Nouveau virus grippal A(H7N9) : quel devenir ?
Attention : malgré nos efforts d'explication et de simplification, cet article peut être difficile à comprendre pour le lecteurs non familiers avec le monde de la biologie.
Quelques jours après la notification à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) des premiers cas d'infection humaine par le virus grippal A(H7N9) en Chine (provinces de Shangai, Jiangsu et Zhejiang), la communauté scientifique s'interroge sur le pouvoir pathogène et potentiellement épidémique de ce nouveau virus grippal. Pour mieux comprendre la grippe, il faut avoir un minimum de connaissances sur la structure des virus de la grippe, encore appelés virus influenza.
Il existe trois types de virus influenza, dénommés A, B et C. Seuls les virus A et B ont une importance épidémiologique, particulièrement le virus A en raison de sa variabilité, qui lui permet de déjouer les défenses immunitaires de l'homme. Le génome du virus de la grippe de type A est composé de 8 gènes qui se présentent sous la forme de segments séparés. Chaque segment est un gène qui code une protéine du virus. Lorsque deux virus de la grippe co-infectent une même cellule, un nouveau virus contenant un mélange des segments des deux virus peut voir le jour et émerger. Ce virus étant différent, il n'est pas reconnu par le système immunitaire des êtres humains : il peut alors être la cause d'une maladie grave et, s'il s'adapte à l'homme, il peut se transmettre de personne à personne et entrainer une épidémie, voire une pandémie (épidémie mondiale).
Le virus grippal possède à sa surface deux glycoprotéines antigéniques, l'hémagglutinine et la neuraminidase , désignées respectivement par les lettres H et N. L'hémagglutinine permet l'attachement du virus aux cellules respiratoires et la neuraminidase permet la libération des virions néo-formés lors de leur sortie par bourgeonnement de la cellule infectée. Chez l'oiseau, qui est le principal réservoir de virus influenza de type A, 15 sortes de H (H1 à H15) et 9 sortes de N (N1 à N9) ont été identifiées. Le sous-type d'un virus A correspond à sa formule antigénique combinant H et N, par exemple H1N1 ou H3N2.Pour s'y retrouver dans la classification des souches, une nomenclature a été définie. Par exemple, la souche de virus "A/Victoria/361/2011 (H3N2)" possède les caractéristiques suivantes : elle est de type A, Victoria est son lieu d'isolement, 361 le numéro de la souche, 2011 l'année d'isolement et H3N2 le sous-type. Si de nombreux virus de la grippe circulent chez les oiseaux, plusieurs espèces de mammifères peuvent aussi être infectées, notamment le cochon.
L'apparition d'un nouveau sous-type de virus influenza A chez l'homme peut entraîner une pandémie (épidémie mondiale). Les principales pandémies connues sont la grippe espagnole (1918-1920, responsable de 30 à 100 millions de morts), la grippe asiatique (1957-1958, 1 à 1,5 million de morts), la grippe de Hong Kong (1968-1969, 0,75 à 1 million de morts) et la grippe A (H1N1)pdm09 (2009-2010, 20 000 morts).
Virus grippal A(H7N9): une triple origine
La séquence génétique complète du génome du virus influenza H7N9 a été disponible très rapidement, à partir des échantillons respiratoires des premiers cas diagnostiqués fin mars 2013. Il s'agit d'un virus triple réassortant d'origine aviaire. Cela signifie que son génome résulte de l'assemblage de séquences génétiques de trois origines différentes. Le gène codant l'hémagglutinine H est proche de celui d'un virus H7N3 identifié chez un canard en 2011. Le gène codant la neuraminidase N est apparenté à celui d'un virus H7N9 isolé en Corée chez des oiseaux sauvages également en 2011. Enfin, six gènes codant des protéines internes du virus sont proches de virus aviaires antérieurement caractérisés en 2012 chez des pinsons de sous-type H9N2.
Ce nouveau virus est faiblement pathogène pour les volailles.
Actuellement, il n'existe pas de données suggérant que ce réassortiment soit survenu chez un mammifère. Depuis le 4 avril 2013, des virus A(H7N9) proches du nouveau virus réassortant responsable des infections humaines ont été identifiés chez des pigeons et des poulets, indiquant que ce virus peut circuler chez la volaille. Les systèmes de surveillance chez les porcs et plusieurs espèces aviaires ont été renforcés en Chine.
Par ailleurs, le virus H7N9 est résistant à certains anti-viraux (l'amantadine et ses dérivés). Selon les informations disponibles, il est sensible aux inhibiteurs de la neuraminidase (le Tamiflu est un médicament appartenant à cette catégorie).
Quels sont les signes cliniques de la grippe H7N9 ? A quoi est due sa gravité ?
Les manifestations cliniques sont dominées par une fièvre très élevée et un tableau respiratoire sévère évoluant vers un tableau de syndrome de détresse respiratoire aigu. Cette gravité s'explique par le fait que le virus se fixe plus spécifiquement sur les cellules respiratoires du poumon. Ce virus se différencie ainsi des autres virus H7 précédemment identifiés, responsables de conjonctivites et de manifestations respiratoires modérées.
Capacité de diffusion de ce nouveau virus
Selon le dernier bilan communiqué par l'OMS, à la date du 11 avril 2013, 38 cas confirmés ont été notifiés, tous en Chine, dont 10 décès, 19 cas sévères et 9 cas bénins. Plus de 760 contacts sont sous surveillance. Cependant, il est difficile de savoir si la notification de ces cas représente une partie ou la totalité des cas déclarés en Chine. La capacité de transmission interhumaine de ce réassortant est à déterminer. Pour cela il faut analyser le type de liaison aux cellules humaines respiratoires et l'existence de certaines mutations associées à la virulence et à la capacité de multiplication des virus de la grippe.
D'une manière générale, il faut insister sur le caractère imprévisible de la grippe, dont l'aptitude à déjouer les prévisions des meilleurs experts est remarquable !
Source : New England Journal of Medicine, 11 avril 2013.