L'attention du monde est apparemment fixée sur le vaccin miracle qui va arriver et nous sortir de la situation angoissante et difficile où nous a plongé le SARS-COV-2, le virus responsable de la COVID-19, nous contraignant à rester cloîtrés chez nous, arrêtant l'activité économique et bousculant nos habitudes de vie tout en menaçant de tuer en quelques mois plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de milliers d'entre nous.
La France n'échappe pas à cette attente, situation paradoxale dans un pays où 40 % de la population déclarait il y a peu douter de la sûreté des vaccins [1] où, face à une flambée épidémique de rougeole on est réticent à utiliser un vaccin dont l'efficacité et la tolérance ne sont plus à démontrer et où 50 % des personnes invitées à se faire -gratuitement- vacciner contre la grippe omettent de le faire.
Pas de vaccin contre le coronavirus ?
Le coronavirus n'effectue pas sa première sortie. Outre ceux qui circulent habituellement chez nous, responsables essentiellement de rhumes, on a vu apparaitre le SARS-COV qui a circulé de 2002 à 2003 avant de s'éteindre spontanément. En 2010, ce fut le MERS-COV, moins contagieux mais qui continue à circuler au Moyen-Orient. Des recherches ont bien été menées dans l'objectif de mettre au point un vaccin contre le SARS-COV, l'arrêt de l'épidémie ayant probablement fait passer cet objectif dans un rang moindre de priorité. Pour le MERS-COV, il existe bien des candidats vaccins, mais pas de vaccin disponible à ce jour [2]. Dans la mesure où les virus SARS-COV et SARS-COV-2 sont génétiquement très proches et utilisent le même récepteur pour pénétrer dans les cellules [3], les voies de recherche utilisées pour la mise au point de vaccin contre le SARS-COV sont a priori applicables à la mise au point de vaccins contre le SARS-COV-2 [3].
Les voies de recherche pour la mise au point de vaccins
Un problème important est apparu lors des premières expériences de candidats vaccins : des animaux de laboratoire ayant reçu diverses formes de candidats vaccins ont présenté après challenge avec une souche de SARS-COV une exacerbation de la maladie avec une infiltration alvéolaire d'éosinophiles du fait d'une réaction immunologique Th2 médiée [4]. Ce phénomène est tout à fait comparable aux accidents observés avec le vaccin contre le VRS obtenu par inactivation du virus par la formaline [4]. En outre, un des vaccins testés s'est avéré générer ce type de complication ainsi qu'une faible efficacité plus particulièrement chez l'animal âgé [4].
Actuellement plusieurs candidats vaccins (liste non exhaustive) sont actuellement en développement et peuvent être classés sous trois rubriques [3] :
La vaccination est-elle une méthode réaliste de lutte contre une pandémie ?
La pandémie grippale de 2009 causée par le virus A(H1N1)pdm09 a été la première opportunité de tenter de lutter contre une pandémie par la vaccination. Cette expérience qualifiée en France de fiasco est riche d'expérience et mérite d'être rappelée. La plupart des pays industrialisés s'étaient préparés à cette situation du fait de la crainte de voir émerger une pandémie due au virus aviaire A(H5N1) qui générait une létalité de l'ordre de 60 %. Des vaccins « prépandémiques » A(H5N1) avaient ainsi été développés. Surtout, avait été établi le principe de vaccin maquette (mock up) : ces vaccins pré pandémiques ont été enregistrés de sorte que dès l'émergence du virus pandémique, la souche présente dans le vaccin mock up serait remplacée par la souche pandémique, ceci permettant de raccourcir les délais administratifs de délivrance de l'autorisation de mise sur le marché.
La pandémie a débuté en avril 2009 au Mexique et fut officiellement déclarée par l'OMS le 11 juin 2009. Bien que le virus en cause ne soit pas un virus A(H5N1) les instances européennes (EMA) ont maintenu la stratégie des vaccins mock up (qui contenaient un adjuvant permettant de réduire les doses d'antigènes nécessaire et par là produire rapidement plus de vaccins). Ces vaccins ont été produits dans des délais record, mais malgré tout, en France, la vaccination n'a pu démarrer que le 20 octobre 2009, aux bénéfices des professionnels de santé classés en première priorité. L'impact de la campagne de vaccination (outre le fait qu'elle n'a touché que 8 % de la population cible) a probablement été faible sur la cinétique de l'épidémie, les études de modélisation ayant d'ailleurs montré qu'une vaccination introduite plus de 30 jours après le début de la pandémie n'aurait pas d'impact sur sa dynamique [5].
