Recommandations sanitaires aux voyageurs 2013 : ce qui change
Comme annoncé dans une précédente nouvelle, le recueil des « Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2013 », élaboré par le Comité des maladies liées aux voyages et des maladies d'importation du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), vient d'être publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 22-23 du 4 juin 2013. Nous en présentons ici la comparaison avec les recommandations 2012, permettant de faire ressortir quelques aspects nouveaux.
Cette nouvelle version d'un document essentiellement destiné aux professionnels de santé, subit des modifications destinées à en faciliter la lecture et à en faire un outil plus efficace dans les mains des médecins conseillant les voyageurs. Ces modifications concernent l'ordre et l'organisation des différents chapitres mais aussi leur contenu, prenant en compte les évolutions constatées ou obtenues pour chaque risque ou groupe de risques. Comme dans notre article du 29 mai 2012 qui présentait les recommandations 2012, les modifications apportées par la nouvelle édition sont présentées chapitre par chapitre. Ils sont cette fois au nombre de douze, dans un ordre censé correspondre à celui des thèmes abordés lors de la consultation du voyageur. Les vaccinations et le paludisme font l'objet des deux premiers chapitres. Ils comportent tous deux un encart précisant la nouvelle procédure de déclaration des effets indésirables qui doit être effectuée par "tout médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu pouvant être dû à un médicament ou à un produit mentionné à l'article R.5121-150 du Code de la santé publique, dont les vaccins". Cette déclaration se fait maintenant en ligne sur le site de l'Ansm.
L'entomologie et les risques liés aux arthropodes autres que le paludisme prennent de plus en plus d'importance et viennent en troisième position, avant les diarrhées et risques liés à l'alimentation (chapitre 4), dont l'incidence se maintient à très haut niveau mais n'augmente pas. Les accidents de toute nature, dont les risques liés à des animaux autres que les arthropodes comme les envenimations, sont à présent abordés dans deux chapitres (5 : transports - 6 : environnement). Viennent ensuite les risques liés aux comportements sexuels (7), aux soins (8), aux pratiques de tatouage et piercing (9). Le chapitre 10 présente les précautions spécifiques à certaines personnes, la constitution d'une trousse à pharmacie est présentée dans le chapitre 11. Le chapitre 12 rappelle les aspects administratifs qui ne doivent pas être négligés.
La lecture de notre analyse ne dispense pas les professionnels de santé concernés de la lecture du document d'origine, plus détaillé.
1. Vaccinations
Le contexte épidémiologique international, la situation sanitaire et le niveau d'hygiène de la zone visitée, les conditions du séjour arrivent en tête pour l'évaluation des risques encourus par le voyageur, avant les facteurs de risque individuels et le statut vaccinal.
Il est rappelé que la mise à jour des vaccinations recommandées dans le nouveau calendrier vaccinal français, pour les adultes et les enfants, est la première condition à réaliser. Elle est particulièrement importante pour la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche, quel que soit l'âge. Les vaccinations sont ensuite présentées par ordre alphabétique, et non plus groupées en fonction de leur indication, générale ou particulière. Les cas des déficits immunitaires héréditaires ou acquis, consécutifs à l'infection par le VIH ou à des traitements immunosuppresseurs, sont présentés dans un tableau (tableau 1) apportant plus de précisions que la précédente présentation.
Encéphalite japonaise : les recommandations visent les "personnes" et non plus les "adultes" puisqu'en février 2013, l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du vaccin IXIARO® a été modifiée et son utilisation autorisée dès l'âge de 2 mois. Malgré cette autorisation, leHCSP n'a pas encore diffuséà ce jour un avis recommandant la vaccination des enfants exposés au risque d'encéphalite japonaise. L'attention est attirée sur le fait que, en cas de nécessité de rappel, le vaccin vendu en Europe, disponible en France dans les seuls centres de vaccinations internationales (CVI), n'est pas disponible dans tous les pays asiatiques d'endémie.
