Le vaccin contre la coqueluche est-il suffisamment efficace ?

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La coqueluche est une infection très contagieuse qui peut se montrer très sévère, particulièrement chez le nourrisson et le jeune enfant. Pour la prévenir, des vaccins contre la bactérie responsable, Bordetella pertussis, ont été mis au point et largement utilisés. Les premiers vaccins, dits à "germes entiers", étaient composés de bactéries entières tuées. Utilisés à partir des années 1940 (1959 en France), ils se sont montrés très efficaces (95 % de protection contre les formes cliniques après 3 injections) mais souvent responsables d'effets indésirables : la présence de tous les constituants bactériens permet d'établir une immunité protectrice solide, bien que non définitive, au prix d'effets indésirables parfois marqués, pouvant aller jusqu'à des convulsions.

La généralisation de la vaccination, en particulier avec l'association du vaccin coqueluche aux vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (vaccins d'abord trivalents DTCoq, puis tétravalents avec la composante polio et pentavalents avec la composante _Haemophilus influenzae_type b), a permis de réduire l'incidence de la coqueluche et de ses formes graves. Cependant, la multiplication des effets indésirables a conduit à la préparation de nouveaux vaccins, dits "acellulaires", où seuls quelques composants bactériens (2 à 5 protéines antigéniques) nécessaires pour l'immunisation mais bien tolérés sont retenus. Mis au point à partir des années 1970, ces vaccins sont beaucoup plus coûteux, mais leur meilleure tolérance les a fait progressivement choisir dans les pays les plus riches. En France, les vaccins acellulaires sont les seuls disponibles, sous forme de préparations tétra-, penta- ou hexavalentes (avec la composante hépatite B) destinées à l'enfant ou à l'adulte. D'après certaines études, ils occasionnent deux fois moins d'effets indésirables généraux (fièvre) que les vaccins à germes entiers.

L'efficacité de protection des vaccins anti-coqueluche acellulaires est toutefois moindre que celle des vaccins à germes entiers (elle a été estimée à 85 %) et, selon certaines études, elle aurait tendance à diminuer dans le temps plus vite que pour le vaccin entier (Tartof et coll., Boutet-Rixe). A présent, les données analysées dans plusieurs pays semblent indiquer que cette protection est insuffisante pour prévenir la maladie chez les enfants et pour en diminuer l'incidence globale. En France, la coqueluche reste la première cause de mortalité infectieuse avant l'âge de 3 mois, et son incidence augmente dans certaines régions. Le constat est comparable dans certains états d'Amérique et au Canada. De nouvelles études indiquent que des individus, enfants ou adultes, n'ayant reçu que du vaccin acellulaire, ont un risque d'infection cliniquement apparente à B. pertussis 3 à 8 fois supérieur à ceux qui ont reçu au moins une dose de vaccin à germes entiers (Klein et coll., Witt et coll.). De l'avis des spécialistes, ces études comportent toutefois des biais qui rendent toute conclusion difficile (Kiraly et coll.).

Précédemment, plusieurs publications ont indiqué que des souches bactériennes contre lesquelles le vaccin n'est pas efficace sont identifiées de plus en plus fréquemment dans des cas d'infections évoquant la coqueluche. Il s'agit de souches de B. pertussis mutées (Bouchez et coll., van Gent et coll., Octavia et coll.) ou de bactéries d'espèces voisines (B. parapertussis, B. bronchiseptica, B. holmesii). Certaines évolutions (isolement de souches de B. pertussis n'exprimant pas certains facteurs de virulence, toxine pertussique ou pertactine) pourraient résulter de la pression de sélection exercée par les vaccins acellulaires. La fréquence de ces observations pourrait être en partie biaisée et résulter de l'évolution des techniques de diagnostic et de l'intérêt relativement récent porté à ces recherches. Le rôle exact des bactéries comme B. holmesii dans les pathologies observées reste également à préciser (Njamkepo et coll.).

