Vaccination des patients atteints de rhumatisme inflammatoire chronique : les recommandations de la Ligue européenne contre le rhumatisme

Publié le 17 oct. 2019 à 17h25

Biographie

- Médecin responsable du centre de vaccinations internationales et du centre antirabique de Strasbourg.
- Médecin spécialisé en vaccinologie, en médecine des voyages et en léprologie. Formateur en vaccinologie et médecine des voyages pour la SMV.
- Membre de la Société de Médecine des Voyages (2006) et secrétaire général de la SMV (2015).

Liens d'intérêt

- Participation à divers EPU organisés par des associations de Médecins, Pharmaciens et/ou l’industrie pharmaceutique ; rémunération à la prestation. Activité uniquement pédagogique, en toute liberté avec garanties d'indépendance, impartialité et déontologie.
- Aucun investissement financier personnel ou familial dans une firme pharmaceutique.
- Aucune participation à des études cliniques de vaccins.
- Déclaration mise à jour le 14 novembre 2016.

L'European League Against Rheumatism (EULAR, en français la ligue européenne contre les rhumatismes) a publié une actualisation de ses recommandations concernant le recours à la vaccination pour les patients adultes présentant une maladie rhumatismale inflammatoire chronique d'origine auto-immune (en anglais, autoimmune inflammatory rheumatic disease, AIIRD). 

En effet, la vaccination est importante dans cette population qui reste majoritairement sous-vaccinée, notamment par méconnaissance de l'attitude à adopter dans ce contexte clinique.

Les maladies rhumatismales inflammatoires auto-immunes concernées sont les suivantes :

  • Polyarthrite rhumatoïde, arthrite juvénile idiopathique
  • Lupus érythémateux disséminé, syndrome de Sjogren, syndrome des antiphospholipides
  • Sclérose systémique, maladie du tissu conjonctif mixte
  • Polymyosite, dermatomyosite, syndrome antisynthétase, dermatomyosite cliniquement amyopathique, myosite à corps d'inclusion, myosite à éosinophiles, fasciite à éosinophiles
  • Arthrite psoriasique, spondylarthropathie
  • Pseudopolyarthrite rhizomélique
  • Artérite à cellules géantes, artérite à Takayasu
  • Vascularite associée aux anticorps cytoplasmiques anti neutrophiles (ANCA) : granulomatose avec polyangéite, polyangéite microscopique, granulomatose à éosinophiles avec polyangéite (syndrome de Churg-Strauss)
  • Périartérite noueuse
  • Syndrome cryoglobulinémique
  • Maladie à anticorps anti-membrane basale glomérulaire -GBM- (maladie de Goodpasture)
  • Maladie de Behcet
  • Polychondrite récidivante
  • Syndrome de fièvre périodique
  • Fièvre méditerranéenne familiale 

Les traitements immunosuppresseurs utilisés

  • Glucocorticoïdes
  • Drogues synthétiques antirhumatismales modificatrices de la maladie (DMARD) : méthotrexate, léflunomide, sulfasalazine, hydroxychloroquine, azathioprine
  • Préparations d'acide mycophénolique
  • Inhibiteurs de la calcineurine : cyclosporine, tacrolimus
  • Agent alkylant : cyclophosphamide
  • DMARD biologiques : infliximab, étanercept, adalimumab, certolizumab, abolaceab de golimumab, tocilizumab, rituximab, sécukinumab, ixekizumab, belimumab, anakinra, canakinumab
  • DMARD de synthèse ciblés : tofacitinib, baricitinib

Les six principes généraux 

Trois nouveaux principes généraux ont été émis par rapport à 2011, les autres ayant été reformulés sur la base des connaissances et données disponibles : 

1.  Le statut vaccinal et les indications relatives à la poursuite de la vaccination doivent être évalués chaque année par l'équipe de rhumatologie (le professionnel de santé en charge de l'évaluation est précisé).

2.  Le programme de vaccination individualisé doit être expliqué au patient par l'équipe de rhumatologie, et doit faire l'objet d'une base de prise de décision partagée, et mis en œuvre conjointement par le médecin généraliste, l'équipe de rhumatologie et le patient (importance de la communication et du travail pluri professionnel).

3.  La vaccination devrait être administrée de préférence durant les périodes non actives de la maladie.

4.  Les vaccins doivent être administrés de préférence avant un traitement immunosuppresseur planifié : (nouvelle formulation inclut les traitements de fonds (DMARD= Disease-modifyingantirheumatic drug) (ARMM= anti-rhumatismaux modificateurs de la maladie) biologiques, et les traitements synthétiques conventionnels ou ciblés).