Fièvre jaune : la mention du caractère obligatoire de la vaccination anti-amarile pour les résidents de Guyane a été ajoutée. Précisons d'ailleurs qu'un certificat de vaccination contre la fièvre jaune est exigé de tous les voyageurs âgés de plus d'un an. Le document indique qu'en cas de nécessité (voyage en zone d'endémicité pour une personne qui ne peut pas être vaccinée), un certificat de contre-indication à la vaccination anti-amarile peut être délivré par le médecin du CVI ou par le médecin traitant.
Fièvre typhoïde : le niveau de protection conférée par le vaccin est revu à la baisse (50 à 65 %) et le sous-continent indien désigné comme la zone d'endémie principale. Le vaccin n'étant disponible que dans les CVI, il n'est administré qu'en cas de risque élevé d'exposition et ne dispense pas de l'application des règles d'hygiène.
Hépatite B : le dépistage d'une infection occulte est recommandé avant la vaccination pour les personnes appartenant à des groupes à risque. Les trois stratégies de dépistage proposées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2011 sont présentées : recherche des marqueurs Ag HBs, Ac anti-HBs et Ac anti-HBc, ou Ac anti-HBs et Ac anti-HBc, ou Ag HBs et Ac anti-HBs.
I** nfections invasives à méningocoques A, C, Y, W135** : les différents vaccins disponibles en France sont présentés de façon plus détaillée que dans la version 2012 du document, avec leurs noms commerciaux. L'obligation de vaccination par un vaccin tétravalent A, C, Y, W135, conjugué ou non conjugué, pour les personnes se rendant en pèlerinage en Arabie saoudite n'apparait plus dans le texte, mais elle figure dans les tableaux récapitulatifs 2 (enfants) et 3 (adultes). Les risques particuliers encourus par les personnes se rendant à ces pèlerinages sont par ailleurs développés au chapitre 10.
Rage : le schéma de vaccination préventive est composé de 3 injections à J0, J7, J21 ou J28. Les doses de rappel (1 an ou 5 ans) ne sont plus nécessaires pour les personnes vivant ou se rendant dans des zones à haut risque qui ont reçu une vaccination initiale complète. Bien entendu, la vaccination préventive ne dispense pas d'un traitement curatif (deux injections de rappel) en cas d'exposition à la rage (morsure de chien par exemple).
Rougeole : le schéma vaccinal est mis à jour : "une injection avec le vaccin monovalent entre les âges de 6 et 11 mois et 2 injections du vaccin trivalent rougeole, rubéole, oreillons, la 1ère à l'âge de 12 mois, la 2e entre les âges de 16 et 18 mois (avec un intervalle d'au moins 1 mois entre les deux doses). Toutefois, le vaccin trivalent peut être utilisé entre 9 et 11 mois, la nécessité de recevoir une ou deux doses ultérieures chez ces voyageurs sera précisée prochainement par le HCSP".
2. Paludisme
L'épidémiologie changeante de cette parasitose majeure est présentée et fait l'objet de tableaux et figures détaillés. Le nombre de cas importés en métropole par des personnes revenant des zones d'endémie a diminué de 1,3 % en 2012, après une baisse très marquée (25 %) en 2011. La part des pays situés en Afrique parmi les pays à l'origine des contaminations reste majoritaire, elle s'élève à plus de 95 % ; 78 % des cas se produisent chez des sujets d'origine africaine, ils sont dus à Plasmodium falciparum dans 88 % des cas. La diminution du nombre de cas en provenance des Comores se maintient, alors que pour le Cameroun elle fait suite à une augmentation en 2011. A l'inverse, on constate une augmentation pour la Côte d'Ivoire et le Mali, suivant une importante diminution en 2011. Parmi les cas importés, 198 ont évolué vers des formes graves, provoquant 9 décès. Les deux chiffres sont en augmentation non statistiquement significative par rapport à 2011.
Les raisons des variations observées dans plusieurs pays ne sont pas identifiées. La confirmation qu'une majorité des cas déclarés correspondent à des sujets d'origine africaine pourrait indiquer une mauvaise application des mesures de prévention dans cette population.
