Covid 19, immunité, vaccination : qu'avons-nous appris ? Quelle attitude adopter ?

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L'épidémie de covid 19 a commencé en novembre 2019, avec les premiers cas observés en Chine. Elle a été officiellement déclarée "pandémie" (épidémie d'extension mondiale) par l'OMS le 11 mars 2020 (on remarquera au passage que, contrairement à ce que certains imaginent, l'OMS ne "décide" pas du début et de la fin d'une épidémie, elle ne fait que les constater). L'infection par le SARS-CoV-2 s'est donc révélée très contagieuse, et si elle est la plupart du temps inapparente (asymptomatique) ou bénigne, elle peut être redoutable, parfois mortelle. On compterait aujourd'hui dans le monde plus de 225 millions de personnes infectées et plus de 4,5 millions de morts. En France, on s'approche de 7 millions de cas d'infection confirmés et 116 251 décès sont imputables à la covid 19 (données de Santé publique France, 21 septembre 2021).

Les mécanismes qui conduisent aux formes graves ne sont pas tous identifiés, mais les observations ont montré qu'il existait des facteurs de risque exposant à une évolution défavorable : obésité, hypertension, diabète, pathologie broncho-pulmonaire préexistante, âge avancé. Dans leur grande majorité, les sujets les plus jeunes (enfants et adolescents) ne font que des formes bénignes ou asymptomatiques. Quoi qu'il en soit, si l'on tient compte des différentes formes et complications de la maladie, de ses conséquences à long terme, que l'on n'a sans doute pas toutes identifiées, et des évolutions du virus (apparition de variants plus transmissibles), nul ne peut se considérer a priori totalement hors de danger tant que le virus circule. Au risque d'être plus ou moins gravement malade, quel que soit son âge et son état, s'ajoute celui de porter et transmettre le virus, lui permettant éventuellement d'atteindre des sujets fragiles mais aussi de se modifier par mutation pour acquérir des propriétés nouvelles.

Bien que la survenue possible d'une telle pandémie ait été souvent évoquée et ait fait l'objet ici ou là de questionnements, de propositions, voire même de plans, tous les pays ont été pris au dépourvu face à la rapidité de progression et à l'impact de la covid 19, puis confrontés à des impératifs sanitaires, sociétaux et économiques contradictoires, alors que le manque de connaissances rendait toute décision difficile et critiquable. De légitime et constructive, la critique, qui s'exprime de nos jours à travers de nombreux canaux, est parfois devenue infondée, agressive, destructrice, alimentant la perte de confiance et l'attitude irrationnelle d'une partie de la population.

Le SARS-CoV-2 est un virus des voies respiratoires, qui se transmet essentiellement par voie aérienne et sans doute par contact avec des surfaces contaminées. La proximité avec une personne infectée excrétant du virus est un facteur déterminant. En l'absence de moyens de protection ou de traitement spécifiques contre un virus quasiment inconnu, hautement contagieux et responsable d'une maladie grave dans un nombre considérable de cas, les stratégies de lutte contre l'épidémie, qui ont eu en particulier pour objectif d'éviter la saturation des services hospitaliers, n'ont pu reposer initialement que sur les mesures visant à interrompre ou limiter la transmission. Ces mesures, souvent très contraignantes et couteuses (distanciation, fermetures et interdictions diverses, confinement, port du masque), brutales et de grande ampleur, ne s'étaient jamais imposées dans nos pays ; elles ont montré une efficacité certaine, mais au prix d'un impact considérable sur la vie et l'économie. Des moyens de protection plus ciblés, permettant à chacun de ne plus avoir à craindre les conséquences de l'infection et autorisant le retour à une vie et des interactions normales, ont été activement recherchés. Les vaccins, dont l'efficacité dans la prévention des maladies infectieuses n'est plus à démontrer, sont à ce jour le moyen qui répond le mieux à cet objectif.

