Nouvel avis sur la vaccination des personnes immunodéprimées

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Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a publié un nouvel avis concernant les recommandations vaccinales spécifiques aux personnes immunodéprimées ou aspléniques. L'asplénie est l'absence de rate, que celle-ci soit secondaire à une ablation chirurgicale (par exemple à la suite d'un traumatisme survenu lors d'un accident de la route), à certaines maladies ou d'origine congénitale.

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1. Pourquoi des recommandations vaccinales pour les personnes immunodéprimées ?

L'objectif est d'améliorer la protection vaccinale de ces personnes. En effet, la vaccination en cas d'immunodépression présente des particularités qui justifient des recommandations spécifiques que l'on peut classer en trois points.

  • Tout d'abord, les vaccins vivants peuvent être dangereux chez ces personnes. En effet, les vaccins vivants sont des bactéries ou des virus dont la virulence a été atténuée, sans risque pour les personnes en bonne santé, mais pouvant se multiplier de manière excessive en cas d'amoindrissement des défenses immunitaires. Il peut ainsi survenir une affection appelée “maladie vaccinale” après vaccination par un vaccin vivant. Le risque est variable selon le type de vaccin et selon l'importance de l'immunodépression. Les vaccins vivants sont donc le plus souvent contre-indiqués de principe chez les patients immunodéprimés. Cependant, certains vaccins vivants peuvent être envisagés dans certaines situations et au cas par cas, après avoir confronté le risque de la vaccination d'une part, et le risque de la maladie infectieuse que l'on cherche à prévenir d'autre part.
  • Le plus souvent, ce sont donc des vaccins non vivants, encore appelés vaccins inertes, qui sont utilisés chez les patients immnodéprimés. Ces vaccins sont classés en différentes catégories : vaccins entiers inactivés, par exemple les vaccins contre la poliomyélite ou l'hépatite A, ou vaccins sous-unitaires, par exemple les vaccins contre le tétanos, l'hépatite B ou la grippe saisonnière. Ces vaccins sont sans danger chez les patients immunodéprimés, mais leur efficacité n'est parfois pas suffisante pour conférer une protection. Ainsi, des schémas de vaccination renforcés peuvent être nécessaires, et l'efficacité de la vaccination peut être vérifiée par le dosage des anticorps sériques protecteurs quatre à six semaines après la vaccination. La vaccination de l'entourage des patients immunodéprimés, y compris du personnel soignant, est importante.
  • Enfin, le risque de survenue de certaines maladies est plus élevé en cas d'immunodépression, justifiant des recommandations vaccinales spécifiques. Par exemple, les personnes infectées par le VIH ont un risque plus élevé de présenter une infection grave à pneumocoque.

Il est possible de distinguer deux types de déficits immunitaires : les déficits immunitaires héréditaires primitifs ou congénitaux, observés dès la naissance, et les déficits immunitaires secondaires ou acquis : transplantation d'organe solide et greffe de moelle osseuse, infection à VIH, traitements immunosuppresseurs, anti-TNF, chimiothérapies anticancéreuses... Le déficit immunitaire, qui est le plus souvent difficile à quantifier, peut concerner l'immunité humorale (production d'anticorps par les lymphocytes B), l'immunité cellulaire (lymphocytes T) ou l'immunité innée, selon la situation clinique.

Le HCSP présente un tableau de synthèse des recommandations vaccinales en fonction des situations d'immunodépression ou chez les personnes aspléniques.

Ce tableau montre que les vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, Haemophilus influenzae de type b, le méningocoque C (avec un vaccin conjugué), l'hépatite B (si elle n'est pas recommandée spécifiquement, ce qui est le cas pour certains types d'immunodépression) et les papillomavirus pourront être réalisés s'ils sont recommandés par ailleurs.

Voici un résumé des principales contre-indications ou recommandations vaccinales spécifiques concernant les patients immunodéprimés et précisées dans ce nouvel avis.

2. Recommandations vaccinales pour les patients présentant un déficit immunitaire secondaire

2.1. Patients infectés par le VIH

Le vaccin BCG contre la tuberculose, vaccin bactérien vivant administré par voie intradermique, est toujours contre-indiqué. Les vaccins vivants contre la fièvre jaune, la grippe, la rougeole, la rubéole, les oreillons et la varicelle, sont en principe contre-indiqués. Ils peuvent néanmoins être envisagés en cas de risque élevé d'exposition à la maladie si les lymphocytes CD4 sont supérieurs à 15 % (enfants âgés de moins de 5 ans) ou si les CD4 sont supérieurs à 200/mm3 (enfants à partir de l'âge de 5 ans et adultes), et si l'infection à VIH n'est pas symptomatique. La vaccination amarile (contre la fièvre jaune) n'est pas contre-indiquée chez les patients antérieurement vaccinés contre cette maladie ; dans ce cas en effet, le vaccin vivant a peu de chances de se multiplier car il sera inactivé par les anticorps existants.

