Une large revue systématique des données sur l’utilisation des vaccins anti-papillomavirus en confirme l’efficacité et la bonne tolérance

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On connait plus de 200 types de papillomavirus infectant l’Homme (HPV). Transmis par les contacts cutanés, la plupart d’entre eux sont responsables d’infections inapparentes ou bénignes, souvent des verrues. Quelques-uns sont transmis lors des rapports sexuels et l’infection se manifeste alors majoritairement par l’apparition de verrues génitales (condylomes acuminés ou crêtes de coq). Toutefois, quelques types viraux infectant les muqueuses sexuelles, anales ou oropharyngées peuvent être à l’origine de lésions chroniques peu visibles susceptibles d’évoluer, dans un petit nombre de cas, vers des lésions précancéreuses (dysplasies) ou, au bout de plusieurs années, vers des cancers. Il est bien établi aujourd’hui qu’une majorité de nombreux cancers génitaux (col de l’utérus et vulve chez la femme, pénis chez l’homme), de l’anus ou de la sphère ORL sont provoqués par des papillomavirus, en particulier ceux des génotypes 16 et 18. Des vaccins ont donc été mis au point, d’abord contre ces deux virus, puis contre d’autres génotypes également responsables de cancers, avec une moindre incidence, et de maladies bénignes mais invalidantes, dont les verrues génitales et la papillomatose respiratoire récurrente (actualité du 18/04/2023). Le vaccin Gardasil 9 commercialisé en 2018 vise à protéger contre 9 génotypes (génotypes 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58). Il est actuellement recommandé en France pour tous les adolescents, filles et garçons, entre 11 et 14 ans, avec rattrapage possible jusqu’à 19 ans révolus, et même jusqu’à 26 ans pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. La HAS a recommandé l'élargissement de la vaccination aux jeunes hommes et aux jeunes femmes jusqu'à l'âge de 26 ans révolus quelle que soit l'orientation sexuelle, mais cette recommandation n'est pas encore inscrite au calendrier vaccinal.

Bien que des progrès soient observés dans la couverture vaccinale depuis 2016 (actualité du 10/02/2025), les objectifs fixés aux mesures de prévention contre les cancers génitaux, incluant le dépistage, ne sont pas atteints. L’hésitation vaccinale, alimentée pas des arguments souvent biaisés mais largement diffusés, est un des facteurs de cet échec relatif : partout, l’utilisation des vaccins anti-HPV reste insuffisante (actualité du 4/07/2025). Les études permettant d’évaluer le bien-fondé des recommandations, prenant en compte efficacité et sécurité des vaccins, revêtent une particulière importance et doivent susciter la confiance des autorités et, plus largement, du public auquel les mesures s’adressent. Plusieurs ont déjà été publiées, avec un recul parfois insuffisant pour évaluer précisément les effets à long terme de la vaccination. La mise en évidence d’une protection contre les cancers n’a été rapportée que dans quelques travaux (actualité du 7/10/2020).

« Cochrane » (du nom de l’épidémiologiste écossais Archibald Cochrane) est une organisation internationale, indépendante, à but non lucratif, réunissant chercheurs, professionnels de santé et patients, réputée pour la rigueur et la fiabilité de ses analyses. Elle produit des revues systématiques des résultats des recherches évaluant les soins et politiques de santé. Chaque revue est consacrée à un sujet, elle est destinée à aider les patients et les organismes de santé dans leurs prises de décision.

Les deux revues que l’organisation vient de publier simultanément sont consacrées aux effets de la vaccination contre les HPV, avec une période d’observation étendue par rapport aux études déjà parues. Dans l’une, intitulée « Human papillomavirus (HPV) vaccination for the prevention of cervical cancer and other HPV-related diseases: a network meta-analysis », les auteurs ont sélectionné 60 études prospectives, randomisées et contrôlées (dont des rapports d’essais cliniques adressés à l’Agence européenne des médicaments), évaluant les 4 vaccins alors préqualifiés par l’OMS, et donc susceptibles d’être largement utilisés (Cervarix, Gardasil et Gardasil 9, Cecolin). Seuls Gardasil 9 et Cervarix sont à présent disponibles en France. Ils se sont intéressés à l’efficacité et à la sécurité de ces vaccins lorsqu’ils étaient utilisés, chez les femmes et les hommes, en prévention du cancer du col de l’utérus et d’autres maladies dues aux HPV. L’analyse a été effectuée avec une méthodologie et des outils statistiques validés par Cochrane et présentés en détail. Globalement, les études ont inclus 157 414 participants, suivis de 7 mois à 11 ans. Peu de participants avaient moins de 15 ans (uniquement des filles), il n’y avait pas de garçons de moins de 15 ans ni de plus de 25 ans. Sur l’ensemble des études, le risque de biais pouvant fausser l’interprétation a été évalué de « faible » à « suscitant quelques préoccupations » pour les critères de jugement essentiels. Parmi ceux-ci, l’effet sur le développement de cancers ne pouvait pas être évalué de manière fiable en raison de la durée insuffisante de la plupart des études ; seules 4 d’entre elles s’y sont consacrées, et aucun cancer n’a été détecté durant leur réalisation. Des données importantes ont toutefois été obtenues. L’analyse par paires des événements indésirables graves a porté sur 97 272 participants, répartis dans 39 études ; elle n’a pas montré de différence entre les groupes vaccinés et les groupes témoins. Globalement, il n’a pas été relevé de problème de tolérance avec les vaccins testés.

