Extension des compétences des sages-femmes : vaccination de l’entourage des bébés, vaccination des femmes séronégatives contre la varicelle

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Un nouvel avis a été publié le 17 décembre 2015 sur le site du Haut Conseil de la santé publique. Cet avis, daté du 23 octobre 2015, recommande d'étendre les compétences des sages-femmes en matière de vaccination.

A ce jour, trois arrêtés (22 mars 2005, 12 octobre 2011 et 4 février 2015) ont étendu successivement les compétences des sages-femmes à la pratique et à la prescription vaccinale pour prévenir le tétanos, la diphtérie, la poliomyélite, la coqueluche, la rougeole, les oreillons, la rubéole, l'hépatite B, la grippe, les infections à papillomavirus et les infections invasives à méningocoque C chez les femmes, ainsi que l'hépatite B (vaccin et immunoglobulines) et la tuberculose (BCG) chez les nouveau-nés.

Les personnes vivant dans l'entourage proche d'un nouveau-né peuvent transmettre à celui-ci des maladies infectieuses qui sont souvent beaucoup plus graves dans les premiers mois de vie. Plusieurs de ces maladies peuvent être prévenues par la vaccination, notamment les quatre maladies suivantes :

  1. La coqueluche est une maladie grave lorsqu'elle survient au cours des six premiers mois de vie. Les nouveau-nés et jeunes nourrissons sont majoritairement contaminés par un adulte vivant dans l'entourage proche (parents, fratrie, plus rarement les grands-parents). La vaccination du nourrisson intervient au plus tôt à l'âge de 8 semaines. Même si la première dose procure une protection de l'ordre de 50 %, l'enfant n'est vraiment protégé qu'après le rappel de 11 mois. Durant toute cette période, la protection de l'enfant repose sur la vaccination de l'entourage : c'est la stratégie du cocooning, mise en place en France depuis 2004 (d'autres pays, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, ont choisi de vacciner les femmes enceintes).
  2. Les infections invasives à méningocoque C peuvent affecter l'enfant dès les premières semaines de vie. Les petits nourrissons sont le plus souvent contaminés au sein du milieu familial. C'est chez les adolescents et les adultes jeunes que l'on observe le plus grand nombre de porteurs, 20 à 30 % d'adultes étant porteurs de méningocoques potentiellement pathogènes. La stratégie de protection des nourrissons âgés de moins d'un an repose en France sur l'immunité de groupe, laquelle nécessite une couverture vaccinale élevée chez les enfants à partir de l'âge d'un an, les adolescents et les adultes, jusqu'à l'âge de 24 ans révolus. Cette stratégie est actuellement mal appliquée, avec notamment une couverture vaccinale très insuffisante chez les adolescents et les adultes jeunes.
  3. La rougeole est plus grave (risque plus élevé de complications neurologiques) lorsqu'elle survient avant l'âge d'un an.
  4. La grippe est particulièrement grave chez les enfants âgés de moins d'un an avec un risque de décès accru chez les nourrissons âgés de moins de 6 mois présentant des facteurs de risque de complications (prématurés, porteurs de séquelles à type de broncho-dysplasie, atteints de cardiopathie congénitale, de déficit immunitaire congénital, de pathologie pulmonaire ou neurologique ou d'une affection de longue durée); or ces enfants ne peuvent pas être vaccinés avant l'âge de 6 mois.

Le rôle des sages-femmes dans la vaccination des personnes vivant dans l'entourage des nouveau-nés

Les sages-femmes interviennent auprès de leurs patientes, et éventuellement de leurs familles, dans de multiples circonstances : visites préconceptionnelles, entretien prénatal du quatrième mois, suivi de la grossesse, préparation à l'accouchement et l'accouchement lui-même, organisation du retour précoce à domicile, hospitalisation à domicile, consultation post-natale, soins de rééducation du périnée, suivi gynécologique des femmes tout au long de leur vie...

Les sages-femmes pourraient donc vacciner les personnes vivant régulièrement dans l'entourage du nouveau-né afin de le protéger.