Une autre question se pose, qui n'a pas à notre connaissance reçu de réponse : peut-on espérer fonder une stratégie de "cocooning" efficace (vaccination des adolescents et adultes dans l'entourage des jeunes enfants, censée éviter la transmission de la bactérie) sur des vaccins qui protègent de la maladie (il n'y a donc pas de toux, responsable de la contamination inter-humaine) mais qui n'empêchent pas le portage inapparent du germe ? Comme nous l'indiquions précédemment, ces constats et interrogations ne remettent pas en cause l'intérêt de la vaccination, qui reste un outil de prévention irremplaçable. Il convient cependant d'en connaitre les limites afin d'adapter les recommandations et le calendrier pour une efficacité optimale. Mais pour la coqueluche, une évolution des vaccins disponibles parait à présent nécessaire.

Références

  • Tartof SY, Lewis M, Kenyon C, White K, Osborn A, Liko J, Zell E, Martin S, Messonnier NE, Clark TA, Skoff TH. Waning immunity to pertussis following 5 doses of DTaP. Pediatrics. 2013 Apr;131(4):e1047-52.
  • Boutet-Rixe C. [The acellular pertussis vaccine does not offer sufficient longterm protection]. Soins Pediatr Pueric. 2012 Nov-Dec;(269):7.
  • Klein NP, Bartlett J, Fireman B, Rowhani-Rahbar A, Baxter R. Comparative Effectiveness of Acellular Versus Whole-Cell Pertussis Vaccines in Teenagers. Pediatrics. 2013 May 20.
  • Witt MA, Arias L, Katz PH, Truong ET, Witt DJ. Reduced risk of pertussis among persons ever vaccinated with whole cell pertussis vaccine compared to recipients of acellular pertussis vaccines in a large US cohort. Clin Infect Dis. 2013 May;56(9):1248-54.
  • Kiraly N, Dharmage SC, Allen KJ. Reduced Risk of Pertussis Among Persons Ever Vaccinated With Whole-Cell Pertussis Vaccine Compared to Recipients of Acellular Pertussis Vaccines May Have Been Confounded by Age. Clin Infect Dis. 2013 May 30.
  • Bouchez V, Brun D, Cantinelli T, Dore G, Njamkepo E, Guiso N. First report and detailed characterization of B. pertussis isolates not expressing Pertussis Toxin or Pertactin. Vaccine. 2009 Oct 9;27(43):6034-41.
  • van Gent M, Bart MJ, van der Heide HG, Heuvelman KJ, Mooi FR. Small Mutations in Bordetella pertussis Are Associated with Selective Sweeps. PLoS One. 2012;7(9):e46407.
  • Octavia S, Sintchenko V, Gilbert GL, Lawrence A, Keil AD, Hogg G, Lan R. Newly emerging clones of Bordetella pertussis carrying prn2 and ptxP3 alleles implicated in Australian pertussis epidemic in 2008-2010. J Infect Dis. 2012 Apr 15;205(8):1220-4.
  • Njamkepo E, Bonacorsi S, Debruyne M, Gibaud SA, Guillot S, Guiso N. Significant finding of Bordetella holmesii DNA in nasopharyngeal samples from French patients with suspected pertussis. J Clin Microbiol. 2011 Dec;49(12):4347-8.
  • Ross PJ, Sutton CE, Higgins S, Allen AC, Walsh K, Misiak A, Lavelle EC, McLoughlin RM, Mills KH. Relative Contribution of Th1 and Th17 Cells in Adaptive Immunity to Bordetella pertussis: Towards the Rational Design of an Improved Acellular Pertussis Vaccine. PLoS Pathog. 2013 Apr;9(4):e1003264.
  • La protection conférée par le vaccin acellulaire contre la coqueluche ne dure pas aussi longtemps qu'espéré– MesVaccins.net, 30/12/2012.

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