Les données produites en matière d’efficacité étaient affectées d’un niveau de confiance modéré. Chez les femmes de 15 à 25 ans, elles montraient une réduction des lésions pré-cancéreuses du col de l’utérus de haut grade (CIN2+) au bout de 6 ans quel que soit le type de HPV, et une réduction plus importante pour les virus ciblés par le vaccin. Aucune réduction n’était observée chez les femmes de plus de 25 ans ayant reçu Gardasil ou Cervarix.

Les observations ont été précisées par une deuxième méta-analyse, plus ambitieuse (Effects of human papillomavirus (HPV) vaccination programmes on community rates of HPV-related disease and harms from vaccination). Celle-ci a porté sur 225 études de différentes conceptions et origines parues jusqu’en septembre 2024. Il s’agissait cette fois d’évaluer les effets de la vaccination HPV sur la population générale, protection contre les maladies dues aux HPV et effets indésirables. Au total, ces études ont produit des données recueillies sur 132 millions de personnes. Vingt études, réunissant 4 390 243 femmes et jeunes filles, ont montré une réduction de l’incidence du cancer du col de l’utérus chez celles qui avaient été vaccinées, avec un niveau de certitude qualifié de modéré par les auteurs de la revue (« moderate-certainty evidence »). La réduction est surtout marquée chez les femmes vaccinées durant leur 16e année ou avant : elle atteint alors 80%. Dans quelques-unes des études prises en compte, aucun cancer n’a été diagnostiqué chez les femmes vaccinées.

L’incidence des néoplasies intraépithéliales de haut grade (CIN3 et CIN3+) est également réduite, là encore surtout chez les femmes vaccinées avant 17 ans (74% de réduction, niveau de certitude modéré). Il est noté qu’une unique étude, transversale, n’a pas constaté de réduction de cette incidence. Toujours chez les femmes vaccinées jeunes, la survenue des lésions de plus bas grade (CIN2+) est réduite de 41% à moyen terme et de 62% à plus long terme.

Plusieurs études indiquent une réduction de l’incidence des verrues génitales après vaccination, chez les femmes comme chez les hommes. Globalement, cette réduction est estimée à 47% à moyen terme et 53% à long terme. Six études ayant évalué ce critère n’ont toutefois pas rapporté de réduction.

Malgré l’étendue de la méta-analyse, les données sur la réduction des adénocarcinomes in situ et des cancers de la vulve, de l’anus et du pénis manquent encore de significativité.

Concernant la sécurité des vaccins, il n’est pas apparu d’augmentation du risque de survenue d’effets indésirables graves tels que syndrome de tachycardie orthostatique posturale, syndrome de fatigue chronique/encéphalomyélite myalgique, paralysie, syndrome de Guillain-Barré ou troubles de la fertilité.

Les conclusions des auteurs sont prudentes. Les données de long terme s’accumulent dans plusieurs pays pour indiquer un effet bénéfique de la vaccination contre les HPV sur la survenue des lésions de haut grade et des cancers du col de l’utérus. Le bénéfice est plus marqué chez les femmes vaccinées jeunes, avant le début de la vie sexuelle. Par ailleurs, les vaccins disponibles n’augmentent pas le risque de survenue des effets indésirables les plus fréquemment mentionnés sur les médias sociaux.

Références

  1. H. Bergman, N. Henschke et coll. Human papillomavirus (HPV) vaccination for the prevention of cervical cancer and other HPV-related diseases: a network meta-analysis. Cochrane Database of Systematic Reviews 2025, Issue 11. Art. No.: CD015364. DOI:10.1002/14651858.CD015364.pub2.
  2. N. Henschke, H. Bergman et coll. Effects of human papillomavirus (HPV) vaccination programmes on community rates of HPV-related disease and harms from vaccination. Cochrane Database of Systematic Reviews 2025, Issue 11. Art. No.: CD015363. DOI: 10.1002/14651858.CD015363.pub2.

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