En effet, si l'infection par le SARS-CoV-2 induit chez tous une immunité, qualifiée d'immunité "naturelle", celle-ci n'est pas toujours d'installation assez rapide ou assez efficace pour éviter une maladie grave. Le recours à la vaccination, censée mettre en place une immunité protectrice avant l'infection et sans en subir les conséquences, est donc tout à fait justifié. On attend du vaccin qu'il protège des formes graves de la maladie et, dans l'idéal, il devrait aussi être capable d'empêcher l'infection elle-même, c'est-à-dire la possibilité de porter le virus en dehors de toute manifestation clinique et de le transmettre le cas échéant à d'autres personnes. Destiné à de larges populations, en prévention d'une infection qui ne concerne pas tout le monde avec la même acuité, le vaccin doit être bien toléré et ne pas avoir d'effets indésirables trop fréquents ou sévères.

Il nous faut encore agir pour enrayer l'épidémie. Quelles sont les connaissances qui peuvent éclairer nos décisions ?

Les protocoles de prise en charge des malades ont progressé tout au long de l'épidémie, mais il n'y a toujours pas de traitement simple, sans danger et à l'efficacité garantie contre les formes de covid 19 qui nécessitent une hospitalisation. La prise en charge reste symptomatique, la réanimation est nécessaire pour les cas les plus graves qui décompensent de façon brutale, le pronostic reste hasardeux. Prévenir la maladie, et si possible l'infection, reste une priorité.

Les données sur la durée et l'efficacité de l'immunité naturelle acquise après infection par le SARS-CoV-2 sont en apparence contradictoires. S'il ne fait pas de doute que chez tout le monde, le système immunitaire est en mesure de répondre à l'infection, cette réponse varie avec l'intensité et la durée de l'infection et avec l'état du système immunitaire. Or, celui-ci peut être altéré par de nombreux facteurs, dont l'âge, les maladies ou les traitements immunosuppresseurs. Après infection, symptomatique ou non, chacun va donc garder une protection différente contre une réinfection. Elle peut-être de très bon niveau, supérieure à celle obtenue par la vaccination, y compris contre les variants du virus, comme le montre une observation israélienne (1). Mais les auteurs mettent en garde contre la tentation de rechercher l'infection, dont l'évolution est imprévisible, alors que la vaccination se montre également très efficace et beaucoup moins risquée. Dans une étude menée aux Etats-Unis, la vaccination par un vaccin à ARN induit plus d'anticorps, et avec une spécificité plus large, que l'infection par le SARS-CoV-2 (2). En fait, des observations indiquent que la production d'anticorps lors de l'infection est fonction de son intensité : elle est importante en cas d'infection sévère, faible ou même nulle en cas d'infection asymptomatique. D'autres études relèvent une baisse plus rapide des taux d'anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 après infection qu'après vaccination (3), mais dans tous les cas une mémoire immunitaire se développe. Elle est fortement activée par les vaccins à ARN, ce qui permet d'espérer une protection durable contre une réinfection, même par un variant (4).

On dispose en France de 4 vaccins anti-covid, devenus disponibles dans des délais exceptionnellement courts. Ces délais, sur lesquels des explications ont été fournies, font parfois considérer les vaccins comme "expérimentaux". C'est inexact : les expérimentations par lesquelles doit passer tout vaccin ou médicament, d'abord in vitro, puis chez l'animal, enfin chez l'Homme, ont bien été conduites. Certaines expériences utiles étaient faites avant le début de l'épidémie de covid 19, pour la mise au point de vaccins contre d'autres agents, et leurs données ont pu être mises à profit. Mais il est vrai qu'on ne sait peut-être pas encore tout des effets des produits alors qu'ils sont à présent largement utilisés, ce qui justifie la surveillance (pharmacovigilance) dont ils font et continueront de faire l'objet, comme tout médicament, à la recherche de signaux de sécurité et d'effets rares ou retardés. Cette période correspond à la phase 4 des essais cliniques ; elle peut être vue comme une mise à l'épreuve en conditions réelles, inévitable, mais elle n'est pas une expérimentation.

