Prise en charge des personnes vivant avec le VIH : quelles sont les recommandations vaccinales ?

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Le rapport 2013 sur la prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH a été publié sur le site du ministère de la santé le 26 septembre 2013. Il comporte plusieurs chapitres relatifs aux différents aspects et motivations de cette prise en charge ; nous ne rendons compte ici que des recommandations concernant les vaccinations. Elles prennent en compte la sensibilité accrue des personnes vivant avec le VIH à certaines infections (notamment les infections à pneumocoques et la grippe), un risque accru d'exposition aux hépatites A et B, mais aussi une sensibilité différente aux vaccins, qui peuvent se montrer soit moins efficaces (diminution d'immunogénicité en cas de diminution du taux de CD4 en dessous de 500/mm3, pouvant obliger à des rappels plus rapprochés), soit dangereux (certains vaccins vivants, en fonction du taux de CD4, et dans tous les cas le BCG, qui est contre-indiqué chez l'adulte comme chez l'enfant infecté par le VIH, quel que soit le statut immunitaire).

Le nouveau document reprend pour l'essentiel les recommandations récemment formulées par le Haut Conseil de la santé publique concernant la vaccination des personnes immunodéprimées, mises en ligne le 24 avril 2013 et intégrées au calendrier vaccinal, et déjà reprises sur notre site. Mais il apporte également de nombreuses précisions bien utiles pour la pratique professionnelle. Ces éléments sont déjà intégrés (ou le seront très prochainement pour certains) au système expert du carnet de vaccination électronique de MesVaccins.net.

1. Vaccinations utilisant des vaccins non vivants

1.1. Vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche

Les réponses aux anatoxines tétaniques et diphtériques étant inférieures à celles de la population générale, la primovaccination est effectuée selon un schéma renforcé par 3 injections d'un vaccin combiné à M2, M3, M4 et rappel à 11 mois. Les rappels doivent être effectués tous les 10 ans.

1.2. Vaccination contre l'hépatite B

Comme dans la population générale, cette vaccination est recommandée pour tous les enfants infectés par le VIH. La vaccination contre l'hépatite B est recommandée également chez toutes les personnes adultes infectées par le VIH sans marqueur sérologique d'infection par le virus de l'hépatite B (antigène HBs, anticorps anti-HBs et anti-HBc négatifs). La réponse au schéma vaccinal standard (trois doses intramusculaires) étant inférieure à celle de la population non infectée par le VIH, un schéma vaccinal renforcé (quatre doubles doses, soit 40 µg par dose) administrées à J0, M1, M2 et M6) est recommandé chez l'adulte, en particulier chez les patients ayant des facteurs de mauvaise réponse (sexe masculin, âge > 40 ans, fumeurs, charge virale VIH détectable).

À tout âge chez les personnes vivant avec le VIH, il est recommandé de contrôler le titre d'anticorps anti-HBs obtenu 1 à 2 mois après la dernière injection vaccinale. En cas de non-réponse à la vaccination selon le schéma antérieurement proposé (Ac anti-HBs < 10 mUI/ml), des injections supplémentaires (10 µg chez l'enfant, 20 µ chez l'adulte) doivent être administrées avec un intervalle de 1 à 2 mois entre chaque injection et avec un dosage des anticorps anti-HBs quatre à huit semaines après chaque injection, et ce, jusqu'à obtention d'un titre protecteur (au maximum trois injections supplémentaires).

L'utilisation d'un schéma à doubles doses chez les patients non répondeurs à un premier schéma vaccinal est en cours d'évaluation dans un essai randomisé (ANRS HB04) dont les résultats devraient être disponibles avant la fin de l'année 2013.

Chez les non-répondeurs à au moins 6 injections vaccinales et sous traitement ARV, il est proposé d'intégrer le ténofovir dans le traitement ARV du patient si ce médicament n'en fait pas déjà partie.

Chez les patients répondeurs à la vaccination, un contrôle sérologique annuel est recommandé afin de proposer une dose de rappel en cas de chute du titre d'anticorps anti-HBs en dessous du titre protecteur de 10 mUI/ml. Chez les patients non répondeurs à la vaccination, un contrôle annuel des marqueurs de l'hépatite B (Ag HBs, anticorps anti-HBs et anti-HBc) doit être réalisé afin de dépister une éventuelle infection.

Chez les personnes présentant des anticorps anti-HBc isolés, une dose de vaccin peut être proposée pour rechercher une réponse anamnestique (dosage des anticorps anti- HBs) ; en cas de non-réponse, et en l'absence d'ADN VHB détectable, la vaccination contre l'hépatite B doit être proposée à ces patients.

1.3. Vaccination contre l'hépatite A

La vaccination contre l'hépatite A est recommandée chez les patients non immunisés contre ce virus, en cas de co-infection par le virus de l'hépatite C ou celui de l'hépatite B, d'hépatopathie chronique et chez les patients à risque d'exposition (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, usagers de drogues intraveineuses et en cas de voyage en zone d'endémie).

Le vaccin contre l'hépatite A est bien toléré mais son immunogénicité est réduite chez les patients ayant un taux de CD4 < 500/mm3. Chez l'adulte, dans une étude réalisée en France, une séroconversion était obtenue chez seulement 39 % des patients après une dose de vaccin. Chez l'enfant, une étude thaïlandaise réalisée chez des enfants traités (selon l'âge, CD4 > 15 % ou > 200/mm3), le taux de séroconversion était de 68,6 % après une dose de vaccin. Ces données montrent la nécessité d'administrer au moins deux doses de vaccin et de contrôler la séroconversion après la deuxième injection afin d'administrer une troisième dose en cas de titre d'anticorps inférieur au seuil de protection.

1.4. Vaccination contre les papillomavirus

Les femmes infectées par le VIH ont un risque plus élevé d'infection par les papillomavirus humains (HPV) et de lésions ano-génitales associées. Le risque de cancer du col de l'utérus est plus élevé, malgré les traitements antirétroviraux.

Les lésions ano-génitales sont également fréquentes chez les hommes infectés par le VIH et l'incidence des cancers du canal anal dus aux HPV est en augmentation dans cette population. Deux vaccins préventifs existent contre l'infection par les HPV, un bivalent (actif contre les HPV 16 et 18) et un quadrivalent (actif contre les infections à HPV 16, 18, 6 et 11). Les deux vaccins nécessitent trois injections sur un intervalle de 6 mois.

Aucune donnée n'est actuellement disponible sur l'efficacité des deux vaccins chez les personnes vivant avec le VIH. Ils sont toutefois recommandés dans ce contexte aux USA. Les vaccins semblent bien tolérés, mais on ne sait rien de leur efficacité, qui devra être évaluée avant de pouvoir établir des recommandations.

1.5. Vaccination contre la grippe saisonnière par un vaccin inactivé

La grippe saisonnière n'est pas plus fréquente chez les personnes vivant avec le VIH. Cependant, elle peut entraîner des manifestations cliniques plus prolongées et, chez certains patients, augmenter le risque de complications et de mortalité. Des études épidémiologiques américaines conduites avant l'ère des multithérapies antirétrovirales avaient objectivé une majoration des hospitalisations et une surmortalité par pneumonie en période d'épidémie grippale chez les patients au stade de Sida. L'introduction des multithérapies a été associée à une réduction des hospitalisations qui restent cependant à un niveau comparable à celui d'autres groupes à haut risque.

L'immunogénicité de la vaccination antigrippale est plus faible que dans la population générale, en particulier chez les patients ayant des CD4 < 200/mm3 ou une charge virale élevée. Les études qui ont évalué l'efficacité clinique du vaccin grippal dans cette population sont peu nombreuses mais sont en faveur d'une efficacité clinique du vaccin, avec une réduction du risque relatif de l'ordre de 60 à 70 %. Un essai randomisé conduit en Afrique en 2008, montre une réduction du risque de 75 % dans une population d'adultes infectés par le VIH ayant plus de 100 CD4 et sans comorbidité associée. L'infection grippale, comme la vaccination antigrippale, peut être parfois responsable d'une élévation transitoire et modérée de la charge virale VIH, sans modification significative du nombre de lymphocytes CD4.

La vaccination grippale annuelle est recommandée chez toutes les personnes vivant avec le VIH. La vaccination sera réalisée exclusivement par le vaccin inactivé :

  • chez les enfants de moins de 2 ans ;
  • chez ceux de plus de 2 ans ayant respectivement un taux de CD4 inférieur à 20 % (enfants entre 24 et 35 mois), inférieur à 15 % (enfants entre 36 et 59 mois) ou inférieur à 200/mm3 (enfants âgés de plus de 5 ans) ;
  • chez l'adulte.

1.6. Vaccination contre les infections à méningocoque

Les infections invasives à méningocoque ne sont pas plus fréquentes chez les personnes vivant avec le VIH. Les données sur l'immunogénicité du vaccin méningococcique C monovalent chez les personnes ayant une infection par le VIH sont limitées. Une réponse anticorps protectrice suffisante n'est pas toujours obtenur cehz ces patients. Un essai d'immunogénicité mené chez des grands enfants et des jeunes adultes infectés par le VIH avec un vaccin quadrivalent conjugué A, C, Y, W135 montre des taux de réponse plus faibles que ceux observés chez des personnes non infectées.

En cas d'infection par le VIH, les recommandations sont les mêmes que dans la population générale, à savoir une injection d'un vaccin méningococcique C conjugué chez tous les nourrissons âgés de 12 à 24 mois avec un rattrapage de cette vaccination systématique jusqu'à l'âge de 24 ans révolus par un schéma à une dose.

Le vaccin quadrivalent conjugué A, C, Y, W135 sera utilisé à partir de l'âge de 1 an en cas d'asplénie fonctionnelle ou anatomique ou de déficit en complément ou en properdine.

Pour l'instant, il n'existe pas de recommandation vaccinale concernant le méningocoque B. Mais le vaccin dirigé contre ce sérogroupe (Bexsero) n'est pas encore disponible en France.

1.7. Vaccination contre les infections à pneumocoque

Chez les personnes vivant avec le VIH, l'incidence des infections pulmonaires ou invasives à pneumocoque est supérieure à celle de la population générale. Les principaux facteurs de risque sont l'usage de drogues intraveineuses, l'intoxication tabagique ou alcoolique, le stade Sida ou des CD4 < 500/mm3. Avec les traitements antirétroviraux, l'incidence des infections à pneumocoque a diminué mais reste supérieure à celle observée en l'absence d'infection VIH. La mortalité de ces infections reste élevée. Ces données sont en faveur d'une vaccination antipneumococcique systématique des personnes vivant avec le VIH.

Les recommandations sont celles de l'avis relatif aux recommandations de la vaccination pour les adultes et les enfants âgés de plus de 2 ans à risque d'infection invasive à pneumocoque, du 25 avril 2013.

2. Vaccinations utilisant des vaccins vivants

Concernant les vaccins vivants atténués (vaccins ROR, contre la fièvre jaune ou la varicelle), le rapport indique les seuils de CD4 contre-indiquant les vaccinations par vaccins vivants atténués (hors BCG qui est contre-indiqué quels que soient les CD4) :

  • < 25 % pour l'enfant âgé de moins de 12 mois ;
  • < 20 % pour l'enfant entre 12 et 35 mois ;
  • < 15 % pour l'enfant entre 36 et 59 mois ;
  • < 200/mm3 pour l'enfant âgé de plus de 5 ans et l'adulte.

2.1. Vaccination contre la rougeole, la rubéole et les oreillons

Depuis 2008, une recrudescence de la rougeole en France est constatée en particulier parmi les adultes âgés de plus de 20 ans et les enfants avant l'âge de 1 an. Dix patients sont décédés de rougeole en France entre 2008 et 2011, parmi lesquels 7 présentaient une immunodépression, dont une personne vivant avec le VIH.

La vaccination est contre-indiquée en cas d'immunodépression définie par un nombre de CD4 inférieurs aux seuils précisés ci-dessus. Les immunoglobulines polyvalentes pourront être proposées en cas d'exposition à un cas de rougeole. Si les CD4 sont supérieurs aux seuils ci-dessus, les recommandations sont les mêmes que dans la population générale.

L'immunogénicité du vaccin contre la rougeole est diminuée chez les personnes vivant avec le VIH.

Pour les femmes infectées par le VIH ayant un taux de CD4 supérieur à 200/mm3, en âge d'avoir des enfants, et dont la sérologie rubéole est négative, une injection du vaccin triple rougeole-oreillons-rubéole est recommandée avec un contrôle de la sérologie rubéole après vaccination. En cas de non-réponse après vaccination, une seconde injection est recommandée. Il n'y a pas lieu de faire plus de deux injections.

Chez les femmes également séronégatives pour la rougeole, deux doses seront réalisées. Il est nécessaire de s'assurer de l'absence d'une grossesse débutante et d'éviter toute grossesse dans les 2 mois suivant la vaccination, en raison d'un risque tératogène théorique. En cas d'exposition à la rougeole, la vaccination peut être réalisée dans les trois jours suivant l'exposition chez les personnes sans antécédent de rougeole et n'ayant pas reçu deux doses de vaccin rougeole, à la condition que leurs CD4 soient supérieurs aux seuils définis.

2.2. Vaccination contre la fièvre jaune

Cette vaccination est obligatoire pour les résidents du département de la Guyane. Le risque de survenue de maladie postvaccinale, même faible, contre-indique la vaccination chez les patients ayant un nombre de CD4 insuffisant (voir ci-dessus). Le titrage des anticorps antiamariles peut au besoin être réalisé, au cas pas cas, en cas de contre-indication au vaccin. L'immunogénicité du vaccin est diminuée en cas d'infection à VIH, ce qui peut également justifier un contrôle de la sérologie postvaccinale.

2.3. Vaccination contre la varicelle et le zona

La vaccination contre la varicelle est bien tolérée et immunogène chez l'enfant infecté par le VIH ayant des CD4 supérieurs aux seuils précisés dans l'encadré. Une étude a montré son efficacité clinique dans la prévention de la varicelle et du zona chez des enfants infectés par le VIH. Il n'y a pas de données publiées sur la vaccination contre la varicelle des adultes infectés par le VIH.

Chez l'enfant infecté par le VIH, il n'existe pas à ce jour d'argument pour recommander la vaccination systématique contre la varicelle.

Chez les adolescents et les adultes n'ayant pas d'antécédents de varicelle, une sérologie virus zona varicelle (VZV) doit être réalisée pour rechercher une immunité. Chez les sujets dont la sérologie est négative :

  • si le taux de CD4 est supérieur à 200/mm3 et en l'absence de grossesse, deux injections de vaccin varicelle sont recommandées avec un intervalle d'au moins un mois entre les deux doses, avec la possibilité d'utiliser l'aciclovir en cas de varicelle postvaccinale ;
  • si le taux de CD4 est inférieur à 200/mm3, la vaccination ne doit pas être réalisée et les immunoglobulines spécifiques pourront être proposées en cas d'exposition à un cas de varicelle.

En cas d'exposition à la varicelle, la vaccination peut être réalisée dans les trois jours suivant l'exposition chez les personnes sans antécédent de varicelle ou dont l'histoire est douteuse, et si le taux de CD4 est supérieur à 200/mm3.

Toute vaccination chez une jeune femme en âge de procréer doit être précédée d'un test négatif de grossesse et une contraception efficace de 3 mois est recommandée après chaque dose de vaccin.

Le vaccin actuellement disponible contre le zona ne peut être recommandé en l'état actuel des connaissances chez les personnes vivant avec le VIH.

2.4. Vaccination contre la grippe saisonnière par un vaccin vivant

Chez l'enfant et l'adolescent infectés par le VIH avec des CD4 supérieurs aux seuils précisés ci-dessus, le vaccin grippal vivant atténué est bien toléré et immunogène. Ce vaccin grippal nasal peut être utilisé dans le cadre de son autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les enfants infectés par le VIH âgés de 24 mois à 17 ans révolus, pour lesquels la vaccination grippale annuelle est recommandée. Ce vaccin vivant nasal est contre-indiqué si le nombre de CD4 est insuffisant, et dans ce cas le vaccin grippal inactivé est recommandé.

2.5. Vaccination contre les infections à rotavirus

La vaccination des nourrissons contre les infections à rotavirus n'est pas recommandée en France. Chez le nourrisson infecté par le VIH, il n'existe pas à ce jour d'argument pour recommander la vaccination systématique contre les infections à rotavirus.

Sources :