Que représent le poids de la fièvre typhoïde et celui de la fièvre paratyphoïde en zone urbaine au Bangladesh ?
La revue Emerging Infectious Disease a publié un article comparant l’épidémiologie des infections à Salmonella enterica Paratyphi A et à Salmonella typhi Typhi en zone urbaine au Bangladesh.
Cette étude a utilisé les données d'un essai portant sur l'efficacité du vaccin antityphoïdique utilisant l’antigène Vi conjugué à la protéine antitétanique où le vaccin contre l'encéphalite japonaise (EJ) servait de témoin. Les personnes inclues dans l’essai ont bénéficié d’une surveillance passive du 26 avril 2018 au 15 mars 2020 dans huit établissements de santé. Les personnes qui présentaient des antécédents de fièvre (plus de 48 heures) ou une fièvre objective lors de leur consultation ont bénéficié d’un prélèvement pour hémoculture. L’isolement de Salmonella Paratyphi A ou de Salmonella Typhi définissait un cas de fièvre paratyphoïde ou typhoïde. Pour l'analyse des épisodes de Salmonella Typhi, seuls les participants du groupe EJ ont été pris en compte. L’étude a porté sur une cohorte fermée définie comme l'ensemble des participants inclus dans le recensement initial ou présents au 30 avril 2018 et une cohorte « dynamique » correspondant à l'ensemble de la population pendant toute la période d'étude, incluant les naissances, l'immigration après le recensement initial et le retour dans la zone d'étude après une émigration antérieure.
La cohorte fermée représentait 206 065 personnes et la cohorte dynamique 326 794.
Dans la cohorte dynamique on a dénombré 121 primo-infections de Salmonella Paratyphi A et 483 épisodes de Salmonella Typhi dont 6 récidives. Dans la cohorte fermée, ces chiffres étaient respectivement de 87 et 323.
Les taux d'incidence (TI) globaux de la paratyphoïde étaient similaires dans les cohortes fermées et dynamiques, de 27/100 000 personnes-années (PA). L'incidence la plus élevée a été observée dans les deux cohortes chez les enfants de moins de 16 ans. Chez les enfants d’âge < 2ans, l’incidence était de 34/100 000 PA dans la cohorte fermée et de 29/100 000 PA dans la cohorte dynamique. Chez les enfant des 2 à 4 ans l’incidence était respectivement de 72/100 000 PA et de 57/100 000 PA. Elle était respectivement de 61/100 000 PA et 62/100 000 PA chez les enfants de 5 à moins de 16 ans, et de 12/100 000 PA et 14/100 000 PA chez les personnes âgées de 16 ans et plus. Aucune saisonnalité n'a été observée pour la fièvre paratyphoïde.
Les taux d'incidence globaux de la typhoïde était de 201/100 000 PA dans la cohorte fermée et de 216/100 000 personnes-années dans la cohorte dynamique. L'incidence la plus élevée a été observée chez les enfants de moins de 16 ans : 539/100 000 PA dans la cohorte fermée et 558/100 000 PA dans la cohorte dynamique. Chez cette population, l'incidence la plus élevée, pour les deux cohortes, a été observée chez les enfants de 2 à 4 ans : 887/100 000 PA dans la cohorte fermée et 863/100 000 PA dans la cohorte dynamique. Chez les personnes âgées de 16 ans et plus l’incidence respective dans les deux cohorte était de 45/100 000 PA et 65/100 000 PA. La fièvre typhoïde atteignait son pic après la mousson (juillet-août).
Le risque de fièvre paratyphoïde (risque relatif (RR) : 2,77) et celui de fièvre typhoïde (RR : 1,55) était significativement plus élevé chez les membres des ménages sans toilettes privées, comparativement aux membres des ménages disposant de toilettes privées. Le risque de fièvre paratyphoïde (RR : 2,1) et celui de fièvre typhoïde (RR : 1,4) était significativement plus élevé chez les membres des ménages n’ayant pas accès à une source d’eau potable sûre, comparativement à ceux qui y avaient accès.
Aucune différence significative n'a été observée dans les caractéristiques cliniques entre les patients atteints de paratyphoïde et ceux atteints de fièvre typhoïde, même après stratification par groupes d'âge. Le taux d’hospitalisation était de 4,1% pour les fièvres paratyphoïdes et de 5% pour les fièvres typhoïdes. Tous les patients ont guéri et aucun n’a présenté de complications graves.
Une seule souche (0,8 %) des 121 isolats de Salmonella Paratyphi A était multirésistante (MDR) ; les autres étaient sensibles aux antibiotiques de première intention (ampicilline, chloramphénicol et triméthoprime/sulfaméthoxazole). En revanche, 97 isolats sur 480 (20,2 %) de Salmonella Typhi étaient MDR. Aucune résistance aux céphalosporines de troisième génération testées n’a été observée pour aucun des deux pathogènes (cefixime et ceftriaxone). Presque tous les isolats de Salmonella Paratyphi A (98,3 %) et de Salmonella Typhi (94,4 %) étaient résistants à l’acide nalidixique et présentaient une résistance intermédiaire à la ciprofloxacine (98,3 % et 85,1 % respectivement). La résistance à l'azithromycine était significativement plus fréquente (p<0,001) parmi les isolats de Salmonella Paratyphi A (11,6%) que parmi les isolats de Salmonella Typhi (1,9%).
Les auteurs concluent que, bien que l'incidence de Salmonella Typhi dans la zone d'étude à Dhaka soit supérieure à celle de Salmonella Paratyphi A, l'impact de cette dernière n'est pas négligeable, notamment chez les enfants. La vaccination avec un vaccin bivalent devrait être facilement applicable compte tenu des profils d'incidence similaires selon l'âge.