Les 4 vaccins sont conçus selon deux technologies différentes. Deux (Vaxzevria de AstraZeneca et COVID-19 Vaccine Janssen) utilisent un adénovirus modifié, non infectieux, et une partie de son génome ADN, pour introduire, dans les cellules du sujet vacciné, le gène codant la protéine de surface S du SARS-CoV-2. Ainsi "vectorisé", le gène se retrouve dans le noyau des cellules, il est transcrit en ARN qui dirige la synthèse de la protéine ; exprimée à la surface des cellules, elle sera reconnue comme antigène. Dans les deux autres vaccins (Comirnaty de Pfizer-BioNTech et Spikevax, Moderna), c'est directement l'ARN codant la protéine S qui est introduit dans les cellules grâce à des microvésicules lipidiques ; l'ARN reste dans le cytoplasme où il est traduit en protéine avant d'être rapidement détruit. C'est la première fois qu'on utilise l'ARN pour vacciner, mais c'est une molécule qu'on connait très bien et qui présente de nombreux avantages (voir nouvelle du 22 novembre 2020). Aux composants actifs du vaccin s'ajoutent des composés nécessaires pour sa fabrication ou pour sa stabilité et sa conservation. Ainsi, alors que nos 4 vaccins ne nécessitent pas d'adjuvant pour être efficaces, ils contiennent des molécules, en principe assez neutres, mais qui peuvent être à l'origine d'effets indésirables. C'est le cas du polyéthylène glycol (PEG), non toxique aux doses présentes dans les vaccins à ARN, mais responsable de réactions allergiques qui peuvent être graves en cas de prédisposition.

A ce jour, des centaines de millions de doses de vaccins anti-covid ont été administrées dans le monde et les données sur leur efficacité et leur sécurité sont abondantes. L'efficacité des 4 vaccins recommandés en France est de très bon niveau, après une vaccination complète (1 dose pour le vaccin Janssen, 2 doses pour les trois autres) et lorsqu'on s'intéresse à la protection contre les formes graves de covid 19. Toutefois, celle des vaccins à ARN apparait toujours supérieure. Il semble également que ces vaccins confèrent une protection plus durable et plus efficace contre les variants du SARS-CoV-2, dont le variant Delta, devenu responsable de la plupart des formes graves de covid. Une étude récente attribue au vaccin de Moderna une efficacité un peu supérieure à celle des vaccins de Pfizer et de Janssen, tout en rappelant que l'efficacité des 3 vaccins est de très bon niveau, toujours lorsqu'il s'agit de protéger contre les formes graves de covid chez des personnes en bon état immunitaire (5). On remarque tout de même que l'efficacité vaccinale du vaccin de Janssen, utilisé en dose unique, est de 71 %, quand celles des vaccins à ARN dépasse 88 %.

Cette efficacité du vaccin de Janssen a été récemment mise en doute en France (voir nouvelle du 14 septembre). Le constat a conduit nos autorités à recommander l'administration d'une dose de vaccin à ARN à toute personne ayant reçu le vaccin de Janssen depuis plus de 4 semaines, bien que les effets de cette vaccination "croisée" ne soient pas encore évalués. Le fabricant (Johnson et Johnson) vient de contrattaquer en communiquant le 21 septembre les résultats d'un essai de phase 3 et d'une étude en vie réelle qui révéleraient une protection durable et de bon niveau (efficacité vaccinale supérieure à 80 %, y compris là où le variant Delta est présent) contre la covid grave après une dose unique de vaccin (6). Toutefois, cette protection est nettement renforcée par l'administration d'une seconde dose du même vaccin, qui pourrait donc à l'avenir être proposée systématiquement.

Quelle efficacité contre l'infection, le portage ?

Protéger des formes graves de covid 19 est essentiel à plus d'un titre, mais il est nécessaire de parvenir à limiter le portage et la transmission du virus pour mettre fin à l'épidémie. Cependant, les études sur la capacité des vaccins à prévenir toute infection et à empêcher la transmission secondaire du virus sont difficiles à mener, elles nécessitent une recherche systématique du virus chez des personnes souvent sans signes d'appel (infection asymptomatique), sur de longues périodes. On dispose pourtant de données de plus en plus nombreuses, indiquant une nette réduction de la charge virale et de la durée de la présence de virus chez les personnes infectées malgré leur vaccination par rapport aux valeurs observées chez les non vaccinés. Cette réduction vaut aussi pour le variant Delta, beaucoup plus abondant au niveau des fosses nasales des personnes infectées, vaccinées ou non, que le SARS-CoV-2 original ou que les autres variants identifiés, et qui se montre beaucoup plus contagieux. La charge virale (quantité de matériel viral, souvent mesurée par des méthodes comme la PCR qui ne différencient pas virus infectieux et particules non infectieuses) n'est qu'un des éléments contribuant à la transmission, mais elle en est un bon indicateur de risque.