Il est clair que les éléments favorables dont a bénéficié la vaccination contre la pandémie grippale A(H1N1)pdm09 ne seront pas présents dans la situation actuelle :
N'avons-nous rien à attendre d'une vaccination pandémique ?
La réponse est évidemment non. Personne ne sait quelle sera la durée de cette pandémie. Celle liée au SARS-COV a été plutôt brève. La pandémie de grippe espagnole a duré plus d'une année et a comporté trois vagues. Les mesures de confinement adoptées par la plupart des pays concernés sont censées écrêter le pic de l'épidémie (afin d'éviter que les systèmes de soin ne soient débordés) ce qui devrait avoir pour effet de prolonger la circulation du virus jusqu'à atteindre le seuil d'immunité de groupe qui l'arrêtera. L'arrivée d'un vaccin dans quelques mois (perspective optimiste) pourrait garder un intérêt de protection individuelle pour ceux qui n'auraient pas encore été infectés, voire juguler une seconde vague de l'épidémie.
En outre, années 2000 : SARS-COV, années 2010 : MERS-COV, 2019 : SARS-COV-2…A quand la prochaine ? Elle viendra et il convient de s'y préparer, la vaccination pouvant être un atout majeur pour lutter contre la prochaine pandémie. Certes, le prochain SARS-COV sera génétiquement et immunologiquement différent de l'actuel, mais peut être pas tant que cela si on en juge par la parenté entre SARS-COV et SARS-COV-2 (89% de nucléotides communs [3]). S'il paraît peu plausible, à ce stade d'imaginer un vaccin universel contre les coronavirus, il est par contre possible d'envisager la mise au point d'un vaccin susceptible de manifester une relative immunité croisée avec des souches immunologiquement proches, notamment grâce à l'adjonction d'un adjuvant. Lors de la préparation à une pandémie grippale A(H5N1), une étude de modélisation avait montré qu'une vaccination de masse avec un vaccin partiellement efficace avait un impact plus important sur la dynamique de la pandémie qu'une vaccination limitée avec un vaccin plus efficace [7]. L'idée était alors d'utiliser la stratégie dite « prime-boost » c'est-à-dire une pré immunisation large avec un vaccin pré pandémique partiellement protecteur. On remplacerait l'antigène de ce vaccin par celui de la souche pandémique dès que connue, ce vaccin pandémique étant administré à titre de rappel. Cette stratégie est probablement applicable au coronavirus. Toutefois, de nombreuses questions resteront posées : l'industrie s'engagera-t-elle dans ce type de stratégie risquée et peu rentable sans avoir la certitude que le vaccin fabriqué sera acheté ? Les états seront-ils prêts à acquérir et à stocker des millions de dose de vaccins qui ne seront peut-être jamais utilisés, voire périmés lorsque nécessaires ? Quand faudra-t-il déclencher la primo vaccination et bien sûr, quelle sera l'adhésion ?
En conclusion
Il est fort improbable qu'un vaccin joue un rôle significatif dans la résolution de l'actuelle pandémie de COVID-19. La mobilisation massive actuelle des chercheurs institutionnels, académiques ou industriels pour la mise au point d'un vaccin efficace contre le coronavirus est cependant non seulement licite mais indispensable. Dès lors que ce type de vaccin aura démontré son efficacité et sa bonne tolérance, il sera bien sûr utilisé si la pandémie perdure. Dans le cas contraire, et de toute façon, il faudra s'interroger sur la mise au point de stratégies vaccinales propres à enrayer une prochaine pandémie, qui ne manquera pas de survenir.
Cette pandémie aura peut-être eu un mérite : celui de faire prendre conscience que la gestion des maladies infectieuses transmissibles est difficile en l'absence de vaccin. C'est bien grâce aux vaccins que nous n'avons plus à gérer ce genre de situation pour la diphtérie, la poliomyélite, et bien sûr la variole, maladies oubliées.
Références
Maladie : Covid 19