Conduite à tenir au cours d'un cas de diphtérie : actualisation des recommandations

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Définition et données épidémiologiques

La diphtérie est une maladie transmissible d'origine bactérienne responsable d'une angine sévère pouvant se compliquer d'une atteinte respiratoire ou extra-respiratoire (cardiaque, neurologique). Trois espèces bactériennes (Corynebacterium du complexe diphtheriae) sont responsables de la diphtérie : C. diphtheriae, C. ulcerans et C. pseudotuberculosis. Ces bactéries peuvent être porteuses ou non d'un gène codant une toxine appelée toxine diphtérique (tox), faisant la gravité de cette infection. La survenue, ces dernières années, de plusieurs cas d'importation de diphtérie et le signalement de cas autochtones aux autorités de santé (18 cas dus à C. ulcerans signalés en France depuis le début des années 2000) a justifié la révision des recommandations par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP).

La dernière grande épidémie française due à C. diphtheriae remonte à la fin de la seconde guerre mondiale. La généralisation de la vaccination, effective à partir de 1945, a permis de voir chuter le nombre de cas et de décès :

  • de plus de 45 000 cas et plus de 3.000 décès enregistrés en 1945 ;
  • à 1.000 cas et 36 décès en 1960 ;
  • de 50 cas et trois décès en 1970 à moins de cinq cas annuels (aucun décès en France métropolitaine) depuis 1982.

Le dernier cas autochtone déclaré dû à C. diphtheriae date de 1989. Après plus de 10 ans sans aucun cas notifié, quatre cas d'infection à C. diphtheriae ont été rapportés entre 2002 et 2010. Tous sont des cas importés chez des sujets incomplètement ou non vaccinés.

Une étude de séroprévalence, menée en 1998 auprès de 2.500 sujets, représentatifs de la population française, montre que 30 % des patients âgés de 50 ans et plus ont un titre d'anticorps non détectable ou inférieur au seuil considéré comme protecteur (0,01 UI/ml).

Une autre étude menée en 2008 chez 331 sujets âgés de 18 à 60 ans ayant suivi les recommandations vaccinales françaises montre aussi une diminution avec l'âge de la proportion de personnes ayant des anticorps anti-toxine diphtérique. Ces données reflètent le manque de suivi des recommandations vaccinales, notamment des rappels chez les adultes.

Modes de transmission

La bactérie est habituellement localisée au niveau des voies aériennes supérieures et la transmission se fait par voie aérienne. Le réservoir de C. diphtheriae serait principalement humain. Les infections à C. ulcerans sont des zoonoses (les carnivores domestiques en étant la source) et l'homme semble être un hôte occasionnel, sans transmission interhumaine prouvée à ce jour.

Manifestations cliniques

La gravité de la diphtérie est liée, sur le plan local, à la production de fausses membranes plus ou moins extensives et, sur le plan général, à la diffusion de la toxine diphtérique, à tropisme myocardique et neurologique périphérique. Cependant, tous les isolats appartenant l'espèce C. diphtheriae ne sécrètent pas la toxine. La physiopathologie de la formation des fausses membranes et de leur extension est mal connue et n'est pas spécifique des souches hébergeant le gène tox.

Les complications toxiniques

La gravité des infections dues à des corynébactéries tox+ et productrices de toxine est liée à la diffusion de la toxine diphtérique dans l'organisme. Les principaux sites de prédilection pour la fixation de la toxine sont le myocarde et le système nerveux périphérique.

Sur le plan neurologique, la toxine est responsable de paralysies périphériques qui grèvent le pronostic tardivement, pouvant relever temporairement de l'assistance respiratoire en cas d'extension aux membres supérieurs, aux muscles respiratoires et aux nerfs crâniens.

Les paralysies vélopalatines, troubles de la phonation et de la déglutition ainsi que les paralysies de l'accommodation sont au contraire précoces et annonciatrices de myocardite.

La myocardite aiguë est la complication majeure, fréquente et précoce, survenant vers les 6-8è jours. Elle est dépistée par l'électrocardiogramme (ECG) qui montre une tachycardie, des troubles du rythme avec des extrasystoles ventriculaires ou des blocs auriculo-ventriculaires.

Prévention et politique vaccinale

La vaccination contre la diphtérie est une vaccination antitoxinique qui protège contre les manifestations toxiniques des bactéries porteuses du gène tox. La vaccination diphtérique est obligatoire pour les enfants et doit être réalisée avant l'âge de 18 mois. Elle comprend trois injections à un mois d'intervalle à partir de l'âge de 2 mois et un rappel entre les âges de 16 et 18 mois. Les rappels sont recommandés aux âges de 6 ans, 11-13 ans puis entre les âges de 16 et 18 ans. La recommandation d'un rappel de vaccination diphtérique tous les 10 ans, pour tous les adultes, a été introduite dans le calendrier vaccinal en 2005. Il est particulièrement important d'être à jour de ses rappels pour tout adulte voyageant dans une zone d'endémie. A partir de l'âge de 16 ans, les rappels doivent être faits avec une anatoxine à faible concentration (1/10è de la dose normale).

La tolérance du vaccin est bonne avec l'observation d' effets indésirables bénins et transitoires : douleur (60 % des cas) et rougeur au point d'injection (30 % des cas). Un malaise, une céphalée (20 %) ou une fièvre (5 %) peuvent également survenir. Les réactions neurologiques restent exceptionnelles.

Conclusion

La diphtérie doit être évoquée systématiquement devant une angine à fausses membranes ou une ulcération cutanée subaiguë pseudomembraneuse. Afin de limiter la diffusion de la bactérie à l'entourage du patient, les mesures de type barrière respiratoire doivent être mises en place sans délai, notamment le port d'un masque respiratoire par le patient. Cet isolement sera maintenu en cas de confirmation du diagnostic, jusqu'à ce que deux prélèvements à 24 heures d'intervalle au moins, réalisés au décours de l'antibiothérapie (au moins 24 h après son arrêt) soient négatifs. Par ailleurs, tous les objets en contact avec le patient seront désinfectés. L'antibiothérapie doit être débutée immédiatement après réalisation des prélèvements.

Source : Haut Conseil de la santé publique.

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