Epidémie de Covid-19 et enfants : ne pas retarder les vaccinations des nourrissons

Publié le 6 avr. 2020 à 15h02

Biographie

Pédiatre. CHU de Bordeaux.

Comme ses prédécesseurs SARS-CoV et MERS-CoV, le coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la maladie appelée "Covid-19", épargne généralement les nourrissons et les enfants. Cette particularité pourrait être liée d'une part à la faible affinité chez l'enfant de ce virus pour le récepteur cellulaire ACE2 (enzyme de conversion de l'angiotensine 2) présent à la surface des cellules de l'épithélium respiratoire et digestif. La moindre gravité de la Covid-19 pourrait aussi être liée au maintien prédominant de la fonction anti-inflammatoire de ce récepteur chez les enfants.

Dès les premières données épidémiologiques (Organisation mondiale de la santé, autorités sanitaires chinoises), le taux d'attaque faible de la Covid-19 chez les enfants et adolescents avait été mis en évidence, les personnes d'un âge inférieur à 19 ans ne représentant que 2, 5 % des cas confirmés. Même si les chiffres globaux annoncés sont remis en cause, la même distribution de cas de Covid-19 selon l'âge est retrouvée dans les pays européens les plus concernés (Espagne et Italie), où seulement 1,5 % sont des cas pédiatriques. En Corée du Sud, sur plus de 450 000 dépistages réalisés à ce jour chez des personnes présentant des symptômes pouvant évoquer une Covid-19 ou leurs contacts, seuls 10 000 cas ont été confirmés, parmi lesquels 3 % d'enfants ou d'adolescents.

Si on ignore encore le rôle réel des enfants dans la diffusion de la pandémie, la majorité de ceux contaminés appartiennent à des clusters familiaux où les adultes présentaient des symptômes avant eux.

Malgré la médiatisation de quelques cas de jeunes victimes dans divers pays, la mortalité est également minime : aucun décès dans la population des moins de 19 ans n'a été répertorié à la date du 1er avril en Corée, un seul en France, en Italie et en Espagne, ainsi qu'un décès de nourrisson aux Etats-Unis et chez un enfant de 5 ans au Royaume-Uni.

Si l'incidence de certaines infections communautaires chez l'enfant diminuera en raison de l'arrêt des activités d'accueil de la petite enfance mais aussi scolaires, culturelles et sportives, elles vont rester plus fréquentes que la Covid-19 et devront être diagnostiquées et prises en charge.

De ce fait, les nécessaires mesures individuelles et collectives pour réduire la transmission de ce virus (et notamment l'adaptation du fonctionnement des cabinets médicaux) et les conséquences de cette pandémie ne doivent pas entraver le suivi indispensable de la part la plus fragile de cette population.

Il faut donc :                  

  • apporter une attention particulière aux (jeunes) parents, afin de repérer les difficultés psychologiques et d'initier l'éducation à la santé et les conseils de prévention primaire, notamment lors des consultations néonatales à J8 et M1 (c'est-à-dire 8 jours et un mois après la naissance) ;
  • continuer à débuter et poursuivre le calendrier vaccinal de la première année à M2, M4, M5, M11 et M12 ;                                                            
  • poursuivre la prise en charge des maladies chroniques pouvant justifier de vaccinations spécifiques, systématiques ou en post-exposition.

L'avis de la Haute autorité de santé (HAS) du 1er avril 2020 vient rappeler cette nécessité :  

La HAS, en accord avec sa commission technique des vaccinations, considère primordial le maintien de l'ensemble des vaccinations obligatoires des nourrissons (à 2, 4, 5, 11, 12 et 16-18 mois) dans le contexte de l'épidémie de COVID-19 et des mesures de confinement décidées par le Président de la République dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. 

Elle rappelle que la vaccination s'inscrit dans le suivi normal des nourrissons et qu'un retard dans les vaccinations expose les nourrissons à des conséquences sanitaires graves. Elle estime en revanche que les autres vaccinations recommandées en population générale au-delà de l'âge de 2 ans peuvent être différées jusqu'à la levée des mesures de confinement, à l'exception des situations de cas de maladies contagieuses pour lesquelles une prévention par la vaccination autour des cas ou en post-exposition est indiquée (rougeole, méningite, coqueluche, varicelle, etc.).

Cette recommandation vient compléter le calendrier des vaccinations 2020 récemment publié et a été prise en compte par le système expert MesVaccins.

Source : Haute autorité de santé.