L'Organisation mondiale de la santé met à jour les recommandations vaccinales contre la poliomyélite

Publié le 17 avr. 2016 à 22h31

Biographie

- Qualité : Docteur en médecine, biologiste médical (DES biologie 1992).
- Activité principale : biologiste médical, médecin de centre international de vaccinations
- Spécialités médicales : microbiologie, virologie, vaccinologie.

Liens d'intérêt

- Membre de commissions et comités :
Commission des maladies infectieuses et des maladies émergentes (Haut Conseil de la santé publique, 2017-2022)
Comité technique de vaccinations (Haut Conseil de la santé publique, 2007-2017)
Groupe vaccins (ANSM, 2016-en cours)
- Liens avec l'industrie :
DPI consultable sur le site HCSP : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Personne?clef=2329 Rémunérations directes par l’industrie : non.
A titre familial : aucun lien.

Rappel sur la poliomyélite.

La poliomyélite est une infection virale transmissible provoquant des paralysies. Le virus responsable de cette maladie est le poliovirus, dont il existe trois types (poliovirus de types 1, 2 et 3). Les poliovirus sont des petits virus "nus", c'est-à-dire dépourvus d'enveloppe, ce qui leur confère une résistance et une capacité de survie prolongée dans l'environnement. La transmission se fait soit directement par contact avec les matières fécales ou les sécrétions pharyngées d'une personne infectée, soit indirectement par ingestion de produits contaminés par les selles (eau de boisson ou aliments, les crudités par exemple). 

Après ingestion, les poliovirus se multiplient au niveau du tractus gastro-intestinal, gagnent le système lymphatique et peuvent passer dans le sang ; chez un petit nombre d'individus, les virus peuvent gagner les tissus nerveux et provoquer des paralysies irréversibles. La durée d'incubation est de 7 à 10 jours (extrêmes de 4 à 35 jours).

Recommandations de l'Organisation mondiale de la santé.

L'Organisation mondiale de la santé publie régulièrement des notes de synthèse (position paper) sur les maladies et leur prévention. Le récent rapport édité en mars 2016 sur la poliomyélite actualise celui précédemment diffusé en 2014.

Les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé s'appuient sur la méthodologie de la gradation des niveaux de preuve scientifiques, présentée par ailleurs

Depuis 2012, l'éradication de la poliomyélite a été définie comme une urgence de santé publique. C'est ainsi que le plan stratégique d'éradication de la poliomyélite et la phase finale 2013-2018 ont été mis au point. Les objectifs de ce plan étaient l'éradication des poliovirus sauvages (types 1, 2 et 3) avant fin 2014, et également celle du poliovirus vaccinal. En effet, dans de rares cas, le poliovirus vaccinal (vaccin vivant atténué utilisé dans les pays à faible revenu) peut redevenir virulent et entrainer une poliomyélite paralytique.

Des progrès considérables ont été réalisés dans la diminution du risque de transmission du poliovirus sauvage et l'interruption de sa transmission.

En 1988, plus de 350 000 cas de poliomyélite paralytique dans plus de 125 pays étaient signalés. En 2014, le nombre de pays ayant notifié des cas de poliomyélite était au nombre de 9 ; en 2015, les seuls pays endémiques pour la maladie étaient l'Afghanistan et le Pakistan. Le nombre de cas a également chuté : 359 cas en 2014, 73 cas en 2015, tous dus au poliovirus sauvage de type 1. La réduction significative de l'incidence de la maladie est due aux campagnes massives de vaccinations contre les poliovirus.

Par ailleurs, l'éradication du poliovirus sauvage autochtone de type 2 ayant été certifiée en 2015 (dernier cas déclaré en 1999), il est temps d'envisager le retrait du vaccin poliovirus oral de type 2 (entrant dans la composition des vaccins oraux poliomyélitiques), compte tenu du risque faible mais réel de poliomyélite paralytique due à des virus vaccinaux.

Poliomyélite paralytique associée à la vaccination : un risque faible mais qui doit être éliminé.

La fréquence de cas de poliomyélite associés à une souche vaccinale neurovirulente reste rare, estimé à 2 à 4 cas par million d'enfants d'une cohorte de naissance et par an dans les pays utilisant le vaccin poliomyélitique oral. Le virus poliomyélitique de type 2 est responsable de 26 à 31 % des cas. Dans les pays utilisant uniquement des vaccins inactivés (cas de la France), ce risque est bien entendu nul.