Les vaccins spécifiquement recommandés sont les vaccins inactivés ou sous-unitaires contre la grippe saisonnière, l'hépatite B et le pneumocoque.

La vaccination contre l'hépatite A est recommandée chez les patients qui sont coinfectés par le VIH et le VHC ou le VIH et le VHB, qui présentent une hépatopathie chronique ou encore chez les homosexuels masculins et les toxicomanes par voie intraveineuse. Seuls les patients non immuns, c'est-à-dire ayant une sérologie de l'hépatite A négative, sont concernés. Une sérologie positive témoigne en effet d'un antécédent d'hépatite A et d'une protection définitive contre la maladie, qui rend inutile la vaccination.

La vaccination contre l'hépatite B est recommandée pour tous les patients (enfants et adultes) n'ayant aucun marqueur sérologique de l'infection à virus de l'hépatite B. Le contrôle des anticorps anti-HBs, qui confèrent une protection contre l'infection, doit être réalisée au moins un à deux mois après la dernière injection puis chaque année. Lorsque la concentration en anticorps anti-HBs est inférieure à 10 UI/L (seuil de protection), une injection de rappel du vaccin anti-hépatite B est nécessaire.

Pour les patients sous traitement antirétroviral, il faut attendre le contrôle de la charge virale, qui sera au mieux indétectable, avant de vacciner. L'immunogénicité du vaccin, c'est-à-dire sa capacité à entrainer une réponse immunitaire protectrice, sera en effet meilleure dans cette situation.

2.2. Patients en attente de transplantation d'organe solide

Il s'agit de patients en attente d'une greffe de rein, de cœur, de foie ou de poumon. Pour ces patients, seul le vaccin BCG est contre-indiqué. Les autres vaccins vivants ne sont pas contre-indiqués, du moins en l'absence de traitement immunosuppresseur. Ils doivent être administrés dans un minimum de 2 à 4 semaines avant la greffe. Les vaccins contre la grippe saisonnière (vaccin inactivé), l'hépatite A (sujets non immuns présentant une hépatopathie chronique), l'hépatite B (en l'absence de marqueur d'infection, avec contrôle sérologique et revaccination éventuelle), le pneumocoque, la rougeole, la rubéole, les oreillons et la varicelle sont recommandés. D'une manière générale, les vaccinations de ces patients doivent être mises à jour le plus précocement possible au cours de la maladie rénale ou hépatique afin que leur immunogénicité (et donc leur efficacité) soit optimale.

2.3. Patients transplantés d'organe solide

Tous les vaccins vivants sont contre-indiqués. Les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière, l'hépatite A (pour les patients non immuns présentant une hépatopathie chronique), l'hépatite B (en l'absence de marqueur d'infection, avec contrôle sérologique et revaccination éventuelle) et le pneumocoque sont recommandés. Les vaccinations doivent être réalisées dans un délai minimum de six mois après la greffe.

2.4. Patients greffés de cellules souches hématopoiétiques (CSH)

Tous les vaccins vivants sont contre-indiqués pendant au moins les deux années qui suivent ce type de greffe. Le vaccin grippal inactivé est recommandé chaque année tout au long de la vie du patient. Les vaccins contre Haemophilus influenzae de type b et le pneumocoque (à partir de trois mois après la greffe) sont également recommandés. Ces recommandations sont identiques quel que soit le type de greffe de CSH.

2.5. Patients sous chimiothérapie pour tumeur solide ou hémopathie maligne

Tous les vaccins vivants sont contre-indiqués au moins six mois après la fin de la chimiothérapie. Les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière et le pneumocoque sont recommandés.

2.6. Patients atteints d'une maladie auto-immune et traités par corticothérapie, immunosuppresseurs ou biothérapie

Le vaccin BCG et le vaccin vivant contre la grippe sont contre-indiqués. Le vaccin rougeole-rubéole-oreillons (RRO) ainsi que les vaccins contre la fièvre jaune et la varicelle sont généralement contre-indiqués. Cependant, chez les patients traités par corticothérapie à une posologie ≤ à 10 mg/j d'équivalent-prednisone (ou ≤ 2 mg/kg/j chez l'enfant) et ne recevant pas de traitement immunosuppresseur ou de biothérapie, la vaccination par l'un de ces vaccins peut être réalisée. Pour des posologies supérieures à 10 mg/j d'équivalent-prednisone (> 2 mg/kg/j chez l'enfant), la vaccination RRO, fièvre jaune ou varicelleuse reste possible seulement si la corticothérapie est prescrite depuis moins de deux semaines (sauf pour les « bolus » de corticoïdes, qui contre-indiquent l'administration d'un vaccin vivant durant les trois mois qui suivent). La corticothérapie inhalée ou administrée localement n'est pas une contre-indication aux vaccins vivants atténués lorsqu'elle n'est pas associée à un autre traitement immunosuppresseur.

