Enfants sans logement en Ile-de-France : une couverture vaccinale disparate

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Depuis une dizaine d'années, le nombre de familles sans logement augmente en France. On connait mal la situation sanitaire de cette population, quelle qu'en soit la tranche d'âge. Dans le cadre d'une étude large destinée à préciser ces caractéristiques (ENFAMS-2013), le Samu social de Paris a cherché à évaluer la couverture vaccinale des enfants vivant dans ces conditions en Ile-de-France. Le résultat de l'étude est publié dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) du 17 novembre 2015.

L'étude a porté sur 703 enfants âgés de 24 mois à 13 ans inclus entre janvier et juillet 2013, pour lesquels des documents de vaccination pouvaient être présentés (607 carnets de santé, 96 carnets de vaccination). La couverture vaccinale (CV) a été définie comme le rapport entre le nombre d'enfants vaccinés par un vaccin donné et le nombre d'enfants inclus. Tous les vaccins recommandés chez l'enfant par le calendrier vaccinal français ont été pris en compte : BCG, DTP, coqueluche, Haemophilus influenzae de type b (Hib), hépatite B, pneumocoque, rougeole-oreillons-rubéole (ROR) et méningocoque C. L'analyse des données, recueillies au cours d'interrogatoires en face-à-face avec au moins un des parents, a été stratifiée sur un critère : le lieu de naissance, en France ou hors de France. Elle a concerné tout d'abord les enfants âgés de 24 mois, car pour cet âge des données sont produites chaque année en France à partir des certificats de santé. L'évolution de la proportion d'enfants à jour selon l'âge a ensuite été analysée, permettant de mesurer le rattrapage.

Le résultat principal de l'étude est que les CV estimées pour les enfants de 24 mois nés en France étaient très proches de celles observées en population générale (plus de 90 % pour la plupart des vaccinations), mais qu'elles étaient beaucoup plus basses (inférieures à 50 %) pour ceux qui étaient nés hors de France.

Dans le détail, plusieurs constatations de l'étude sont intéressantes. On remarque par exemple que, bien que l'analyse n'ait porté que sur les enfants nés après la fin de l'obligation de vaccination intervenue en juillet 2007, la vaccination par le BCG a été réalisée chez 97,5 % des enfants de familles sans logement nés en France et âgés de 24 mois. Cette proportion n'est que de 38,8 % chez les enfants nés hors de France. Par contre, seuls 33,9 % et 68,9 % des enfants nés en France sont correctement vaccinés contre le méningocoque C (1 dose) et les pneumocoques (3 doses), respectivement (9,6 % et 4,9 % pour les enfants nés hors de France). Les enfants sans logement nés en France sont souvent mieux vaccinés contre l'hépatite B (3 doses) que la population générale française (82,2 % contre 44,5 % dans la cohorte 2002-2003). Ce résultat pourrait être dû à la perception, par les médecins, d'un risque supérieur d'hépatite B dans cette population, ou à une forte prévalence d'hépatite B chronique chez les mères, ayant justifié une sérovaccination à la naissance.

La conclusion générale de ce travail, qui s'est révélé difficile à mettre en oeuvre et présente quelques biais possibles, est que "les enfants franciliens sans logement nés à l'étranger sont moins bien vaccinés, à âge égal, que les autres enfants. Une attention particulière devrait être portée à cette population spécifique". L'accroissement des flux migratoires dans la période extrêmement troublée que nous connaissons renforce l'acuité de ce constat.

Source : J-P. Guthmann, S. Mansor-Lefebvre et coll. Couvertures vaccinales chez les enfants sans logement d'Île-de-France : résultats de l'étude Enfams, 2013. BEH, 36-37, p 686-692, 2015.