Et la sécurité ?

C'est un aspect déterminant, le plus souvent mis en avant pour retarder ou refuser la vaccination. Pour beaucoup encore, cette sécurité ne serait pas garantie en raison de la nature nouvelle des vaccins (ceux à ARN) et de la rapidité de leur développement. Comme toujours s'agissant d'un vaccin ou médicament, elle doit être rigoureusement évaluée lors d'essais précliniques (chez l'animal), puis chez l'Homme. Elle fait enfin l'objet d'une surveillance post-commercialisation qui durera aussi longtemps que le produit sera utilisé.

On ne doit pas perdre de vue que les vaccins sont conçus pour provoquer une réaction inflammatoire et immunitaire, qui peut s'accompagner de manifestations plus ou moins intenses et bien supportées selon les personnes. Rarement, la réaction peut s'emballer ou prendre pour cible un constituant de la personne vaccinée, entrainant alors des complications. Chez les personnes ainsi prédisposées, l'infection pourrait entrainer des réactions du même type, mais souvent plus intenses et prolongées.

Les 4 vaccins disponibles en France ont subi toutes les évaluations requises pour recevoir leur autorisation de mise sur le marché, et la surveillance dont ils font maintenant l'objet porte sur des centaines de millions de personnes vaccinées. On dispose donc, au bout de quelques mois seulement, d'une abondance de données sans doute jamais obtenue pour d'autres produits. MesVaccins publie des mises à jour sur la sécurité des vaccins anti-covid établies à partir des données analysées par l'ANSM (voir actualité des 18 septembre et 25 septembre) et d'autres sources. Il ressort de ces données, recueillies en France et à l'étranger, que les effets indésirables sont pour l'essentiel les effets banals et sans gravité observés après toute vaccination. Des effets plus sévères peuvent être en relation avec des réactions allergiques, bien connues en vaccinologie, et que l'on sait généralement prévenir ou prendre en charge. Des événements particuliers font l'objet de signalements et d'une surveillance spécifique. C'est le cas de syndromes inflammatoires cardiaques (myocardite, péricardite) ou multisystémiques, généralement de bon pronostic, observés principalement chez des sujets jeunes après injection d'un vaccin à ARN, et de syndromes de Guillain-Barré avec les vaccins d'AstraZeneca et de Janssen. Bien que ces complications fassent légitimement l'objet de signalement et d'attention, la responsabilité des vaccins dans leur survenue reste souvent à établir. D'autres effets ont déjà conduit à ajuster les indications des produits. Ainsi, les vaccins d'AstraZeneca et de Janssen ne sont plus proposés en France qu'aux personnes de plus de 55 ans, en raison d'un lien probable avec la survenue d'accidents thromboemboliques chez des sujets plus jeunes.

Qu'en est-il des femmes enceintes ?

Globalement, le risque de covid 19 est faible chez les femmes enceintes, comme il l'est dans les tranches de population les plus jeunes. Mais la grossesse peut être associée à des formes plus graves de la maladie, faisant courir des risques à la mère et à son enfant (avortement, accouchement prématuré). La prévention est donc justifiée, à condition d'être efficace et sans danger. Comme c'est la règle, les femmes enceintes ont été exclues des premiers essais cliniques menés sur les vaccins anti-covid. Considérant qu'il s'agissait d'une population très exposée, des essais ont cependant débuté en février 2021 avec le vaccin de Pfizer, mais les données se sont surtout accumulées avec la mise en service des vaccins car plusieurs pays ont décidé que les femmes enceintes qui le voulaient devaient pouvoir se faire vacciner. Ainsi, fin mars, aux Etats-Unis, plusieurs dizaines de milliers de femmes avaient reçu un vaccin à ARN pendant leur grossesse. Les effets indésirables ont été de même nature et fréquence que dans la population générale. Une étude a montré que l'immunogénicité des vaccins (induction d'anticorps) était également comparable, que les anticorps produits étaient plus abondants après vaccination qu'après infection par le SARS-CoV-2, et qu'ils étaient transférables au fœtus et présents dans le lait (7). Ces données rassurantes ont conduit les autorités de santé françaises à proposer dès le mois d'avril la vaccination des femmes enceintes à partir du deuxième trimestre de grossesse, en particulier en cas de comorbidité (surpoids, diabète, hypertension) ou de risque d'exposition élevé. La proposition a été étendue le 21 juillet aux femmes dans leur premier trimestre de grossesse. En l'absence de données suffisantes sur les vaccins d'AstraZeneca et de Janssen, seuls les vaccins à ARN de Pfizer et Moderna doivent être proposés (8).

Faut-il vacciner les enfants et adolescents ?

Les sujets jeunes ont peu de risques de faire des infections graves (qui restent toutefois possibles en cas de facteurs de risque associés), mais ils peuvent être porteurs du SARS-CoV-2. Ils constituent ainsi un "réservoir de virus", d'où celui-ci pourrait être transmis à des sujets fragiles et dans lequel il pourrait éventuellement évoluer par mutation vers des variants plus dangereux. La vaccination de cette population a donc un objectif principalement altruiste, le bénéfice et les risques associés doivent être rigoureusement évalués. En France, l'utilisation des deux vaccins à ARN est déjà possible à partir de l'âge de 12 ans. Avant d'envisager celle d'enfants plus jeunes, les connaissances sur les conséquences effectives de la circulation du virus dans cette tranche d'âge, sur les effets indésirables des vaccins et sur la place à laisser éventuellement à l'immunité naturelle méritent encore d'être approfondies. Pfizer vient de communiquer des résultats très encourageants sur l'immunogénicité de son vaccin, à dose réduite, chez des enfants de 5 à 11 ans (9). Mais aucune donnée d'efficacité contre l'infection n'est encore disponible, et le nombre d'enfants étudié est trop réduit pour permettre des conclusions sur la fréquence des effets indésirables. L'essai se poursuit, incluant des enfants âgés de 6 mois à 2 ans et de 2 ans à 5 ans. Une autre étude diffusée le 8 septembre sur le site medRxiv a jeté le trouble en affirmant que chez les adolescents (12 à 17 ans), le risque d'un effet indésirable potentiellement grave après vaccination avec Comirnaty (une myocardite) était très supérieur à celui d'être hospitalisé pour covid (10). Toutefois, cette étude n'a pas été soumise à évaluation avant diffusion et elle est à présent l'objet de critiques, souvent virulentes, évoquant des biais importants qui n'auraient pas été pris en considération. D'autres données montrent au contraire que le risque de myocardite ou de péricardite après l'infection par le SARS-CoV-2 est beaucoup plus élevé qu'après la vaccination (nouvelle du 18 août 2021), sans compter que l'évolution des cas post-vaccinaux est rapidement favorable chez les adolescents et les jeunes adultes.

Des rappels (troisième dose et au-delà) sont-ils nécessaires ou même utiles ?

La recommandation d'injections de rappel soulève de nombreuses questions, que nous avons exposées le 5 août. La décision de proposer une troisième dose aux personnes considérées comme les plus à risque a cependant été prise (voir aussi l'actualité du 24 aout) et des réponses commencent à être apportées, concernant les effets de ce rappel. L'étude menée en Israël sur un échantillon de personnes de plus de 60 ans ayant reçu une troisième dose du vaccin à ARN de Pfizer montre une réduction significative de l'incidence des réinfections dans ce groupe, en comparaison avec des personnes de même âge n'ayant reçu que 2 doses (11). La réduction observée porte sur l'incidence des cas de covid graves mais aussi sur celle de toutes les infections confirmées, incluant celles dues au variant Delta, devenu majoritaire.

Une décroissance des taux d'anticorps, et parmi ceux-ci, des anticorps neutralisants, est observée chez tous les individus, que ce soit après infection ou après vaccination. Cette décroissance, parce qu'elle est facile à mettre en évidence, est souvent le seul indicateur retenu pour justifier des rappels de vaccination. Or, c'est un phénomène normal, qui se produit lorsque l'antigène est éliminé, mais qui ne signifie pas que l'organisme a perdu la capacité de se défendre. Si la présence d'anticorps neutralisants à un certain niveau peut indiquer un état de protection (on parle de "corrélat de protection", qui reste encore à établir définitivement dans le cas de la covid), leur diminution ou disparition n'est pas toujours synonyme de vulnérabilité.

