Covid 19 : les données sur l’immunité acquise après une infection ou une vaccination se précisent

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Une question se pose depuis le début de la pandémie de covid 19 : est-il possible de développer une immunité protectrice durable contre le SARS-CoV-2 qui permettrait sinon d’empêcher une nouvelle infection et sa transmission, au moins d’en atténuer les conséquences chez les individus, sans nécessiter des ré-immunisations systématiques et rapprochées ? Avant 2020, les connaissances sur l’immunité contre les coronavirus étaient incomplètes et parfois contradictoires. Elles résultaient des observations faites sur les coronavirus des rhumes banals, ou à l’occasion de l’épidémie de Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS, 2002 à 2004) et de celle de Syndrome respiratoire du Moyen-Orient MERS, qui a commencé en 2012 (voir actualités du 10 décembre 2020 et du 16 janvier 2021). Ces connaissances semblaient indiquer que l’immunité contre les coronavirus était généralement de courte durée, rendant possibles des réinfections annuelles par les virus du rhume, et qu’il serait difficile d’obtenir une protection efficace à l’aide de vaccins, dont les injections devraient être répétées à intervalle court et la formule régulièrement adaptée pour contrer les évolutions des virus. Des études montraient cependant la persistance d’anticorps et de lymphocytes mémoires des années après une infection par le SARS-CoV-1 (le virus du SRAS), ou l’existence d’une réactivité croisée de certains lymphocytes T, capables de reconnaitre des coronavirus différents après une première infection.

Les recherches sur l’immunité mise en jeu en cas de covid 19 ont été très actives. Elles ont confirmé l’existence d’une réactivité croisée de certaines composantes (des anticorps mais surtout des lymphocytes T), induites lors de l’infection par un coronavirus banal et capables de reconnaitre certains composants du SARS-CoV-2, sans pour autant établir le niveau de protection conférée par ces éléments (actualité du 11 octobre 2020). D’autre part, on manquait alors de recul pour évaluer le risque de réinfection, la durée et le niveau de la protection conférée par un premier épisode infectieux. Depuis, le recours très large à la vaccination, s’adressant à des populations très hétérogènes (variation d’âge, de niveau d’exposition, d’état immunitaire, de comorbidités), et l’apparition de variants viraux ont accru le nombre de variables à prendre en compte pour établir une représentation de l’implication, des effets de l’immunité et de leur durée dans la covid 19. Cette connaissance est cependant nécessaire car elle conditionne les décisions qui devront être prises, à l’échelle individuelle ou collective, si comme cela semble vouloir être le cas, le SARS-CoV-2 s’installe définitivement dans notre environnement.

Plus de trois ans après le début de la pandémie, les données accumulées sont à présent très nombreuses et leur méta-analyse (la synthèse rigoureuse des résultats de plusieurs études indépendantes) apporte quelques éclairages. Une étude menée par l’équipe de S.S. Lim (« COVID-19 Forecasting Team ») et publiée dans le Lancet le 16 février (1) s’est intéressée à la protection laissée par une première infection par le SARS-CoV-2 contre une réinfection par une souche ancestrale de virus (souches alpha, beta ou delta) ou par une souche d’apparition récente (variant omicron BA.1, BA.2, BA.4/5). La méta-analyse a porté sur 65 études menées dans 19 pays avec des méthodologies et des critères différents, elle a comporté une évaluation des biais possibles. Elle montre qu’une infection par l’un des virus ancestraux, symptomatique ou non, confère une bonne protection (78,6 %) contre une réinfection par l’un de ces virus jusqu’à plus de 40 semaines après l’épisode initial. La protection est de plus faible niveau et décroit rapidement contre le variant BA.1 : elle n’est plus que de 36,1 % à 40 semaines. Cependant, la protection contre les formes graves d’infection (ayant nécessité une hospitalisation ou entrainé la mort) est élevée quel que soit le virus responsable de la réinfection : 90,2% contre les virus alpha et delta, 88,9% contre omicron BA.1 à 40 semaines. Sur l’ensemble des études, l’efficacité moyenne de protection contre ces formes graves s’élève à 78%. Bien que les données soient souvent encore insuffisantes, l’étude identifie d’autres « tendances » : la protection contre une infection par un variant omicron est de niveau supérieur après une première infection par un virus de ce groupe (76,1 % de protection contre BA.4/5 après une infection par BA.1), la protection contre les virus ancestraux se maintient au-dessus de 55 % jusqu’à 80 semaines après la première infection. Par ailleurs, il ressort de l’analyse systématique effectuée que la protection conférée par une infection contre une réinfection par l’un quelconque des virus (alpha, delta ou omicron) est au moins du niveau de celle obtenue après vaccination par deux doses de vaccin à ARN.

L’étude de N. Bobrovitz et coll. publiée le 18 janvier (2) a présenté des résultats très comparables. Par l’examen de 11 études antérieures, elle a fait apparaitre que la protection laissée par une première infection par le SARS-CoV-2 contre une réinfection par le variant omicron s’établit à 24,7 % douze mois après l’infection initiale. Cette protection s’élève à 74,6 % contre les formes graves de covid 19 également après 12 mois. Mais les auteurs se sont également intéressés à l’effet d’une immunité dite hybride, résultant de la combinaison d’une infection et d’une vaccination, quel qu’en soit l’ordre. Ayant analysé les résultats de quinze études antérieures, ils ont pu déterminer qu’après une infection et une primovaccination complète, la protection contre une nouvelle infection par omicron est de 41,8 % à 12 mois, et qu’elle s’élève à 97,4 % contre les formes graves d’infection. Partant de ce constat, les auteurs suggèrent que les vaccinations de rappel (boosters) pourraient être retardées pour les individus bénéficiant d’une immunité hybride.

De nouvelles études seront toutefois nécessaires pour identifier les facteurs (humains, viraux, vaccinaux) qui concourent à améliorer la protection, permettant alors peut-être d’établir des recommandations vaccinales ciblées. A ce jour, au vu de l’évolution du virus et de l’épidémie, il n’est pas à exclure que les rappels vaccinaux ne seront peut-être pas nécessaires pour tous.

Références

  1. COVID-19 Forecasting Team. Past SARS-CoV-2 infection protection against re-infection: a systematic review and meta-analysis.
  2. N. Bobrovitz, H. Ware et coll. Protective effectiveness of previous SARS-CoV-2 infection and hybrid immunity against the omicron variant and severe disease: a systematic review and meta-regression.

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