Premiers résultats d’efficacité et de sécurité à long terme du vaccin contre la dengue TAK-003 (Qdenga®) de Takeda

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La dengue est un problème de santé majeur dans de nombreux pays, particulièrement en Asie et en Amérique Centrale et du Sud, et elle n’a cessé de s’étendre au cours des dernières décennies. En Afrique, où elle a été longtemps sous-diagnostiquée, elle est détectée dans plus de 30 pays et près de 200 000 cas ont été signalés en 2023.

On considère que la dengue menace aujourd’hui plus d’un tiers de la population mondiale, vivant ou voyageant dans plus de 100 pays où elle est devenue endémique (1). Les cas annuels se comptent désormais en millions. En Europe, il s’agit surtout de cas importés. En 2018, 2500 cas ont été rapportés à l’OMS, répartis principalement sur l’Allemagne, la France et le Royaume Uni. Avec l’extension de moustiques vecteurs de la maladie, tel Aedes albopictus, présent dans au moins 71 départements français, les cas autochtones se font cependant de plus en plus nombreux: 82 cas ont été signalés en Italie en 2023, 43 en France métropolitaine.

Des recherches pour un vaccin contre la dengue sont menées depuis un siècle, mais elles se sont heurtées à de nombreuses difficultés. Un premier vaccin (Dengvaxia®) a été commercialisé par Sanofi et il a commencé à être utilisé dans des campagnes à grande échelle en 2016. En raison de la survenue de cas de dengue grave chez des enfants vaccinés qui n’avaient jamais eu la dengue auparavant et d’une efficacité insuffisante du vaccin chez les enfants de moins de 9 ans ayant déjà présenté un épisode de dengue, son indication a été réduite aux personnes âgées de 9 à 45 ans ayant déjà été infectées par un virus de la dengue et vivant en zone d'endémie.

Un second vaccin (TAK-003 ou Qdenga®) a été mis au point par le laboratoire japonais Takeda (voir actualités du 21 juin 2021 et du 13 décembre 2022). Il s’agit d’un vaccin vivant, tétravalent et chimérique, qui, à la différence de Dengvaxia®, utilise comme « base » un virus dengue 2 atténué (Sanofi avait choisi comme base le virus de la fièvre jaune atténué 17D). Après examen des résultats de plusieurs essais, l’Europe a accordé une AMM à TAK-003 le 8 décembre 2022 pour une utilisation chez les personnes âgées de 4 ans et plus, indépendamment d'une exposition antérieure à l'infection. Une nouvelle étude, publiée dans le Lancet, vient préciser ces données (2). L’essai, randomisé, en double aveugle, a commencé en 2016. Il a porté sur des enfants et adolescents âgés de 4 à 16 ans recrutés dans 8 pays d’Asie et d’Amérique connaissant une forte activité de dengue. Dix-huit mois après la vaccination (2 doses à 3 mois d’intervalle), l’efficacité globale de protection était de 66,2% chez les sujets n’ayant jamais fait de dengue, de 76,1% chez les sujets déjà exposés. Elle était de 90,4% contre les formes nécessitant une hospitalisation. Toutefois, ces résultats variaient avec le génotype du virus infectant. L’analyse a été reprise 4 ans et demi après la vaccination. L’efficacité vaccinale a été mesurée à 61,2% contre toute infection dengue confirmée virologiquement, et à 84,1% contre les formes graves. Chez les personnes ayant déjà été infectées par un virus de la dengue, le vaccin s’est montré efficace contre les 4 génotypes: de 52,3% d’efficacité vaccinale contre DENV-3 à 80,4% contre DENV-2. Par contre, chez les participants séronégatifs à l’entrée dans l’essai, l’efficacité était de 45,4% contre DENV-1 et de 88,1% contre DENV-2, mais nulle contre DENV-3 et incertaine contre DENV-4, en raison d’un trop faible nombre de cas dans tous les groupes. La protection contre les formes graves de dengue allait de 66,8% (DENV-1) à 100% (DENV-4, mais avec là encore des cas trop peu nombreux) chez les sujets précédemment séropositifs pour au moins un virus. Chez les séronégatifs, elle était de 79,3% contre DENV-1 et de 100% contre DENV-2; elle n’a pas pu être mesurée contre DENV-3 et DENV-4.

Au plan de la sécurité, les taux d’évènements indésirables graves ont été identiques dans les groupes vaccin et placébo, indépendamment du statut sérologique au début de l’essai. Aucun de ces évènements, et aucun décès, n’a été considéré comme dû au vaccin ou aux procédures de l’étude.

La conclusion des auteurs de la publication est que le vaccin TAK-003 se montre sûr et efficace à long terme contre les infections par les 4 virus de la dengue chez les personnes précédemment infectées, et contre les génotypes 1et 2 chez les personnes qui ne l’ont pas été. Il n’a pas eu les effets indésirables observés avec Dengvaxia®, sans doute parce-que grâce à sa conception, il expose d’autres antigènes du virus dengue que les seules protéines prM et E, permettant une réponse immunitaire plus large. Les données concernant les virus 3 et 4 doivent être complétées et précisées, car il ne peut pas être exclu à ce stade que le vaccin présente un risque de facilitation d’une infection par ces virus chez les personnes séronégatives. Les études doivent donc se poursuivre, alors que le vaccin commence à être utilisé à grande échelle dans certains pays, dont le Brésil (actualité du 18 janvier 2024).

A ce jour, la FDA américaine n’a toujours pas délivré d’autorisation au vaccin de Takeda.

Références

1.Dengue – situation mondiale. Bulletin de l’OMS, 21 décembre 2023.
2.V. Tricou, D. Yu et coll. Long-term efficacy and safety of a tetravalent dengue vaccine (TAK-003) : 4·5-year results from a phase 3, randomised, double-blind, placebo-controlled trial.