Les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière et le pneumocoque sont spécifiquement recommandés.

2.7. Patients aspléniques ou hypospléniques

Aucune vaccination n'est contre-indiquée chez ces patients, qui présentent un risque accru d'infection. Ce risque est particulièrement élevé pour les infections causées par des bactéries possédant une capsule, facteur de virulence permettant au microorganisme de résister à la phagocytose (et donc à la destruction) par certaines cellules humaines (macrophages). La prévention du risque infectieux chez le patient asplénique justifie des recommandations vaccinales contre la grippe saisonnière, Haemophilus influenzae de type b, le pneumocoque (surtout) et le méningocoque. Selon l'âge, le vaccin conjugué monovalent contre le méningocoque C ou le vaccin quadrivalent conjugué contre les méningocoques A, C, Y et W135 est recommandé.

2.8. Patients traités par l'éculizumab (Soliris®)

Ces patients n'ont pas de contre-indication vaccinale. En raison de son mode d'action (inhibition du complément), l'éculizumab augmente la vulnérabilité du patient aux infections à méningocoque. Selon l'âge, le vaccin conjugué monovalent contre le méningocoque C ou le vaccin quadrivalent conjugué contre les méningocoques A, C, Y et W135 est recommandé.

3. Déficits immunitaires primitifs

Il existe trois types de déficits immunitaires primitifs : les déficits de l'immunité innée, les déficits de l'immunité humorale et les déficits de l'immunité cellulaire ou mixte (lymphocytes T+/- lymphocytes B).

3.1. Déficit de l'immunité innée

3.1.1. Patients avec un déficit des cellules phagocytaires (granulomatose septique)

Le vaccin BCG est contre-indiqué. Le vaccin grippal est recommandé ; le vaccin pneumococcique est recommandé pour les patients ayant une atteinte pulmonaire chronique.

3.1.2. Patients atteints de neutropénies chroniques sévères

Le vaccin BCG est contre-indiqué. Les vaccins contre la grippe saisonnière, le pneumocoque et la varicelle sont recommandés.

3.1.3. Patients ayant un déficit en complément

Ce déficit n'entraine aucune contre-indication vaccinale. Les vaccins contre la grippe saisonnière, le pneumocoque et le méningocoque sont recommandés. Selon l'âge, le vaccin conjugué monovalent contre le méningocoque C ou le vaccin quadrivalent conjugué contre les méningocoques A, C, Y et W135 est recommandé.

3.2. Déficits de l'immunité humorale (déficit en lymphocytes B)

3.2.1. Patients ayant un déficit immunitaire commun variable (DICV), une maladie de Bruton (agammaglobulinémie liée à l'X) ou un déficit en sous-classes d'IgG

Le vaccin BCG, le vaccin contre la fièvre jaune et le vaccin vivant contre la grippe sont contre-indiqués. Les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière et le pneumocoque sont recommandés. Les vaccinations doivent être discutées au cas par cas avec l'équipe prenant en charge le patient. Les vaccins RRO et contre la varicelle sont à considérer au cas par cas. Le bénéfice de la vaccination des patients supplémentés en immunoglobulines n'est pas démontré.

3.2.2. Patients ayant un déficit en IgA

Aucune vaccination n'est contre-indiquée dans cette situation. Les vaccins contre la grippe et le pneumocoque sont recommandés.

3.3. Déficits de l'immunité cellulaire ou mixte (lymphocytes T ou B)

3.3.1. Patients avec un déficit immunitaire combiné sévère

Tous les vaccins vivants sont contre-indiqués. Les autres vaccins ne sont pas recommandés, car la vaccination est inefficace.

3.3.2. Patients avec un déficit immunitaire combiné partiel

Le déficit immunitaire combiné partiel est associé à des maladies rares, les syndromes de Job-Buckley, de Wiskott-Aldrich, de Di George (ou syndrome de microdélétion 22q11) et de Louis Bar (ou ataxie télangiectasie). Tous les vaccins vivants sont contre-indiqués. Les vaccins inactivés contre la grippe saisonnière et le pneumocoque sont recommandés. L'efficacité des vaccins inactivés est fonction du déficit humoral secondaire.

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Ces recommandations seront intégrées au calendrier vaccinal 2012, qui sera bientôt publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH, revue de l'Institut de veille sanitaire). Les schémas vaccinaux à utiliser en cas d'immunodépression seront détaillés dans un rapport qui sera publié prochainement.