Par ailleurs, ces souches vaccinales peuvent réacquérir des facteurs de virulence et de transmissibilité, à l'origine de cas isolés ou de flambées de poliomyélite paralytique. D'où l'importance de la surveillance dans l'environnement et dans les selles des poliovirus circulants dérivés de souches vaccinales. Au cours de la période 2011-2015, 90 % des poliovirus dérivés de souches vaccinales étaient associés à la composante de type 2 du vaccin poliomyélitique oral trivalent. En 2014, 56 cas de poliomyélite paralytique dus à un virus dérivé d'une souche vaccinale ont été notifiés par 5 pays. En 2015, 24 cas ont été notifiés par 7 pays (Nigéria, Madagascar, Laos, Guinée, Birmanie, Ukraine et Pakistan).

Utilisation séquentielle du vaccin poliomyélitique inactivé trivalent et du vaccin poliomyélitique bivalent (type 1,3).

L'administration séquentielle du vaccin poliomyélitique inactivé (VPI), suivie de celle du vaccin poliomyélitique oral (VPO) semble réduire ou prévenir le risque de poliomyélite paralytique associée à la vaccination. La recommandation de l'Organisation mondiale de la santé est de retirer à compter d'avril 2016 le vaccin poliomyélitique oral trivalent (contenant les types 1, 2 et 3) et de mettre à disposition le vaccin poliomyélitique oral bivalent (contenant les types 1 et 3).

Sur le plan pratique, les schémas vaccinaux recommandés par l'Organisation Mondiale de la santé sont les suivants.

  • Pour tous les pays utilisant le vaccin poliomyélitique oral dans leur programme national de vaccination, il s'agit d'introduire au moins une dose de vaccin poliomyélitique inactivé.
  • Pour les pays endémiques vis-à-vis de la poliomyélite et pour ceux à risque d'importation et de propagation du virus, déterminé principalement par le niveau de la couverture vaccinale et la situation socio-économique globale, l'Organisation Mondiale de la santé préconise une dose de vaccin poliomyélitique bivalent oral à la naissance, suivie de trois doses de vaccin poliomyélitique bivalent oral et d'au moins une dose de vaccin poliomyélitique trivalent inactivé.
  • Pour les pays où la couverture vaccinale est durablement forte, sans risque de transmission ou d'importation de poliovirus sauvage, le schéma vaccinal avec uniquement des doses de vaccins inactivés est recommandé.

Les schémas vaccinaux du vaccin poliomyélitique bivalent oral et du vaccin poliomyélitique trivalent inactivé sont présentés selon les calendriers séquentiels « vaccination avec le VPO plus le VPI », « vaccination avec VPI puis VPO », « vaccination tout VPI ». C'est ce dernier calendrier vaccinal qui est recommandé dans les pays où la couverture vaccinale est élevée et où le risque d'importation de poliomyélite vaccinale par un virus poliovirus sauvage est très faible. Ce dernier calendrier vaccinal est appliqué depuis de nombreux pays dans les pays à haut niveau d'hygiène comme la France.

Il est rappelé que ces vaccins, qu'il s'agisse de vaccins inactivés administrés par voie injectable ou de vaccins vivants atténués administrés par voie orale, peuvent être administrés en association avec d'autres vaccins.

Vaccination des voyageurs : vérification du statut vaccinal avant tout départ à l'étranger.

Le dernier point d'actualisation de cette note de synthèse concerne la vaccination des voyageurs vis-à-vis du risque de poliomyélite. En effet, pour les personnes résidant ou voyageant vers des pays où circulent de manière active des poliovirus sauvages (Afghanistan et Pakistan en 2015) ou des poliovirus dérivés de souches vaccinales (en 2015 : Nigéria, Madagascar, Laos, Guinée, Birmanie, Ukraine et Pakistan), la recommandation est d'administrer une dose de VPI ou de VPO bivalent dans les 4 semaines à 12 mois précédant la date prévue du retour du pays à risque. Le but est ici de renforcer l'immunité mucosale intestinale et de réduire le risque d'excrétion de poliovirus.

Certains pays exempts de poliomyélite peuvent exiger des voyageurs en provenance de pays infectés qu'ils soient vaccinés ou qu'ils reçoivent l'administration d'une dose supplémentaire de vaccin poliomyélique, dans le but d'éviter l'importation de poliovirus.

Le risque de poliomyélite suivant les pays et des recommandations vaccinales personnalisées sont disponibles sur MedecineDesVoyages.net.

Source : Organisation mondiale de la santé.