Des maladies plus graves lorsque l'âge avance : la covid 19 n'est pas un cas unique

Publié le 29 oct. 2020 à 11h26

Biographie

MD, PhD, ancien directeur scientifique de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), Brétigny sur Orge, France.

Habilitation à diriger les recherches.

Enseignant à l’Ecole du Val-de-Grâce, à l’université d’Aix-Marseille, à l’Institut de formation en soins infirmiers Saint Joseph, Marseille.

Expert auprès de Santé publique France, de la Haute autorité de santé (HAS) et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC).

Membre du Comité de protection des personnes (CPP) Sud-Ouest et Outre-mer II.

Liens d'intérêt

Absence de lien avec l’industrie pharmaceutique.

Aucune participation à des études cliniques de médicaments ou vaccins.

Déclaration établie le 2 janvier 2012, mise à jour le 21 septembre 2021.

Dès le début de l'épidémie de covid 19, le risque d'infection symptomatique et sévère est apparu plus important chez les personnes âgées, avec ou sans comorbidité. Les personnes jeunes, particulièrement les enfants, ne déclarent qu'exceptionnellement la maladie et transmettent rarement le virus, qu'ils semblent éliminer rapidement. Cette observation n'est pas isolée dans le domaine des maladies infectieuses, elle a conduit deux spécialistes anglais à analyser l'étendue du phénomène et à essayer d'en identifier les raisons.

Les deux chercheurs se sont intéressés aux données publiées sur 32 maladies infectieuses, dont 19 virales (incluant la grippe espagnole, la variole, la poliomyélite, la dengue et Ebola) et 13 bactériennes (dont la coqueluche, la méningite à méningocoque et la scarlatine), concernant particulièrement la gravité de l'infection en fonction de l'âge des malades. Pour la plupart des maladies choisies, ils ont remarqué que les enfants d'âge scolaire (5 à 14 ans) présentaient les formes les plus atténuées. Dès l'âge de 20 ans, l'évolution des infections est globalement plus grave, et elle le devient de plus en plus, par paliers successifs différemment situés selon la maladie, au fur et à mesure que l'âge avance.

Parmi les maladies observées, trois font exception au schéma général. La mortalité de la diphtérie décroit depuis la petite enfance jusqu'à la trentaine, avant de remonter après 40 ans. Celle des infections à E. coli producteur de toxine décroit jusqu'à 50 ans pour ne progresser qu'au-delà de 60 ans. Enfin, la dengue entraine plus souvent des formes graves à l'âge de la scolarité.

De nombreux facteurs peuvent intervenir pour expliquer ces observations. Parmi eux, le niveau d'exposition, la souche infectante et bien entendu les antécédents et l'existence d'une maladie chronique peuvent différer selon la tranche d'âge. La principale explication viendrait cependant de l'évolution dans le temps de la capacité de l'organisme à se défendre, et donc de celle du système immunitaire, pour lequel un pic d'aptitude à contrôler les infections se situerait à l'adolescence. Au-delà commencerait déjà la sénescence, marquée par une baisse des défenses mais aussi parfois par une dysrégulation se traduisant par des réponses en excès. L'involution du thymus, après que suffisamment de cellules T naïves ont été produites, en est une marque. La puberté et l'imprégnation hormonale qui s'ensuit, différente dans les deux sexes, aurait également des conséquences sur le comportement ultérieur du système immunitaire, la testostérone inhibant la réponse immunitaire alors que les œstrogènes la renforcent.

Les implications sont bien sûr nombreuses, pour la compréhension des infections et leur prise en charge, autant préventive que curative, et pour une utilisation optimale des vaccins. En effet, des stratégies de vaccination qui auraient pour seul effet de retarder l'âge de l'infection pourraient, dans certains cas, favoriser l'apparition de formes graves. Alors que la bonne réponse des enfants les plus jeunes au vaccin anti-papillomavirus pourrait justifier un abaissement de l'âge de cette vaccination.

Reste que parler "d'immunosénescence" dès l'âge de 14 ans parait prématuré, le système immunitaire conservant pour plusieurs années encore des capacités de réaction et d'adaptation. Le terme d'immunomaturité est peut-être plus adapté pour quelques années encore ?

Référence