En 2012, deux pays précédemment considérés comme à risque ont été déclarés indemnes de paludisme et classés dans le groupe 0 ; il s'agit de l'Arménie et du Kazakhstan.
Les résistances de P. falciparum aux antipaludiques continuent de s'étendre : Madagascar passe en groupe 3 en raison de l'apparition de résistances au proguanil et rejoint ainsi l'ensemble des pays d'Arique subsaharienne.
Des infections à P. knowlesi, parasite du singe, ont été identifiées chez l'homme pour la première fois à Bornéo en 2004. Elles ont depuis été rencontrées dans toute l'Indonésie, en Malaisie, à Singapour, en Thaïlande, aux Philippines, et à présent à Brunei. P. knowlesi n'a pas pour l'instant montré de résistances aux antipaludiques et les chimioprophylaxies proposées pour ces pays devraient rester actives.
Pour le traitement des formes graves de l'enfant comme de l'adulte, le HCSP a émis en février 2013 un avis recommandant l'artésunate injectable, disponible sous ATU (Autorisation temporaire d'utilisation) nominative.
Les chimioprophylaxies recommandées, pays par pays, et les schémas prophylactiques font l'objet de plusieurs tableaux (4, 6, 7). Les pays qui connaissent une situation complexe (disparités locales, présence de parasites différents) sont présentés dans le tableau 5. Le sud du Viêt Nam apparait maintenant dans la liste des pays du groupe 3 (prévalence élevée de chloroquinorésistance ou de multirésistance) où est apparue une résistance à la méfloquine.
3. Risques liés aux arthropodes
Les arthropodes hématophages sont une nuisance, ils peuvent aussi être les vecteurs de maladies éventuellement graves dont l'incidence est en augmentation. D'autres arthropodes sont responsables d'envenimations à manifestation locale ou générale, pouvant être très sévères voire mortelles. Les nouvelles recommandations leur consacrent un chapitre important et détaillé, rappelant que plusieurs moyens de protection, adaptés en fonction des personnes, des situations et des arthropodes, doivent être combinés pour se montrer efficaces.
La protection contre les moustiques piquant la nuit fait l'objet cette année d'un paragraphe unique où il est précisé qu'elle vise non seulement la prévention du paludisme (moustiques du genre Anopheles), mais aussi celle de plusieurs arboviroses importantes, telles que West Nile, encéphalite japonaise et encéphalites américaines (Culex et autres moustiques). Des piqûres en période diurne sont malgré tout possibles, et dans les zones à risque, la protection utilisant les mesures recommandées doit être maintenue autant que possible tout au long de la journée.
L'attention des voyageurs est attirée sur la ré-émergence mondiale des punaises de lit, qu'il convient d'éviter de transporter dans ses bagages.
4. Diarrhée du voyageur et autres risques liés à l'alimentation
Le chapitre insiste sur la place de la prévention et donc des mesures d'hygiène pour des pathologies dont les causes sont multiples et la fréquence très élevée : le taux d'attaque de la diarrhée chez les voyageurs peut dépasser 50 % sur un séjour de 3 semaines. Les attitudes à adopter sont précisées, elles prennent en compte le risque de toxicité des poissons de mer.
Malgré le nouveau titre donné au chapitre, les "autres risques liés à l'alimentation" ne sont pas présentés. Il conviendra de se rapporter aux autres chapitres et paragraphes consacrés aux transports, à l'environnement et aux animaux ou aux risques propres à certaines personnes pour y voir ces risques évoqués.
5. Transports
Le chapitre regroupe les risques propres à tous les moyens de transports, routiers, aériens ou maritimes, et les accidents de la voie publique, qui se trouvaient précédemment traités dans des chapitres différents.
6. Environnement
Avec la diversité et l'évolution de l'offre et des pratiques au cours des voyages, ce chapitre prend une grande importance. Les risques liés au soleil font l'objet d'un développement spécifique. Les risques liés aux animaux autres que les arthropodes, responsables d'envenimation, d'intoxination, de transmission d'agents infectieux ou de blessures (morsures, griffures) sont présentés dans ce chapitre. Les précautions à prendre concernant les contacts volontaires ou fortuits avec les animaux prennent une portée générale, non limitée au risque de rage, qui fait toujours l'objet d'un paragraphe. Le rappel des règles d'hygiène corporelle et des comportements à adopter vient à présent conclure ce paragraphe.