5.  Les vaccins non vivants peuvent être administrés durant un traitement par glucocorticoïdes ou par ARMM.

6.  Selon les recommandations de 2011, les vaccins vivants atténués doivent être évités chez les patients atteints de rhumatisme inflammatoire. Dans ces nouvelles recommandations, les experts estiment que certains vaccins vivants atténués pourraient cependant être utilisés avec précaution dans des contextes particuliers, notamment le vaccin trivalent rougeole-oreiilons-rubéole et le vaccin contre le zona. Ce principe général est cependant celui qui a le moins retenu l'assentiment global des experts.

Les neuf recommandations

1. La vaccination antigrippale doit être envisagée chez la majorité des patients (il n'existe pas de preuve épidémiologique formelle justifiant la nécessité de vacciner systématiquement les personnes souffrant d'une maladie rhumatologique inflammatoire auto-immune).

2. La vaccination anti pneumococcique doit être envisagée chez la majorité des patients (aucun des vaccins disponibles n'est privilégié).

3. Les patients doivent recevoir le vaccin antitétanique conformément aux recommandations destinées à la population générale. L'immunisation passive doit être envisagée chez les patients sous traitement favorisant la déplétion en lymphocytes B : (s'il n'existe pas de données suggérant une diminution de l'efficacité vaccinale chezles sujets présentant une déplétion lymphocytaire B, une telle extrapolation peut cependant être faite à partir des données relatives à d'autres vaccins dans ce contexte. Aussi, l'immunisation passive par administration d'immunoglobulines est préférable dans cette situation chez les personnes à risque d'avoir été exposées à la bactérie).

4. Les vaccins contre l'hépatite A (VHA) et l'hépatite B doivent être administrés aux sujets à risque (un rappel de vaccination ou une immunisation passive peuvent être indiqués pour les personnes exposées au virus de l'hépatite B (VHB) qui seraient respectivement non vaccinées ou qui présenteraient une réponse insuffisante au vaccin anti-VHB, ainsi que pour celles qui devraient voyager en dernière minute dans des régions endémiques vis-à-vis du VHA sans avoir été préalablement vaccinées).

5. La vaccination contre le zona peut être envisagée, avec le vaccin inactivé) chez les patients à haut risque (recommandation inchangée).

6. La vaccination contre la fièvre jaune doit généralement être évitée à moins qu'une modification du traitement immunosuppresseur puisse être transitoirement envisagée pour permettre la vaccination. Le vaccin devrait toutefois si possible être proposé avant la mise sous traitement (NDLR).

7. Les patients, particulièrement ceux présentant un lupus érythémateux disséminé, doivent être vaccinés contre les papilomavirus (HPV), conformément aux recommandations destinées à la population générale.

8. Les membres immunocompétents de la famille des patients devraient être encouragés à être vaccinés conformément aux directives nationales.

9. Les vaccins vivants atténués doivent être évités pendant les six premiers mois de la vie chez les nouveau-nés de mères recevant des traitements biologiques au cours de la seconde moitié de la grossesse (il s'agit d'éviter une maladie vaccinale durant les dernières semaines du développement fœtal, plus précisément au-delà de la 22ème semaine).

Ces recommandations sont en accord avec celles publiées en 2014 dans le rapport sur la vaccination des personnes immunodéprimées du Haut Conseil de la santé publique, dont une synthèse est intégrée dans le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2019. Elle a le mérite d'inclure une description précise des maladies concernées, ainsi qu'une mise à jour des médicaments immunosuppresseurs utilisés pour les traiter. 

Par ailleurs, la ligue européenne contre les rhumatismes recommande un programme de vaccination individualisé et expliqué au patient par l'équipe de rhumatologie, pour une prise de décision partagée et mise en œuvre conjointement par le médecin traitant, l'équipe de rhumatologie et le patient.

Le système intelligent du carnet de vaccination électronique de MesVaccins.net prend en compte l'existence d'un rhumatisme inflammatoire pour personnaliser les recommandations vaccinales et permet le partage des données utiles à la décision entre le patient et les acteurs de soins primaires et secondaires. Les nouvelles données issues de cet article seront intégrées dans la base de connaissance MesVaccins pour améliorer la qualité des informations apportées aux patients et l'aide à la décision vaccinale apportée aux professionnels de santé.

Source : Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR).