En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé recommande la vaccination contre la dengue pour les voyageurs

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1. La recommandation

En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a émis le 4 avril 2023 un avis qui recommande la vaccination contre la dengue pour les voyageurs avec le vaccin Qdenga, qui a a été autorisé par la Commission européenne le 8 décembre 2022 (voir la nouvelle du 13 décembre 2022).

Dans cet avis le CSS recommande la vaccination contre la dengue avec le vaccin Qdenga pour :

  • les personnes résidant pour une période de plus de # 4 semaines

(cette durée est une limite arbitraire utilisée également pour d'autres vaccins dans la médecine des voyages),

  • les voyageurs de longue durée (> 4 semaines),
  • ou les voyageurs fréquents à partir de l'âge de 4 ans.

répondant à l' ensemble des 3 critères suivants :

  • avoir déjà eu la dengue (sur la base des antécédents ou d'une confirmation en laboratoire).

Remarque : il incombe au clinicien d'évaluer si le voyageur a déjà eu la dengue, principalement en fonction de ses antécédents et de son exposition potentielle (visite d'une région endémique). Une confirmation en laboratoire peut parfois être utile, mais un dépistage général par sérologie n'est PAS recommandé en raison de la difficulté d'interprétation due aux réactions croisées avec d'autres flavivirus ou vaccins. En cas de doute, veuillez contacter un spécialiste des maladies infectieuses).

Compte tenu des nombreuses incertitudes concernant les effets favorables et défavorables du vaccin, il est important de discuter des bénéfices attendus et des effets indésirables du vaccin avec les voyageurs.

Qdenga doit être administré en une dose de 0,5 mL dans le cadre d'un calendrier de primovaccination en deux doses (0 et 3 mois). La nécessité d'une dose de rappel n'a pas encore été établie, mais elle est étudiée.

Qdenga n'est actuellement pas recommandé pour les voyageurs de longue durée ou fréquents dans les régions endémiques :

  • qui n'ont pas eu d'infection antérieure par un virus de la dengue ;

OU

  • qui ont déjà eu la dengue et qui répondent à un (ou plusieurs) des 3 critères suivants ;
  • ne peuvent pas recevoir deux doses de primovaccination (jour 0 - mois 3) avant le départ ;
  • partir pour un court voyage ;
  • qui ont une contre-indication médicale aux vaccins vivants atténués (SHC 9158).

Cette recommandation sera révisée lorsque davantage de données à long terme seront disponibles, notamment en ce qui concerne les données de sécurité.

2. L'argumentaire : pour émettre cette recommandation, le CSS a pris en compte les éléments suivants

En Belgique, la dengue est fréquente chez les voyageurs belges, mais la dengue sévère, l'hospitalisation ou le décès dus à la dengue sont rares. Tous les cas de dengue sont des cas d'importation. Il n'y a pas eu de transmission locale jusqu'à présent. La plupart des cas de dengue surviennent chez des voyageurs de longue durée (> 4 semaines) revenant d'Asie du Sud-Est ou d'Amérique latine. En Asie, le DENV-3 est courant.

Sur la base du peu de preuves et de données actuellement disponibles sur Qdenga, plusieurs points doivent être soulignés :

  • Il y a moins de données disponibles sur les personnes non infectées auparavant (séronégatives au départ) que sur les personnes séropositives au départ. Par conséquent, certaines questions sur l'efficacité et la sécurité restent sans réponse pour les voyageurs, qui n'ont souvent jamais eu la dengue auparavant.
  • L'efficacité globale du vaccin est meilleure chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives et protège mieux contre les hospitalisations que contre l'infection en général.
  • L'efficacité du vaccin (EV) varie selon les sérotypes, offrant la meilleure protection contre le DENV-2, suivi par le DENV-1, l'immunité contre le DENV-1 diminuant plus rapidement.
  • Chez les personnes séropositives au départ, l'efficacité du vaccin est également bonne pour l'infection par le DENV-3 et l'hospitalisation.
  • Chez les personnes séronégatives au départ, il n'y a pas d'EV contre l'infection par le DENV-3 ou l'hospitalisation. Un plus grand nombre d'hospitalisations et une dengue plus sévère ont été observés, mais cela n'a pas été considéré comme statistiquement significatif en raison des très petits nombres. Cependant, ce signal devrait être surveillé à l'avenir.
  • Les données concernant le DENV-4 étant insuffisantes, aucune conclusion ne peut être tirée sur l'efficacité et l'innocuité.
  • Les données de sécurité pour Qdenga sont limitées à 57 mois après la première dose. Il n'y a pas de tendance évidente à l'augmentation du risque d'hospitalisation chez les personnes séronégatives au fil des ans. Mais le nombre total d'hospitalisations est faible, et la prudence est donc de mise car une maladie plus grave a été observée chez des enfants séronégatifs de base vaccinés avec un autre vaccin contre la dengue (Dengvaxia) après trois ans. On peut se demander si le suivi est suffisamment long pour conclure qu'il ne s'agit pas d'un risque.
  • Il n'existe pas de données sur l'efficacité et la sécurité lorsque la deuxième dose n'est pas administrée. -

Il n'y a pas de données chez les personnes âgées de plus de 60 ans.

Au final, étant donné que l'on sait qu'une infection naturelle ultérieure par un autre sérotype (dengue secondaire) peut provoquer une maladie renforcée par les anticorps, qui peut entraîner une dengue grave ou la mort, les voyageurs qui ont déjà été exposés et qui se rendent à nouveau dans une région endémique constituent le groupe cible pour lequel le bénéfice de la vaccination est le plus élevé.

3. Commentaires

Il s'agit probablement de la première recommandation nationale positionnant la vaccination contre la dengue comme moyen de prévention chez le voyageur. Il sera intéressant de voir combien de voyageurs bénéficieront de cette recommandation. En effet, les facteurs limitant la mise en œuvre de cette vaccination sont importants :

  • L'identification des patients ayant une antériorité de dengue est difficile, même en ciblant les voyageurs ayant une antériorité d'exposition potentielle au virus :
  • les signes clinique de la dengue sont peu spécifiques (signes communs à d'autres arboviroses),
  • la sérologie peut être une aide mais elle impose de disposer d'un test sérologique très spécifique pour écarter de la vaccination les voyageurs séronégatifs, mais aussi très sensible pour vacciner les patients ciblés par la recommandation.
  • La primovaccination avec Qdenga repose sur deux doses vaccinales à 3 mois d'intervalle, ce qui limitera la vaccination aux voyageurs ayant d'une part planifié leur voyage et d'autre part sollicité un avis médical largement en amont du départ.

Dans cette recommandation, la problématique de la co-administration du Qdenga avec le vaccin anti-amarile n'est pas évoqué. L'AMM du vaccin Qdenga précise qu'il peut être administré en même temps qu'un vaccin contre la fièvre jaune. Cependant, dans une étude clinique impliquant environ 300 sujets adultes ayant reçu le vaccin Qdenga en même temps que le vaccin contre la fièvre jaune, il n'y a pas eu d'effet sur le taux de séroprotection contre la fièvre jaune, par contre, les réponses des anticorps contre la dengue ont été diminuées, la signification clinique de ce résultat étant inconnue. Rappelons, que les recommandations françaises concernant les voyageurs préconisent d'éviter la co-administration des vaccins amaril et rougeole-oreillons rubéole (ROR), un autre vaccin vivant, et de respecter préférentiellement un délai minimum de 1 mois entre l'administration des deux vaccins.

Source : Conseil Supérieur de la Santé (Belgique).