Remis en contact avec l'antigène (le virus), un système immunitaire en bon état, dont les cellules B et T ont gardé la mémoire du premier contact (infection ou vaccin), va réagir dans des délais très courts, reproduire des anticorps et bloquer l'évolution de l'infection. Il en va différemment si le système immunitaire est "sénescent" ou "déficient". Entretenir un état de préparation par des vaccinations de rappel peut alors s'avérer nécessaire, si toutefois le système immunitaire a conservé a minima une capacité de réaction. En cas d'immunodéficience profonde, des rappels pourraient être sans effet, voire même néfastes. Il apparait donc que les personnes âgées peuvent tirer bénéfice d'une troisième dose, et d'autres personnes, comme certains immunodéprimés, pourraient également être concernées. Pour d'autres catégories (personnes de moins de 65 ans en bonne santé, enfants et adolescents, mais aussi immunodéprimés profonds), alors que les vaccins ne doivent pas être utilisés sans justification pour être disponibles partout dans le monde, de nouvelles données devraient être attendues. Récemment, une équipe toulousaine pense avoir identifié un seuil de concentration d'anticorps en deçà duquel la protection ne serait plus totalement assurée (3). Si ce seuil est confirmé, le taux d'anticorps anti-covid déterminé par une méthode standardisée pourrait s'imposer comme corrélat de protection et servirait à poser l'indication de vaccinations de rappel.

Il reste donc beaucoup d'inconnues et de marge de progression dans bien des domaines, mais il est raisonnablement bien établi que :

  • Les mesures barrières appliquées strictement sont efficaces et elles restent justifiées là où le virus continue de circuler alors que des personnes non protégées ou fragiles sont exposées à des formes graves. Mais ces mesures ne sont pas dépourvues de risques, pour l'économie, pour notre vie sociale et notre santé mentale, et chacun aspire à les voir levées rapidement.
  • Chez tous, une infection par le SARS-CoV-2 pourrait avoir des effets à long terme que l'on n'a pas fini d'identifier (covid long ou séquelles d'une infection en principe terminée), dont le traitement peut être difficile et qui pourraient alourdir encore le coût sanitaire et social de l'épidémie (12,13).
  • Bien qu'ils ne soient utilisés que depuis moins d'un an, on dispose de beaucoup de données sur les vaccins, leur efficacité et leur sécurité, en raison de leur utilisation très large et de la surveillance dont ils sont partout l'objet. Des inconnues persistent, en particulier sur la durée de la protection, confrontée à la baisse de l'immunité, plus rapide chez certaines personnes, mais aussi à l'évolution possible du virus en variants susceptibles d'échapper à une immunité antérieure. La nécessité et l'intérêt de rappels, ponctuels ou réguliers, pour des catégories de personnes très différentes, doivent encore être évalués, mais il apparait d'ores et déjà que les personnes âgées peuvent en tirer bénéfice. D'autres personnes, comme certains immunodéprimés, pourraient également être visées, mais concernant d'autres catégories (personnes de moins de 60 ans en bonne santé, enfants et adolescents), alors que les vaccins ne sont pas encore disponibles partout dans le monde, de nouvelles données devraient être attendues.
  • Les jeunes doivent pouvoir se rencontrer, retourner librement dans les collèges et universités, les clubs de sport. Ils doivent pouvoir le faire en toute sécurité, pour eux et pour les personnes qu'ils approchent. Les vaccins qui leur sont proposés apparaissent comme la meilleure solution, avec une balance bénéfice/risque favorable démontrée chez les plus de 12 ans.
  • Une vaccination de rappel par un vaccin à ARN est à présent proposée à des personnes qui, selon les données recueillies, peuvent en attendre un bénéfice significatif. Pour les personnes immunodéprimées, ce bénéfice n'est pas systématique, et le rappel doit être conditionné par un avis médical individualisé. Le renforcement de l'immunité procurée par une dose unique de vaccin Janssen par une dose de vaccin à ARN apparait également légitime. L'intérêt de l'administration d'une troisième dose en population générale reste par contre à démontrer. Les recommandations faites par les autorités sanitaires dans plusieurs pays, dont la France et les Etats Unis, sont conformes à cet état des connaissances (14).
  • Les femmes enceintes peuvent attendre un bénéfice, pour leur santé et celle de leur bébé, d'une vaccination par un vaccin à ARN.
  • La vaccination des plus jeunes sans facteurs de risque reste un sujet délicat. Il apparait cependant que les risques associés sont peu importants et pour l'essentiel maitrisables, et de nombreux enfants et adolescents ont déjà franchi le pas en France. Pour les modélisateurs de l'Institut Pasteur, qui ont essayé de prévoir l'évolution de l'épidémie en fonction des données les plus récentes sur la couverture vaccinale et les caractéristiques du variant Delta, un tiers des infections pourraient à présent se produire chez les jeunes non vaccinés, qui joueraient donc un rôle important dans le maintien de la circulation du virus pendant l'automne (15).