7.8.9. Risques liés aux comportements sexuels, aux soins, aux pratiques de tatouages et piercing
En raison de leur importance, ces risques font à présent l'objet de chapitres dédiés. Plus que précédemment, l'attention est attirée sur les risques liés aux hospitalisations dans les pays en développement : les infections nosocomiales y sont particulièrement fréquentes et dues à des bactéries souvent multirésistantes. Pour cette raison, en cas d'hospitalisation dans un pays étranger dans l'année précédente (contre 6 mois auparavant), tout patient hospitalisé en France doit subir un écouvillonnage rectal à la recherche d'un portage de germe résistant.
Le risque de transmission de mycobactéries environnementales est ajouté aux risques connus liés aux pratiques de tatouages et piercings (hépatite B et C, VIH).
10. Précautions en fonction des personnes
Pour les enfants, à la liste des risques établie en 2012 s'ajoutent les accidents domestiques, qui restent possibles et dont la nature peut varier en fonction de la destination et des conditions du voyage.
Bien qu'un âge avancé ne constitue pas en soi une contre-indication au voyage, il est recommandé aux personnes de plus de 65 ans de passer une visite médicale. Cette recommandation vaut aussi pour les personnes atteintes d'affections chroniques ; à coté des objectifs déjà présentés en 2012, la consultation devra rechercher les contre-indications éventuelles à certaines vaccinations.
Le cas des personnes infectées par le VIH et immunodéprimées est abordé dans le même paragraphe. Sont ainsi concernées les "personnes vivant avec le VIH, hypospléniques ou aspléniques, transplantées d'organes solides, greffées de cellules souches hématopoïétiques, sous chimiothérapie pour tumeur solide ou hémopathie maligne, traitées par immuno-suppresseurs, biothérapie et/ou corticothérapie pour une maladie autoimmune ou inflammatoire chronique, présentant un déficit immunitaire héréditaire". Une consultation médicale aura pour but d'adapter les recommandations et conduites, notamment vaccinale, en fonction du mécanisme et de l'importance de l'immunodépression. Tout état d'immunodépression contre-indique l'administration de vaccins vivants, tels que le vaccin antiamaril. Ce vaccin est toutefois autorisé si le nombre de CD4 est supérieur à 200 par mm3, alors que le BCG reste contre-indiqué quel que soit le taux de CD4. Pour les autres vaccins, les recommandations sont les mêmes que pour tous les voyageurs.
Au paragraphe 10.6, les recommandations aux personnes se rendant en pèlerinage à La Mecque sont étendues aux personnes rejoignant tout rassemblement international du type de ces pèlerinages. Elles concernent les risques liés à la foule, s'ajoutant aux risques propres à la destination et qui ont pour conséquences des traumatismes, des problèmes cardiaques et respiratoires, des pathologies gastro-intestinales ou liées à la chaleur. Le vaccin contre la rougeole s'ajoute à la liste des vaccins dont la mise à jour est recommandée, conformément au calendrier vaccinal.
11. Trousse à pharmacie
Il est recommandé que le voyageur emporte tous les médicaments qui lui sont nécessaires, pour toute la durée du voyage et au-delà, en cas de retour retardé toujours possible. Pour des voyages de longue durée, des dispositions particulières peuvent être nécessaires au moment de la prescription (autorisation de délivrance demandée à l'Assurance maladie) puis pour le transport (autorisation de détention, de transport en avion, conservation au froid éventuelle).
Les voyageurs sont incités à la plus grande prudence vis-à-vis de médicaments achetés dans les pays exotiques.
12. Aspects administratifs
Ce chapitre recommande la consultation ou l'inscription sur quelques sites délivrant une information actualisée sur les pays visités. Nous pouvons y ajouter les sites Medecinedesvoyages.net et Mesvaccins.net.
Source : Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, n° 22-23 du 4 juin 2013.