Points clés et perspectives pour améliorer la vaccination des personnes âgées

Publié le 17 mai 2016 à 00h23

Biographie

- Qualité : Docteur en médecine, biologiste médical (DES biologie 1992).
- Activité principale : biologiste médical, médecin de centre international de vaccinations
- Spécialités médicales : microbiologie, virologie, vaccinologie.

Liens d'intérêt

- Membre de commissions et comités :
Commission des maladies infectieuses et des maladies émergentes (Haut Conseil de la santé publique, 2017-2022)
Comité technique de vaccinations (Haut Conseil de la santé publique, 2007-2017)
Groupe vaccins (ANSM, 2016-en cours)
- Liens avec l'industrie :
DPI consultable sur le site HCSP : https://www.hcsp.fr/explore.cgi/Personne?clef=2329 Rémunérations directes par l’industrie : non.
A titre familial : aucun lien.

Le Haut Conseil de la santé publique vient de publier un rapport qui est un document pratique spécifiquement dédié à la vaccination des personnes âgées.

Ce rapport n'est pas seulement une synthèse des recommandations vaccinales chez les personnes âgées. Il présente des axes de communication pour limiter l'hésitation vaccinale et ouvre le débat sur les perspectives vaccinales.

Ces différents points ont été abordés compte tenue de :

  • l'évolution de la pyramide des âges en France, avec une augmentation des personnes âgées de 60 ans et plus et en particulier des personnes très âgées : en 2040, celles âgées de 85 ans et plus seront près de 4 millions, soit quatre fois plus qu'aujourd'hui ;
  • de l'augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes mais aussi valides : en 2040, la moitié des personnes de 85 ans et plus seront dépendantes ;
  • du poids des maladies infectieuses sur la morbi-mortalité des personnes âgées avec l'augmentation du risque d'infections graves avec l'âge dont voici quelques données :
    - 74 % des infections invasives à pneumocoque surviennent chez des personnes de 50 ans et plus, l'incidence est augmentée d'un facteur 10 chez les personnes en institution (Ehpad) par comparaison avec celle observée chez les personnes de même âge vivant à domicile,
    - surmortalité toutes causes confondues au cours d'épidémies de grippe chez les personnes âgées ; plus de 60 % des cas de zona surviennent après 45 ans.

Trois catégories de personnes âgées en fonction de leur état de santé

Bien que le vieillissement physiologique s'accompagne d'une diminution des capacités fonctionnelles, la population âgée est en fait caractérisée par une grande hétérogénéité en fonction de l'état de santé.

On distingue :

  • les vigoureux, en bonne santé, indépendants, autonomes. Ils représentent 55 à 60 % des plus de 75 ans ;
  • les fragiles, caractérisés par une diminution de leur capacité face à un stress, même minime. Ce sont 25 à 35 % des personnes de 75 ans et plus ;
  • les dépendants, en mauvaise santé en raison d'une polypathologie chronique. Ils représentent 10 à 15 % des personnes de 75 ans et plus et la moitié d'entre eux souffre de démence.

L'immunosénescence a un impact sur la diminution de la réponse vaccinale, mais pas seulement.

Le vieillissement du système immunitaire, appelé immunosénescence, est un mécanisme complexe. Il a un impact sur la réponse innée, c'est-à-dire le système de défense non spécifique, et sur la réponse adaptative ou spécifique. Pour celle-ci, l'altération porte sur l'immunité à médiation humorale, c'est-à-dire la réponse en anticorps, et à partir de 80 ans sur l'immunité à médiation cellulaire, responsable du maintien de la mémoire immunologique.

D'autres facteurs d'immunosénescence sont connus, tels l'état nutritionnel et métabolique, les infections et les co-morbidités, l'augmentation des concentrations en cytokines inflammatoires, appelée « inflamming ».

Les conséquences de ce mécanisme sur la réponse vaccinale sont fonction de l'historique vaccinal de la personne âgée. Lors de rappels vaccinaux la mémoire immunitaire, quoique réduite, persiste, ce qui explique leur efficacité (vaccins diphtérie-tétanos-polio). En cas de primo-vaccination, les réponses sont altérées de façon plus importante, d'où la moindre efficacité des vaccins dans cette situation (faible taux de réponse au vaccin contre l'hépatite B ou au vaccin contre la fièvre jaune).