Il faut en finir avec les effets, individuels et collectifs, de la covid 19. La persistance de questionnements et l'absence de certitudes définitives sur bien des aspects de l'épidémie et sur les outils dont nous disposons pour y faire face ne peuvent pas être des motifs d'inaction et d'attentisme. Chacun à son niveau doit prendre des décisions ; elles peuvent comporter une part d'inconnu ou de risque, que seul le temps et l'avancée des connaissances permettront de réduire. Il semble raisonnablement bien établi que les vaccins qui nous sont proposés sont le moyen de protection individuel et collectif qui présente le plus d'avantages et qui permettra à terme de renoncer à des mesures barrières très contraignantes et "liberticides". Tout considéré, au regard des conséquences individuelles et collectives de la covid, le rapport bénéfice/risque se trouve très en faveur de la vaccination, dans le respect des schémas validés et des précautions qui ont été édictées.

Il est clair cependant que les vaccins actuels ne permettent pas de mettre fin à la circulation du virus, dont de nouveaux variants pourraient apparaitre. Les personnes mal protégées et à risque se trouvent donc toujours exposées, ce qui justifie à ce jour le maintien de mesures barrières constamment adaptées et d'une surveillance attentive.

Références

  1. S. Gazit, R. Shlezinger et coll. Comparing SARS-CoV-2 natural immunity to vaccine-induced immunity: reinfections versus breakthrough infections.
  2. R. Assis, A. Jain et coll. Distinct SARS-CoV-2 Antibody Responses Elicited by Natural Infection and mRNA Vaccination.
  3. C. Dimeglio, F. Herin et coll. Antibody titers and protection against a SARS-CoV-2 infection.
  4. A. Sokal, G. Barba-Spaeth et coll. mRNA vaccination of naive and COVID-19-recovered individuals elicits potent memory B cells that recognize SARS-CoV-2 variants.
  5. W.H. Self, M.W. Tenforde et coll. Comparative Effectiveness of Moderna, Pfizer-BioNTech, and Janssen (Johnson & Johnson) Vaccines in Preventing COVID-19 Hospitalizations Among Adults Without Immunocompromising Conditions — United States, March–August 2021.
  6. Johnson & Johnson Announces Real-World Evidence and Phase 3 Data Confirming Strong and Long-Lasting Protection of Single-Shot COVID-19 Vaccine in the U.S.
  7. K.J. Gray, E.A. Bordt et coll. Coronavirus disease 2019 vaccine response in pregnant and lactating women: a cohort study.
  8. Dossier ANSM "COVID-19 - Vaccins et femmes enceintes".
  9. Pfizer and BioNTech Announce Positive Topline Results From Pivotal Trial of COVID-19 Vaccine in Children 5 to 11 Years.
  10. SARS-CoV-2 mRNA Vaccination-Associated Myocarditis in Children Ages 12-17: A Stratified National Database Analysis.
  11. Y.M. Bar-On, Y. Goldberg et coll. Protection of BNT162b2 Vaccine Booster against Covid-19 in Israel.
  12. E. Wynberg, H.D.G. van Willigen et coll. Evolution of COVID-19 symptoms during the first 12 months after illness onset. Clin Infect Dis.
  13. B. van den Borst, J.B. Peters et coll. Comprehensive health assessment three months after recovery from acute COVID-19.
  14. FDA Authorizes Booster Dose of Pfizer-BioNTech COVID-19 Vaccine for Certain Populations.
  15. Modélisation Pasteur : Epidémiologie du SARS-CoV-2 dans une population vaccinée et implications pour le contrôle d’un rebond automnal.

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