Comment vacciner les enfants nés prématurés ?

Publié le 3 juil. 2015 à 18h55

Biographie

- Médecin biologiste à la retraite.
- Auparavant : médecin biologiste dans un hôpital d'Instruction des armées pendant 6 ans, puis détaché pendant 20 ans par le Service de santé des armées comme virologiste d'abord puis comme directeur dans 3 instituts du Réseau international des Instituts Pasteur.

Liens d'intérêt

- Aucune rémunération actuelle ou dans le passé de l'industrie pharmaceutique.
- Aucun investissement financier dans une firme pharmaceutique.
- Aucune participation à des études cliniques de vaccins.

Le 29 juin 2015, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a publié de nouvelles recommandations vaccinales pour les enfants nés prématurés. Afin de déterminer si des recommandations spécifiques concernant la vaccination contre la coqueluche et Haemophilus influenzae b étaient nécessaires pour les nouveau-nés prématurés, le HCSP a pris en considération les données sur le développement immunitaire, l'immunogénicité post-vaccinale et l'épidémiologie de la coqueluche et des infections à Haemophilus influenzae type b chez les nourrissons nés prématurés.

1. Rappel sur la vaccination des nourrissons prématurés

La prématurité se définit par une durée de gestation inférieure à 37 semaines (comptées à partir du premier jour des dernières règles). En France, 5 % à 8 % des naissances surviennent prématurément, ce qui représente 35.000 à 60.000 nouveau-nés chaque année. Le prématuré a une sensibilité accrue aux infections bactériennes et virales, dont certaines peuvent être prévenues par la vaccination : coqueluche, infections invasives à Haemophilus influenzae de type b et à pneumocoque, grippe, rougeole, hépatite B. 

Le prématuré a une compétence immunitaire inférieure à celle du nouveau né à terme, mais il est capable de répondre aux vaccins dès l'âge de 8 semaines. Par ailleurs, la prématurité ne constitue pas une contre-indication à la vaccination.

La vaccination du prématuré contre la grippe saisonnière se heurte au fait qu'aucune étude d'immunogénicité n'est disponible chez le prématuré, ni chez l'enfant de moins de 6 mois. En revanche, elle est recommandée pour l'entourage familial direct d'un nourrisson de moins de 6 mois né prématurément, notamment en cas de séquelles à type de broncho-dysplasie, de cardiopathie congénitale, de déficit immunitaire congénital, de pathologie pulmonaire, neurologique ou neuromusculaire ou d'affection longue durée. La vaccination contre la grippe est recommandée chez le nourrisson de plus de 6 mois, dès lors qu'il appartient à un des groupes définis comme à risque de grippe grave. Le prématuré est particulièrement concerné par cette indication lorsqu'il souffre de séquelles respiratoires secondaires à sa prématurité (dysplasie bronchopulmonaire). 

2. Le risque infectieux est-il plus élevé chez les enfants prématurés ?

La prématurité expose à un risque infectieux majoré en termes d'incidence et de gravité, pour certaines maladies infectieuses du jeune nourrisson, et tout particulièrement pour la coqueluche. Plusieurs études montrent en effet que la prématurité favorise la survenue d'infections coquelucheuses, ou une forme plus grave de la maladie. Le petit poids de naissance (< 2.500 grammes) représente un facteur de risque de contracter la coqueluche.

Par contre, la prématurité n'a jamais été citée comme un facteur de risque d'infection invasive à Haemophilus influenzae b, ni comme un facteur d'aggravation du pronostic.

3. Le schéma vaccinal simplifié est-il suffisant pour protéger les nourrissons nés prématurés contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et Haemophilus influenzae type b ?

En 2013, pour les nourrissons, a été mis en place une simplification du calendrier vaccinal avec un schéma allégé et raccourci pour la vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, et les infections à Haemophilus influenzae type b.

L'ancien schéma vaccinal reposait sur une primovaccination en trois doses (à un mois, deux mois et trois mois) suivie d'un rappel à 16-18 mois. Le nouveau schéma fait appel à une primovaccination en deux doses (à 8 semaines et à quatre mois), suivie d'un rappel à l'âge de 11 mois. 