Points clés des recommandations vaccinales chez les personnes âgées en routine et dans des contextes particuliers.

Le rapport fait la synthèse des recommandations vaccinales dans le calendrier vaccinal français en détaillant les vaccinations contre le pneumocoque, la grippe, la coqueluche et le zonas sans oublier la vaccination du voyageur âgé.

La vaccination antipneumococcique a pour objectif de prévenir les infections invasives à pneumocoque. L'âge n'est pas considéré comme constituant à lui seul un facteur de risque spécifique. Ce sont les co-morbidités associées telles que le diabète, l'asthme ou l'insuffisance respiratoire qui sont les facteurs de risque d'infections invasives à pneumocoque.

La faible efficacité clinique du vaccin polyosidique à 23 valences Pneumo 23 chez les personnes âgées, dont celles âgées de plus de 75 ans, et l'insuffisance des données relatives à l'impact du vaccin Prévenar 13 ont conduit à ne pas recommander cette vaccination chez toutes les personnes âgées.

Chez les personnes à risque, quel que soit leur âge, la recommandation vaccinale repose sur la primovaccination avec le Prevenar 13 suivie de l'administration du vaccin Pneumo 23 dans le but d'élargir la couverture sérotypique (proportion de sérotypes couverts par la vaccination).

De nombreuses interrogations sont soulevées quant à l'âge optimal de la vaccination (à quel âge le vaccin ne serait plus efficace), la nécessité de rappels avec quel vaccin, l'impact du remplacement de souches vaccinales par des souches non incluses dans le vaccin Prevenar 13 (modification sérotypique). Les données d'efficacité du vaccin Prevenar 13 sont en cours d'évaluation afin de déterminer la pertinence de vacciner ou non l'ensemble des sujets âgés, y compris ceux présentant un risque faible à modéré d'infections invasives à pneumocoque.

Vis-à-vis de la vaccination contre la diphtérie, comme le recommande l'Organisation Mondiale de la santé, le maintien de rappels vaccinaux tous les 10 ans chez les personnes âgées est nécessaire pour maintenir une immunité vaccinale protectrice.

Concernant la coqueluche, les données épidémiologiques indiquent une augmentation croissante du nombre de cas, en particulier de cas groupés, chez les personnes en institution. Entre 2011 et 2013, l'Institut de veille sanitaire a reçu 31 signalements de cas groupés hors établissements de santé, dont 5 épisodes en maison de retraite. Il n'existe pas de données d'efficacité clinique de la vaccination contre la coqueluche chez la personne âgée, mais on observe une diminution du titre des anticorps coquelucheux, ce qui suggère que des rappels décennaux pourraient avoir un intérêt.

Vis-à-vis de la grippe, la mise en évidence de l'efficacité de la vaccination grippale chez le sujet âgé est limitée par des études cliniques aux méthodologies très hétérogènes. Ce que l'on peut retenir, c'est l'efficacité de la vaccination avec les vaccins inactivés dans la prévention des décès liés à la grippe et au risque d'hospitalisation pour pneumonie. En revanche, l'efficacité de la vaccination est faible pour la prévention des décès toutes causes confondues.

La vaccination contre le zona avec le vaccin vivant atténué Zostavax est recommandée afin de réduire la fréquence du zona (de 64 % chez les personnes âgées de 60 à 69 ans à 38 % chez celles âgées de 70 ans et plus) et la gravité des douleurs post-zostériennes (61 % des cas).

La vaccination du voyageur âgé : une question d'actualité.

C'est une question régulièrement posée compte tenu du nombre croissant de voyageurs âgés de plus de 60 ans. En 2008, plus de 1,5 millions de personnes de plus de 60 ans ont voyagé hors des frontières métropolitaines, dont 28 % environ en Afrique et 10 % en Asie. Plusieurs facteurs sont à considérer :

  • le risque d'exposition du voyageur à l'agent infectieux. Ainsi vis-à-vis de l'hépatite A, les études sérologiques conduites dans plusieurs pays (Pays-Bas, Suisse, Etats Unis) chez des personnes âgées de 60 ans et plus montrent une diminution de la séroprévalence : 55 à 60 % des personnes ne sont pas protégées ;
  • l'efficacité vaccinale : absence de données d'efficacité clinique pour la vaccination contre la fièvre jaune et la rage ; la suppression des rappels décennaux contre la fièvre jaune est effective en 2016 ;
  • la tolérance du vaccin, en particulier celui contre la fièvre jaune, qui est obligatoire dans certains pays, en sachant que le vaccin utilisé est un vaccin vivant atténué. L'évaluation du rapport bénéfices-risques (risque de maladies viscérotropes et neurotropes) est indispensable après l'âge de 70 ans pour la primo-vaccination contre la fièvre jaune. 

L'acceptabilité de la vaccination : motiver les vaccinateurs et proposer une communication vers le grand public et les professionnels de santé sont essentiels pour réduire l'hésitation vaccinale.

Comme on le sait, la couverture vaccinale est insuffisante chez les personnes âgées : c'est le cas de la vaccination contre la grippe ou de la vaccination contre les infections invasives à pneumocoque chez les personnes à risques. Le rapport s'est donc intéressé aux facteurs qui modifient l'acceptabilité de la vaccination. La perception de la gravité de la maladie, le rôle proactif du médecin traitant et des autres professionnels de santé (pharmacien, équipe pluridisciplinaire), la volonté de rester indépendant avec une activité sociale, la protection de l'entourage, la gratuité des vaccins, sont des facteurs incitatifs à se faire vacciner pour la personne âgée. En revanche, la perte d'autonomie, le grand âge (plus de 90 ans), le faible niveau socio-économique, le médecin ou l'équipe multidisciplinaire peu motivés sont des facteurs limitants pour l'incitation à la vaccination. La qualité de l'information est meilleure quand celle-ci est personnalisée ; cependant la communication par les médias ou l'impact de l'opinion de la famille et des amis peuvent avoir des effets délétères (peur de la douleur ou des événements indésirables, doute sur l'efficacité vaccinale).

Motiver les vaccinateurs en les formant à la communication auprès des personnes âgées et de leur entourage est la première étape pour améliorer l'acceptabilité vaccinale.

La communication dirigée vers le grand public et les professionnels de santé pour présenter les données actualisées et récentes sur les rapports bénéfices-risques (ou avantages-inconvénients) des vaccinations et les informations sur les nouveaux vaccins doit aider à limiter l'impact de fausses idées véhiculées par les opposants à la vaccination. Comme le propose le rapport sur la politique vaccinale dit Rapport Hurel, un ou des sites internet dédiés soutenus par une communication officielle sont indispensables pour soutenir la politique vaccinale. C'est ainsi que le site internet VaccinationInfoService.fr a été récemment mis en place.

La simplification du parcours de soins pourrait être optimisée avec par exemple la vaccination lors de la consultation médicale, grâce à la mise à disposition de doses vaccinales dans les cabinets de médecins vaccinateurs en coordination avec les pharmacies d'officine.

Perspectives : mise à jour du statut vaccinal lors de la visite de repérage précoce de la fragilité à partir de 75 ans.

En 2013, la Haute Autorité de Santé recommandait la mise en oeuvre d'une méthodologie pour le repérage précoce de la fragilité chez les personnes âgées à partir de l'âge de 75 ans, en vue de retarder l'évolution vers la dépendance. La mise à jour du statut vaccinal pourrait alors être réalisée à ce rendez-vous, avant que les réponses immunes ne se soient effondrées.

Par ailleurs, de nouveaux vaccins plus efficaces sont nécessaires contre le pneumocoque, avec un ou des vaccins couvrant tous les sérotypes, contre la grippe (le vaccin trivalent inactivé contenant de fortes doses d'hémaglutinine a montré son efficacité aux USA chez les personnes âgées mais n'est pas disponible en France) ou encore contre le zona.

De nouveaux vaccins contre certaines infections digestives de plus en plus fréquentes chez les personnes âgées, telles que les infections à Clostridium difficile ou les diarrhées à Norovirus, sont ou seraient à développer.

Source : Haut Conseil de la santé publique.