Vaccination contre l’hépatite B : retour sur la polémique

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Il y a maintenant près d'une vingtaine d'années, surgissait dans les médias une violente polémique sur la vaccination contre l'hépatite B, accusée de déclencher des cas de sclérose en plaques. Cette polémique était d'autant plus surprenante qu'elle était limitée à la France. Au fur et à mesure des années, aucun élément scientifique n'étant venu confirmer cette suspicion, les craintes se sont amendées mais ont laissé jusqu'à aujourd'hui encore des séquelles, de nombreuses personnes s'interrogeant sur la sécurité du vaccin anti-hépatite B.

Cet article retrace les éléments du concours de circonstances qui a conduit à l'échec de la politique vaccinale contre l'hépatite B en France pendant de nombreuses années.

La chronologie des événements peut être résumée de la manière suivante. En 1993, l'Organisation mondiale de la santé recommande la vaccination universelle contre l'hépatite B. En décembre de la même année, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) et le Comité Technique des Vaccinations (CTV) recommandent cette vaccination en France pour les nourrissons, avec un rattrapage pour les adolescents âgés de 11 à 17 ans et pour les personnes à risques.

Une vaccination en milieu scolaire est annoncée fin juin 1994 pour la rentrée de septembre 1994, mais sans définition préalable d'une stratégie précise et argumentée. Une enquête réalisée en 1992-1994 montrait que 40 % des médecins n'étaient pas favorables à la vaccination des nourrissons, tandis que 97 % d'entre eux étaient favorables à la vaccination des adolescents. Mais les adolescents représentaient en 1994 une nouvelle population à vacciner dont les caractéristiques, mal connues, n'ont pas été suffisamment prises en compte. L'information sur la vaccination a été délivrée dans la précipitation aux médecins, au public et aux médias, avec une certaine dramatisation. Le nourrisson, normalement prioritaire, passait au second plan. Mal contrôlée, l'information a été prise en main par les laboratoires producteurs de vaccin qui, en rupture de stock au début de l'opération, avaient rapidement augmenté leur production.

Le résultat fût un dépassement de la cible et la vaccination de nombreux adultes, aboutissant à un tiers de la population française vaccinée, ce qui ne s'est produit dans aucun autre pays. Ainsi, la vaccination a concerné des tranches d'âge où la fréquence de la sclérose en plaques est plus élevée, tandis que l'inscription de cette maladie dans la liste des affections de longue durée durant la même période a pu donner l'impression d'une augmentation du nombre de cas de cette affection démyélinisante.

De plus, des incidents sont survenus lors de la campagne scolaire (par exemple, l'administration d'un vaccin mal dosé). La médecine scolaire et le corps enseignant se sont montrés réticents. Lorsque, fin 1995, des cas de sclérose en plaques sont notifiés chez des sujets vaccinés récemment contre l'hépatite B, un emballement se produit à nouveau mais dans l'autre sens. Des enquêtes sont demandées, des associations anti-vaccinales interviennent et, toujours dans une certaine précipitation et sans concertation avec les instances compétentes, la vaccination en milieu scolaire est arrêtée en octobre 1998. Dès lors, on comprend que toutes les modifications du calendrier vaccinal (passage de 4 à 3 doses pour le nourrisson, intervalle de 10 ans pour le rappel au lieu de 5 ans) furent considérées par certains comme des reculades, la reconnaissance de risques que l'on voulait cacher…

Initialement, les médias n'étaient pas hostiles à la vaccination contre l'hépatite B. Au début des années 1990, les données épidémiologiques concernant l'hépatite B qui auraient permis de justifier la vaccination contre cette maladie étaient insuffisantes. En 1995, en l'absence d'enquête nationale, la prévalence du portage avait été estimée à une valeur comprise entre 0,2 % et 0,5 %, soit environ 100.000 porteurs du virus. Les médias avaient souligné cette insuffisance : lorsqu'un doute est apparu, ils ont été moins enclins à défendre la vaccination contre l'hépatite B et certains d'entre eux sont devenus hostiles.

Il a fallu attendre longtemps après, en 2004, pour qu'une enquête nationale de prévalence du portage de l'Ag HBs soit réalisée, permettant d'estimer celle-ci à 0,65 % dans la population adulte métropolitaine, soit 281.000 adultes porteurs chroniques du virus. Ainsi, le poids réel de l'hépatite B en France métropolitaine était-il près de trois fois plus important que la valeur estimée, et contestée, lors du lancement de la campagne de vaccination !

Les enseignements à retenir de cette affaire pourraient être les suivants :

  • Dans une campagne de ce type, les autorités de santé doivent s'impliquer clairement ;
  • L'information concernant l'épidémiologie de la maladie à prévention vaccinale doit être mise à jour et diffusée, notamment dans la presse écrite ;
  • La politique vaccinale doit être justifiée de façon précise et argumentée ;
  • Une concertation doit être mise en place avec les partenaires et la stratégie retenue doit être expliquée aux médecins ;
  • Si une campagne d'information est décidée, la stratégie doit être établie en cohérence avec les autres plans de lutte ;
  • Une validation scientifique des messages médiatiques est nécessaire ;
  • Il est nécessaire de s'assurer que les messages de santé publique ne sont pas altérés ;
  • Les campagnes de communication parallèles par les laboratoires pharmaceutiques doivent être évitées ;
  • Les messages délivrés doivent être adaptés au contexte socioculturel et aux groupes de population visés ;
  • Les autres vaccinations réalisées au même âge et les couvertures vaccinales obtenues pour celles-ci doivent être prises en compte.

Par la suite, la couverture vaccinale contre l'hépatite B des nourrissons a fortement progressé depuis le remboursement du vaccin hexavalent Infanrixhexa (diphtérie-tétanos-poliomyélite-tétanos-Haemophilus influenzae type b-hépatite B), passant d'environ 25 % en 2004 à 88 % en 2012, sans donner lieu à une augmentation particulière ou inattendue des effets indésirables.

Le rapport d'évaluation du plan national de lutte contre les hépatites virales B et C, 2009-2012 souligne, parmi les actions essentielles pour lutter contre ces infections, la nécessité de renforcer le dépistage de l'hépatite B, mais aussi l'impact de la qualité de l'information et de la communication sur les moyens de se protéger et de traiter (2). Alors que la vaccination contre l'hépatite B est recommandée en France, en population générale et pour des personnes exposées à un risque particulier, le suivi vaccinal en termes de couverture vaccinale doit être amélioré. Il n'y a pas de données disponibles au niveau national, concernant la couverture vaccinale des populations ayant des pratiques sexuelles à risque ou des nourrissons nés de mère porteuse de l'Ag HBs.

En résumé, la vaccination contre l'hépatite B a été constamment contestée en France depuis 1995. Les critiques de la stratégie passée et actuelle mettent en cause les décisions de santé publique. Il y a des doutes de collusion avec l'industrie, et des reproches sur la dramatisation en 1995. D'où l'importance d'un dialogue entre experts et autorités de santé, médecins praticiens et de santé publique, familles et médecins ou pharmaciens, journalistes. Il est nécessaire de communiquer sur les bénéfices et les risques en évitant des débats médiatiques stériles, même si la notion de risque statistique d'un effet indésirable lié au vaccin est difficile à expliquer.

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