Certains pédiatres se sont alors interrogés sur la nécessité de renforcer la protection des enfants nés prématurés par l'ajout d'une dose vaccinale, comme cela est recommandé pour la prévention des infections à pneumocoque.

3.1. Développement immunitaire et immunogénicité post-vaccinale chez les nourrissons nés prématurés

La réponse à la vaccination du nourrisson dépend plus de l'âge post-natal que de l'âge gestationnel.

Malgré son immaturité à la naissance, le système immunitaire se constitue précocement pendant la vie fœtale. Chez l'enfant né prématuré, le taux de lymphocytes est inférieur à celui observé chez le nouveau-né à terme, mais il est rapidement corrigé dans les semaines suivant la naissance.

Pour les antigènes diphtériques et tétaniques, la prématurité n'a que peu d'impact sur la réponse vaccinale. Concernant la vaccination polio injectable, les taux de séroprotection obtenus sont identiques. Pour la coqueluche, la réponse vaccinale est réduite contre la toxine pertussique chez le nourrisson prématuré, mais similaire pour d'autres antigènes (hémagglutinine filamenteuse et pertactine). Plusieurs études ont montré une réponse réduite chez le nourrisson né prématuré (surtout chez le « grand prématuré », né à moins de 30 semaines de gestation), par comparaison avec le nourrisson né à terme, après primo-vaccination par le vaccin conjugué anti-Haemophilus influenzae b. La différence disparaît  après l'administration de la dose de rappel. 

La production d'anticorps après vaccination contre l'hépatite B est réduite chez le nourrisson né prématuré, et ce, de manière inversement proportionnelle à son terme de naissance. Toutefois, une autre étude a montré qu'un taux protecteur était obtenu en fin de primo-vaccination à 3 doses chez la quasi-totalité des nourrissons, quel que soit leur terme et leur poids de naissance.

3.2. Prématurité et risque d'échec vaccinal

Pour Haemophilus influenzae type b, les schémas vaccinaux simplifiés comportant 2 doses en primo-vaccination n'exposent pas à un risque supplémentaire d'échec vaccinal. 

Concernant la coqueluche, aucune donnée disponible ne suggère que l'administration d'une dose supplémentaire de vaccin améliorait la protection des nourrissons nés prématurés.

A ce jour, à l'exception de la Suisse, aucun calendrier vaccinal national ne recommande de schéma spécifique chez le nourrisson né prématuré.

4. Nouvelles recommandations vaccinales pour les enfants nés prématurés

Prenant en compte ces éléments, le Haut conseil de la santé publique :

  • Recommande de vacciner sans retard les nourrissons nés prématurés selon le calendrier vaccinal en vigueur, c'est-à-dire à l'âge de 8 semaines de vie. Il insiste sur l'importance de mettre en place une protection indirecte contre la coqueluche par la stratégie du cocooning, seul moyen de prévention précoce pour ces nourrissons nés prématurés.
  • Estime qu'il n'existe pas à ce jour de données épidémiologiques justifiant de recommander un schéma vaccinal renforcé pour l'immunisation des nourrissons nés prématurés contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et les infections à Haemophilus influenzae type b.
  • Rappelle que le schéma vaccinal vis-à-vis des infections invasives à pneumocoque n'est pas modifié.
  • Rappelle que, pour les nouveau-nés prématurés de mère porteuse de l'antigène HBs (c'est-à-dire présentant une hépatite B chronique), la recommandation d'un schéma renforcé de vaccination dès la naissance contre l'hépatite B est maintenue.

Le système expert et le carnet de vaccination électronique de MesVaccins.net ont été mis à jour avec cette nouvelle recommandation.

Voici un cas clinique d'audit vaccinal pour illustrer cette nouvelle recommandation.

Inès est un bébé prématuré. Elle est maintenant âgée d'un mois. Faut-il la vacciner de manière particulière par rapport aux autres enfants ? Faut-il qu'elle reçoive plus ou au contraire moins de doses ? Merci pour votre réponse. Angélique, la maman d'Inès.  

Source : Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP).