21èmes Journées Nationales d’Infectiologie - Volet n° 2 : vaccination des professionnels de santé et des personnes avec facteur de risque

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Les 21èmes Journées Nationales d'Infectiologie**(**JNI) se sont déroulées du 9 au 11 septembre 2020 à Poitiers. Cet article est le deuxième volet du compte rendu de ces journées intéressant les maladies à prévention vaccinale ainsi que la vaccination des professionnels de santé et des personnes avec des facteurs de risque.

Dans l'objectif d'améliorer en permanence le rapport bénéfice-risque de chaque vaccination, les recommandations vaccinales, en France, sont de plus en plus personnalisées. Ainsi les recommandations vaccinales dites « particulières » pour les personnes plus à risque de faire une forme grave de la maladie ou plus exposées sont de plus en plus nombreuses. L'application de ces recommandations reste un défi majeur en France. Au cours des 21èmes JNI, cela s'est traduit par un nombre conséquent de communications sur cette thématique. Cet article présente les recommandations vaccinales concernant les trois catégories de personnes suivantes : les professionnels de santé, les personnes immunodéprimées ou atteintes de comorbidités et le cas particulier de la vaccination de la femme enceinte.

Ces communications analysaient principalement deux indicateurs : la couverture vaccinale et l'acceptabilité de la vaccination, qui est un facteur plus récent et de plus en plus étudié.

Vaccination des professionnels de santé : de grandes disparités en fonction des professions

Une étude nationale réalisée par Santé publique France sur la couverture vaccinale des professionnels de santévis-à-vis de la grippe a été publiée en octobre 2019. L'étude présentée lors de la session des JNI avait deux objectifs. Le premier objectif était d'estimer, en plus de celle contre la grippe, les couvertures vaccinales contre la rougeole, la coqueluche et la varicelle. Le deuxième objectif était d'aborder la position des professionnels de santé vis-à-vis de l'obligation vaccinale pour leur profession. Cette étude a été réalisée au sein de 167 établissements de santé. Elle a inclus 8 594 professionnels de santé (médecins, sages-femmes, infirmiers et aides-soignants) exerçant dans différents services (médecine-chirurgie, gynécologie-obstétrique, pédiatrie, services avec patients à risque tels que la réanimation, l'hématologie et l'oncologie).

Les couvertures vaccinales estimées étaient les suivantes :

  • Grippe : 34,8 % ;
  • Rougeole (au moins une dose) : 73,3 % ;
  • Varicelle (pour les professionnels sans antécédent de varicelle) : 26,4 % ;
  • Coqueluche (rappel à l'âge adulte) : 53,5 %.

D'une manière générale, les professions médicales étaient mieux vaccinées que les professions paramédicales (infirmiers et aides-soignants). Les professionnels travaillant au sein de services avec patients à risque n'étaient pas mieux vaccinés que dans les autres services.

Le pourcentage de professionnels de santé ayant une opinion favorable ou très favorable à l'obligation vaccinale était de :

  • 43 % pour la vaccination grippale ;
  • 73 % pour la vaccination contre la rougeole ;
  • 72 % pour la vaccination contre la coqueluche ;
  • 57 % pour la vaccination contre la varicelle

Avec, là aussi, une forte disparité entre les médicaux qui étaient plus favorables à l'obligation vaccinale que les paramédicaux.

En conclusion, les couvertures vaccinales, par rapport à la dernière étude nationale Vaxisoinréalisée il y a 10 ans en 2009, ont augmenté très légèrement pour la grippe (1 % par an) et de manière plus significative pour la rougeole (+ 2,3 % par an) et la coqueluche (+ 3,3 % par an) ; elles restent stables pour la varicelle. Elles doivent donc progresser et la vaccination doit être encouragée fortement auprès des professionnels de santé en charge de patients à risque. Les professionnels de santé sont nettement favorables à l'obligation vaccinale contre la rougeole et la coqueluche.

Les professionnels de santé et la perception de la vaccination : toujours demandeurs de formation

Une étude comparant la couverture vaccinale contre la grippe des professionnels de santé en établissement de soin et en ville pointait les idées reçues sur l'efficacité et les effets indésirables du vaccin. La couverture vaccinale était de 24.4 % pour les professionnels de santé exerçant en établissement de santé, de 40 % pour ceux exerçant dans les établissements médico-sociaux (de 43 % pour ceux exerçant dans les EHPAD) et de 63 % pour ceux exerçant en ville. Tous ces professionnels de santé soulignaient l'importance de la formation initiale et continue pour améliorer leurs connaissances sur la vaccination contre la grippe. Cette demande récurrente de formation continue a été également la conclusion d'une autre étude réalisée auprès de 461 médecins de ville exerçant dans la région de Nantes (64.3 % d'entre eux souhaitent obtenir des informations régulières sur les vaccinations).

Chez les étudiants en santé (médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes et kinésithérapeutes), l'étude Percevac montrait la bonne perception de la vaccination. Cependant, moins de la moitié des étudiants en santé participant à l'étude étaient à jour de leurs vaccinations obligatoires et recommandées. Là aussi, la conclusion était de proposer systématiquement une information sur les vaccins au début de leurs études.

L'ensemble de ces résultats devrait encourager les actions de formation et de communication autour de la vaccination destinées aux professionnels de santé, et à améliorer le parcours vaccinal du professionnel de santé.

Personnes immunodéprimées et malades atteints de comorbidité : des recommandations vaccinales toujours mal suivies

Les personnes atteintes de déficits immunitaires primitifs ou secondaires ainsi que les personnes atteintes de maladies chroniques (asthme, diabète, BPCO, etc.) sont à risque élevé d'infection avec une morbidité et une mortalité plus importante qu'en population générale. Certaines de ces infections sont à prévention vaccinale, en particulier les infections à pneumocoque et la grippe. Malgré des recommandations vaccinales spécifiques publiées depuis 2012 et répétées tous les ans dans le calendrier vaccinal, les couvertures vaccinales semblent très en dessous de ce qui est souhaité, même s'il est difficile de les évaluer et que les études à ce sujet restent très rares.

Partant de ce constat, l'étude rétrospective COVARISQ (estimation de la COuverture VAccinale des adultes à RISQue) avait pour objectif d'évaluer ces couvertures vaccinales à partir des données du Système National des Données de Santé (SNDS).

Pour les personnes immunodéprimées , les estimations de couverture vaccinale étaient les suivantes.

  • Infections à pneumocoque avec un schéma complet (vaccin pneumococcique conjugué 13-valent, vaccin pneumococcique non conjugué 23-valent) : 14 %. Hormis chez les greffés de cellules souches, aucun groupe de personnes immunodéprimées ne présentait une couverture vaccinale supérieure à 25 % ; la couverture vaccinale la plus faible était observée chez les personnes ayant reçu une chimiothérapie (6 %).
  • Grippe : 31 %

Pour les personnes ayant une maladie chronique , les estimations de couverture vaccinale étaient les suivantes.

  • Infections à pneumocoque (une dose de vaccin pneumococcique 23-valent) : 10 %. Les groupes les mieux vaccinés étaient les malades atteints d'asthme sévère (33 %) ou atteints de BPCO (29 %). Les malades vivant avec un diabète avaient une couverture vaccinale de 7 %.
  • Grippe : 48 %. Les groupes les mieux vaccinés étaient ceux atteints d'asthme sévère (62 %), d'insuffisance cardiaque chronique (60 %) et de BPCO (54 %). Ces couvertures vaccinales insuffisantes ne s'expliquaient pas par la désertification médicale car, en 2016, 94 % des patients inclus dans l'étude avaient consulté un médecin généraliste au moins une fois avec une médiane de 6 consultations par patient.

Au total, les recommandations vaccinales particulières pour ces patients, bien qu'introduites depuis 5 ans au moment de l'étude, restent mal suivies, à cause d'un manque d'information ou de difficultés du parcours vaccinal. Le défaut de vaccination est particulièrement important chez les personnes diabétiques ou ayant reçu une chimiothérapie et les efforts de communication devraient mieux les cibler. L'intérêt du carnet de vaccination électronique intelligent de MesVaccins dans ce contexte (NDLR) est d'attirer l'attention des citoyens sur leurs besoins vaccinaux personnalisés, adaptés à leurs facteurs de risque, mais aussi d'apporter une aide à la décision aux professionnels de santé. L'intérêt n'est pas seulement de répondre aux questions que se posent les patients et les médecins sur la protection vaccinale, mais aussi, d'une certaine manière, d'apporter des réponses aux questions que nous n'avons pas la présence d'esprit de poser lors d'une consultation médicale.

Chez les personnes âgées de 65 ans et plus, l'hospitalisation peut être une occasion de rattrapage vaccinal, comme cela a été montré dans l'étude HOSPIVAC.

Vaccination de la femme enceinte : immuniser la mère pour protéger l'enfant

La vaccination de la femme enceinte reste un sujet « tabou » en France. La vaccination contre la grippe , actuellement la principale vaccination à être recommandée pendant la grossesse, peine à atteindre une couverture vaccinale de 8 % (7,4 % en 2016 en France métropolitaine) alors qu'elle atteint 50 % en 2017/2018 aux Etats-Unis et 45 % au Royaume-Uni et qu'elle est recommandée en France depuis 2012, quel que soit le trimestre de la grossesse. Pourtant, les risques liés à la grippe d'une part, l'efficacité et la sécurité d'emploi du vaccin contre la grippe d'autre part, sont bien connus tant pour la femme enceinte que pour le foetus et le nouveau-né et plaident largement en faveur de cette vaccination.

Pourquoi la couverture vaccinale contre la grippe est-elle si basse chez la femme enceinte en France ? La réponse à cette question était l'objet d'une étude périnatale menée dans une maternité en Ile-de-France et présentée lors des 21èmes JNI (communication orale, sans résumé disponible).

  • La première raison est la non proposition de cette vaccination de la part du professionnel de santé, souvent par manque de connaissance et donc de formation. L'enquête montre que seule 25 % des femmes enceintes ont eu la proposition de vaccination alors qu'on sait que la recommandation par un professionnel de santé multiplie par 10 voire 12 l'adhésion à cette vaccination et que la crainte des effets indésirables divise par 5 cette même adhésion. L'information délivrée par le professionnel de santé est donc essentielle. La non proposition vient également d'une question d'organisation de cette vaccination au sein de la maternité (disponibilité des vaccins sur place). Pour être suivie, l'information sur la recommandation doit être assortie de la proposition de réaliser cette vaccination.
  • La deuxième raison est le manque de connaissance des femmes sur cette vaccination : 10 % pensent qu'elle est contre-indiquée chez la femme enceinte, 48 % pensent que les effets indésirables sont fréquents pour l'enfant et 40 % ignorent les risques de formes graves de la grippe chez la femme enceinte et les bénéfices pour le nouveau-né. S'ajoute à cela la défiance d'une manière générale vis-à-vis du vaccin grippal. La formation des professionnels de santé, l'information des femmes enceintes et l'organisation pratique de cette vaccination sont les trois axes à améliorer pour augmenter de manière significative la couverture vaccinale grippe chez la femme enceinte.

Les résultats de cette étude appellent le même commentaire que celui fait plus haut au sujet de la vaccination des personnes immunodéprimées ou atteintes d'une affection chronique sur l'intérêt du carnet de vaccination électronique. La simple création d'un tel carnet, que l'historique vaccinal y soit reporté ou non, informe la femme enceinte comme le médecin d'une part des recommandations vaccinales spécifiques (en particulier la vaccination grippale) et d'autre part des contre-indications vaccinales (vaccins vivants) en cas de grossesse.

La vaccination contre la coqueluche chez la femme enceinte a également été abordée lors d'une communication orale. L'objectif de cette vaccination est d'éviter les formes graves de coqueluche chez les nourrissons âgés de moins de 3 mois, la primovaccination du nouveau-né ne permettant pas une protection complète avant l'âge de 5 mois. La stratégie du cocooning a ses limites et la vaccination lors de la grossesse serait une possibilité pour couvrir cette fenêtre de vulnérabilité. Le retour d'expérience de nos voisins européens qui vaccinent dès le deuxième trimestre de grossesse et les études d'immunogénicité et de tolérance de la vaccination coqueluche lors de la grossesse plaident en faveur de cette vaccination qui a d'ailleurs fait l'objet d'une saisine auprès de la Haute Autorité de Santé en 2019. A noter que cette vaccination a été recommandée chez la femme enceinte à Mayotte en situation épidémique.

D'autres perspectives vaccinales chez la femme enceinte ont également été abordées car actuellement en cours d'étude pour les infections à streptocoque B et à VRS.

Pour conclure , il apparait urgent de promouvoir la vaccination des personnes fragiles et des professionnels de santé au vu des couvertures vaccinales bien trop faibles pour des vaccinations qui leur sont particulièrement recommandées. Les pertes d'occasions de vacciner sont nombreuses chez ces personnes à risque qui consultent pourtant régulièrement un professionnel de santé pour la plupart d'entre elles. La formation des professionnels de santé, la facilitation de l'accès à la vaccination et l'information personnalisée sont les axes majeurs à investir.

Dans le contexte de l'épidémie de covid 19, améliorer la couverture vaccinale des populations cibles est plus que jamais d'actualité pour la campagne vaccinale 2020-2021. D'ailleurs, la stratégie vaccinale actuelle contre la grippe en France pour réduire le fardeau de cette maladie et anticiper l'impact éventuel d'une circulation concomitante du SARS-CoV-2 (coronavirus responsable de la covid 19) et des virus grippaux n'est pas d'élargir cette vaccination à d'autres populations mais d'améliorer la couverture vaccinale des populations à risque de complication et des professionnels de santé.

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