Inciter à la vaccination contre la grippe saisonnière : barrières et perspectives

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La stratégie de vaccination contre la grippe vise à réduire le risque de complications graves et de décès. Cette vaccination est ainsi recommandée depuis plusieurs années en Europe, en particulier en France, chez les personnes atteintes de maladies chroniques et les personnes âgées de 65 ans et plus. Alors que la loi de santé publique française a fixé en 2004 un objectif de couverture vaccinale de 75 %, que la Commission Européenne souhaite atteindre d'ici 2015, le Centre Européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control, ECDC) apporte son expertise sur les perspectives d'amélioration de la couverture vaccinale en Europe à partir d'une la revue de la littérature (1). Ces résultats ont été présentés lors des 26èmes Rencontres du Groupe d'Expertise et d'Information sur la Grippe (2).

Couverture vaccinale contre la grippe saisonnière en Europe, parmi les personnes à risque

Le fait marquant est la tendance depuis plusieurs années à la diminution de la couverture vaccinale de 2 à 5 % par anselon les pays,en Europe mais aussi en Amérique du Nord, dans les populations ciblées par la recommandation vaccinale contre la grippe saisonnière. Pour la saison grippale 2010-2011, la couverture vaccinale des personnes âgées de 65 ans et plus était inférieure à 75 %, en dehors de celle des Pays Bas. En Angleterre et en Irlande, elle était estimée respectivement à 70 % et 65 %. Elle atteignait 61 % en France, 59 %en Espagne et 55 % en Allemagne. Dans les autres pays européens, la couverture vaccinale était inférieure à 55 %. Pour les personnes âgées de moins de 65 ans et présentant une affection de longue durée, la couverture vaccinale était évaluée à 45 % en France.

Méthodologie de la revue de la littérature analysée par l'ECDC

A partir de 4.911 articles publiés entre 1946 et 2012 ayant les termes de couverture vaccinale grippale dans leur titre, l'ECDC a analysé 26 articles dont 3 méta-analyses publiées entre 2008 et 2012, les autres articles ayant été écartés compte tenue de la qualité médiocre de leur méthodologie ou de l'absence de disponibilité du texte complet en langue anglaise. Bien que les critères de jugement de ces études soient très hétérogènes, l'analyse réalisée par l'ECDC a veillé à identifier les facteurs incitant à la vaccination, l'intérêt de la communication avec le public, l'information des professionnels de santé sur la décision de se faire vacciner ainsi que l'intérêt de faciliter l'accès à la vaccination.

Données de la revue de la littérature

  1. Inciter à la vaccination

Répondre aux interrogations du public sur l'efficacité et la sécurité des vaccins est une des étapes indispensables pour lever les barrières à la vaccination contre la grippe saisonnière. La crainte que le vaccin grippal puisse transmettre la grippe est évoquée par 48 % des adultes asthmatiques et 39 % des parents d'enfants asthmatiques. Selon les études, 30 % à 40 % des personnes asthmatiques n'ont pas la perception d'être à risque de complications de la grippe. Les femmes enceintes, en dehors des questions sur la tolérance vaccinale pour leurs enfants et pour elles-mêmes, indiquent qu'elles ont manqué de conseils personnalisés par l'équipe médicale et paramédicale qui les suivaient. Or les données d'efficacité clinique manquent, par défaut d'études randomisées contre placebo conduites chez les personnes âgées et les femmes enceintes.

  1. Rôle des professionnels de santé

Leur rôle est essentiel par le lien direct qu'ils établissent avec la personne à vacciner. La recommandation de vaccination par le médecin traitant est un facteur incitatif pour 58 % des personnes souffrant d'affection longue durée. La seule utilisation pour les professionnels de santé d'alertes automatiques pour la mise à jour des vaccinations de leur patientèle augmente peu la couverture vaccinale (4 %). En revanche, l'information personnalisée des professionnels de santé, associée à la coordination de la campagne de vaccination par un médecin référent vis-à-vis de la patientèle des professionnels de santé, contribue à augmenter la couverture vaccinale de 8 % à 10 %, particulièrement parmi les personnes âgées de moins 65 ans atteintes d'une affection de longue durée et les femmes enceintes. L'efficacité de l'incitation à la vaccination par le médecin traitant dépend également du niveau socio-économique de la personne à vacciner.

Le conseil du pharmacien dans une relation directe avec la personne âgée a été montré comme un facteur incitatif à la vaccination (augmentation de 8 % de la couverture vaccinale) dans un seul essai randomisé conduit au Japon.

  1. Communiquer avec le grand public

Des messages ciblés par l'envoi de lettres d'information, de contacts téléphoniques auprès des personnes âgées ou de leur entourage ont un impact faible à modéré sur l'amélioration de la couverture vaccinale (pourcentage de chances d'augmentation de la couverture vaccinale de 1,5 à 3 par comparaison avec la couverture vaccinale chez les personnes n'ayant pas reçu d'information personnalisée. La mise en place d'un système électronique de rappel de vaccination et le fait de proposer de vacciner directement au sein de la structure de santé (chez le médecin généraliste ou dans le centre de santé) augmentent significativement la couverture vaccinale (de 10 à 21 % chez les enfants asthmatiques et les femmes enceintes).

  1. Faciliter l'accès à la vaccination

Proposer de vacciner directement au domicile de la personne âgée, lancer une campagne de vaccination focalisée sur un groupe de population à risque, mobiliser des équipes spécifiquement dédiées à la vaccination, sont des actions incitant à la levée des barrières à la vaccination. L'envoi de bons de prise en charge par l'assurance maladie du vaccin contre la grippe en France, ou la gratuité de la vaccination grippale aux Etats-Unis ont montré leur efficacité dans les années 1990 pour augmenter la couverture vaccinale chez les personnes atteintes d'affection de longue durée éligibles à la vaccination grippale et chez les personnes âgées de 65 ans et plus.

Conclusion

Les études passées en revue sont très différentes dans leur méthodologie. Elles concluent à des résultats peu significatifs en termes d'amélioration globale de la stratégie vaccinale mais montrent les avantages dune information et de recommandations personnalisées pour les personnes à risque et des professionnels en charge de ces patients. La mise en évidence du bénéfice de la vaccination contre la grippe en termes d'efficacité sur le terrain, c'est à dire la réduction du risque de complications (cas graves admis en réanimation, décès), doit être largement relayée : 70 % à 80 % des personnes admises en réanimation au cours des saisons grippales 2011-2012 et 2012-2013 en Europe étaient non vaccinées, alors que la vaccination leur était recommandée. La réalisation d'études d'efficacité vaccinale et la perspective d'utiliser à moyen terme de nouveaux vaccins en fonction de l'âge des personnes sont des axes d'amélioration des pratiques vaccinales.

Références

  1. Revue de la littérature sur les barrières de la vaccination contre la grippe en Europe

  2. Programme des 26 èmes Rencontres du Groupe d'Expertise et d'Information sur la Grippe