Le Haut Conseil de la santé publique précise que l'entourage est défini comme les personnes vivant sous le même toit que le nouveau-né. Il propose que les sages-femmes participent à la vaccination de ces personnes contre la coqueluche (notamment les parents et la fratrie, à la suite de la visite préconceptionnelle ou de l'entretien prénatal du quatrième mois de grossesse ; tout vaccin coquelucheux combiné adapté peut être utilisé), le méningocoque C, la rougeole (en évitant une grossesse dans le mois suivant la vaccination) et la grippe. La vaccination serait effectuée conformément au calendrier vaccinal en vigueur.

Comme pour les vaccinations destinées aux mères et aux nouveau-nés, les compétences des sages-femmes pour la vaccination de l'entourage doivent concerner à la fois le contrôle du statut vaccinal, la prescription des vaccins et la réalisation de l'acte vaccinal.

Une nouvelle vaccination réalisable par les sages-femmes : la vaccination contre la varicelle

Les vaccins contre la varicelle n'appartiennent pas à la liste des vaccins que les sages-femmes peuvent administrer aux femmes.

Pourtant, la prévention de la varicelle gravidique représente un enjeu important. Si la gravité de cette maladie chez la femme enceinte est discutée, en revanche une varicelle survenant dans les 20 premières semaines de gestation peut entraîner une fœtopathie grave. En outre, la transmission de la varicelle de la mère au nouveau-né peut être responsable d'une varicelle néonatale comportant un risque vital. Les contages de varicelle des femmes enceintes génèrent en outre des situations d'angoisse et amènent à la pratique d'examens en urgence et éventuellement de thérapeutiques non dénuées de risques.

Le calendrier vaccinal en cours comporte pour la varicelle la recommandation de vacciner :

  • les adolescents âgés de 12 à 18 ans sans antécédent de varicelle (ou dont l'histoire est douteuse), avec ou sans sérologie préalable ;
  • les femmes en âge de procréer, notamment celles ayant un projet de grossesse, sans antécédent de varicelle ou dont l'histoire est douteuse, après ou sans contrôle sérologique ;
  • les femmes sans antécédent de varicelle ou dont l'histoire est douteuse dans les suites d'une première grossesse.

Le Haut Conseil de la santé publique recommande donc que la liste des vaccinations que les sages-femmes peuvent pratiquer à leur patientes (arrêté du 4 février 2013) soit complétée par l'adjonction de la vaccination contre la varicelle.

Les sages-femmes devraient s'enquérir du statut de leurs patientes vis-à-vis de la varicelle, en sachant que plus de 90 % de celles qui pensent ne pas avoir eu la maladie sont en réalité protégées. De ce fait, l'absence d'antécédent chez une personne à risque devrait conduire à un contrôle sérologique et une vaccination des femmes séronégatives. Il est rappelé que la vaccination est contre-indiquée pendant la grossesse. Toute grossesse doit être évitée dans le mois suivant la vaccination. Il convient de conseiller aux femmes ayant l'intention de débuter une grossesse de différer leur projet. Dans toutes ces indications, le schéma vaccinal comporte l'administration de 2 doses espacées de 4 à 8 semaines ou de 6 à 10 semaines selon le vaccin utilisé.

Sécurité, traçabilité et mise en oeuvre des vaccinations réalisées par les sages-femmes

Toute injection vaccinale doit pouvoir être tracée. Celle-ci doit être reportée (numéro de lot du vaccin compris) dans le dossier médical de la patiente ainsi que dans son carnet de vaccination que chacun devrait posséder (notamment celui édité par l'INPES, idéalement un carnet de vaccination électronique). Concernant la vaccination de l'entourage, un dossier médical mentionnant en particulier l'absence de contre-indication, devra être ouvert pour chacune des personnes vaccinées et partagé avec le médecin traitant.

Des propositions de mesures d'accompagnement susceptibles de faciliter la pratique complètent l'avis :

  • Allongement de la période durant laquelle la sage-femme peut intervenir dans la famille jusqu'à deux mois après l'accouchement. Cette mesure permettrait de faciliter la vaccination de l'entourage par les sages-femmes.
  • Nécessité d'une formation à la vaccination de qualité pour les sages-femmes, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue.

Source : Haut Conseil de la santé publique.