescrite à tous la voyageurs se rendant en zone d'endémicité du paludisme, y compris aux voyageurs originaires de ces zones ;
  • la vaccination contre la fièvre jaune, en l'absence de contre-indication, doit être mise en œuvre conformément aux recommandations de l'OMS chez tous les voyageurs âgés de 9 mois ou plus se rendant en zone d'endémie ;
  • le risque d'arbovirose ne doit pas être méconnu des voyageurs se rendant en Afrique.

Source : Eurosurveillance